Daniel Boucher

Entrevue | Le retour de Daniel Boucher avec Toutte est temporaire

Six ans après Le soleil est sorti, Daniel Boucher est (enfin) de retour avec un quatrième album, Toutte est temporaire, délicieusement illustré par un appétissant cornet de crème-en-glace molle sur la pochette. Rencontre avec l’artiste, qui avait la jasette facile au sujet de son petit-nouveau.

Toutte est temporaire nous rappelle toute la pertinence de Daniel Boucher. On y retrouve du rock brut, de la chanson à l’esprit vif, des arrangements variés, et beaucoup de coeur et de franchise.

Photo par Manon Boquen.

Photo par Manon Boquen.

On y retrouve un charmant single intitulé T’embarques-tu ?, basé sur la mélodie d’une chanson des Karrick :  Je n’ai pas de rose pour ta fête. Le genre de truc qui colle au cerveau, parfait ambassadeur d’un album plus touffu.

On y retrouve une chanson-titre émouvante qui aborde la mort en évoquant des proches disparus au fil des ans.  Judicieusement placée en conclusion du disque.

On y retrouve un collage musical intitulé La Langue, qui reprend l’enregistrement d’un discours enflammé d’Yvon Deschamps, capté dans les années 1970, et qui revendique qu’on parle le français uniquement d’un bout à l’autre de la province, le tout découpé de façon à épouser une musicalité étonnante.

Bref, on y retrouve ce bon vieux Daniel Boucher qui avait séduit tout le Québec en cherchant sa gang de malades, il y a déjà 15 ans. Mais une version mi-quarantenaire de cet homme, au vocable toujours aussi coloré, au sang toujours aussi chaud, mais avec une maturité d’esprit accrue.

C’est long, cinq ans…

On avait l’impression de l’avoir perdu de vue. Pourtant, le long délai n’est pas bien différent des précédents. Dix mille matins est paru en 1999, puis La Patente en 2004 et Le Soleil est sorti en 2008. En terme de délais, c’est assez régulier : quatre, cinq, six ans s’écoulent entre ses albums… Mais le principal intéressé trouve lui aussi que l’attente a été longue. Cinq ans, déjà, depuis son dernier show à Montréal à proprement parler. « C’est long, cinq ans… Pourquoi ça a pris 5 ans ? Je sais pas… »

Lorsqu’on évoque qu’il souffre du « beat Daniel Bélanger », il éclate de rire : « je sais pas si c’est une bonne chose, ça ! »  Après une courte réflexion, tout s’explique. D’abord, on lui a proposé de jouer Ovila Pronovost dans la comédie musicale Les filles de Caleb, vers 2010. Les pratiques, la tournée, l’album… Ensuite, un projet nommé La vie nous arrive, une série documentaire humaniste diffusée à Télé-Québec, qu’il animait en plus d’en écrire la musique. Une autre grosse année et demie de passée.

Puis, il y avait l’inspiration. « Je ne suis pas le plus rapide quand vient le temps de composer », confesse-t-il, sans grande surprise. Il faut dire que sa façon de décrire son processus créatif a quelque chose de presque ésotérique. « Faut accepter la toune quand elle arrive », affirme-t-il, en relatant l’exemple du mythique album blanc des Beatles. « T’as Mother Nature’s Son et Helter Skelter, c’est large de même. Mais les gars ne se sont pas cassé la tête, ils ont accepté les chansons qui arrivent. »

« C’est du courrier, une toune. C’est vrai : c’est de la malle. T’as pas de mérite. Le seul mérite que t’as, c’est de ramasser l’idée quand elle passe et de la concrétiser. Parce que l’idée, quand elle passe, elle existe déjà. Tu ne l’as pas inventée, tu l’as juste ramassée au vol. Moi, je vois ça comme ça. »

Voilà qui est intéressant, surtout pour un artiste qui s’est amusé à exploiter son côté interprète ces dernières années, avec Les filles de Caleb mais aussi la comédie musicale Dracula. « C’est vrai… J’avais pas réfléchi à ça… Au fond, même dans ton écriture, t’es un interprète. »

Photo par Manon Boquen.

Photo par Manon Boquen.

 

Naturellement vintage

Il sourit et semble étonné lorsqu’on lui dit que son nouvel album nous rappelle du vieux Charlebois, voire même Aut’Chose

Photo par Manon Boquen.

Photo par Manon Boquen.

La présence des sonorités vintage sur Toutte est temporaire est toutefois indéniable. « J’aime les vieux sons de guitare », conclut-il promptement.

Cet album a été réalisé en duo, un projet de collaboration étroite avec son batteur Sylvain Clavette, qui est là avec lui depuis les débuts, depuis la première tournée en fait, bien qu’il fût absent sur l’album Dix mille matins. « On devait aller chercher d’autres musiciens, mais dès le début, j’ai eu envie de jouer de la basse. J’avais du fun à le faire. Le but, c’était pas que ça sonne vintage : c’était que ça corresponde à ce que j’ai envie de faire. Moi j’écoute ça, et je suis en paix dans mes oreilles.  J’aime ça. Ça fitte avec ce que j’ai envie d’écouter. »

L’artiste admet avoir pris un grand plaisir à « chercher les sons », à se « promener en studio avec mon casque (d’écoute) à placer les micros à différents endroits pour que ça sonne comme je veux. »

Il entend d’ailleurs approfondir ses envies de production. « J’ai vraiment une piqûre de son. Y’a des affaires que je veux comprendre. Je vais peut-être aller suivre une couple de cours, j’ai besoin d’approfondir ça, je ne peux pas rester où j’en suis là. »

« Des fois, j’aimerais ça aller chercher de la rondeur dans le son, comme sur Abbey Road. Mais je ne sais pas… peut-être que je ne suis pas comme ça. »

Cette envie de pousser plus loin le volet production pourrait-il le mener à réaliser d’autres albums que les siens ?  « Je ne sais pas… Il faudrait que je tripe. Faudrait vraiment que ce soit avec quelqu’un avec qui j’ai une connexion musicale facile, rapide, intense. Une compatibilité complète au niveau des univers musicaux. »

Et la scène ?  Daniel Boucher croquera à pleines dents dans son retour montréalais. Ce soir, au Club Soda, ce sera son premier spectacle à lui en cinq ans. Et ce sera en formule trio, svp. « Pour moi, c’est la formule ultime. Tu ne peux pas reproduire tout ce qu’il y a sur l’album, il faut que tu réadaptes. Donc en partant, il faut que tu sois vivant, tu n’as pas le choix… Mais t’as tellement de liberté.  »  Clavette, le fidèle batteur, sera l’un des deux complices. L’autre ?  Jean-François Déry à la basse. « Je l’ai rencontré parce qu’il montait un projet Abbey Road…  »

– Sors-tu.ca : On revient toujours aux Beatles, hein?

Daniel Boucher : On revient toujours aux Beatles. Pour moi, c’est l’alphabet…


 

* Daniel Boucher sera en spectacle au Club Soda, ce mercredi 12 novembre 2014, à 20h, dans le cadre de Coup de coeur francophone

Photos en vrac
(par Manon Boquen)

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