Entrevue avec Boundary | Un album d’écoute et de réfléxion

En ce mois de « Movember », Sors-tu.ca a eu l’occasion de rencontrer Boundary, l’un des piliers de la scène électro montréalaise, dans le Moustache Café. Son deuxième album Still Life repousse les limites de genre. Introspectif et minimaliste ce 2ème opus nécessite plusieurs écoutes pour que l’on s’en imprègne parfaitement.  

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Boundary, un projet d’équilibre

Cela fait maintenant 2 ans que Boundary est né. Ce projet, qui valorise l’electronica au profit de la musique de club, est venu à Ghislain Poirier un peu par hasard. « J’étais en train de composer un album, et je me suis rendu compte, peut-être à mi-chemin, que c’était assez différent de ce que j’avais fait précédemment. Ça me posait un petit problème. »

Face à cela, Poirier décidé de créer Boundary. Cette nouvelle identité est donc très différente de ce que l’on associe à l’artiste habituellement, et elle a pris du temps avant d’éclore. Elle donne ainsi une autre facette du leader de la scène électro montréalaise.

Finalement, Boundary a permis à l’artiste de mettre de l’équilibre dans son travail. « Là, j’ai plusieurs projets différents, je peux créer sans avoir d’idées préconçues d’où est ce que ça ira donc je peux juste faire de la musique, et après je décide dans quel moule ça va. »

Cela s’accompagne ainsi d’une toute autre identité visuelle et sonore.

Repousser les limites de l’électro ?

Still Life est un album d’électro, certes, mais de l’électro très minimaliste dont le but n’est pas de faire danser les foules.

Dans ce second opus, on retrouve l’envie de l’artiste de repousser les limites du genre. On pourrait donc croire que le nom de scène Boundary traduit cette idée. Finalement, Poirier a une vision bien plus large de ce qu’est ce projet« J’aimais bien l’idée que dans le réel, on a des limites comme des frontières, la dimension un peu géopolitique de tout ça. Les frontières c’est vraiment abstrait. Il y en a qui sont matérialisées avec des murs qui s’érigent encore dans des pays. En même temps, il y a nos limites personnelles ou mentales. Il n’y a pas une direction précise au titre et on peut l’interpréter d’une façon globale ou personnelle. »

 

Still Life, un album nocturne et introspectif

Cet automne, Boundary a donc sorti son 2ème album Still Life. Un album composé uniquement la nuit, après que toutes les folies du quotidien
se soient éteintes. « Il fallait que je sois vraiment dans ma bulle, que je ne sois pas interrompu par des emails, des textos, que je ne sois pas distrait. Quand la vaisselle est terminée, qu’il n’y a plus rien d’autre à faire à part la musique, là c’est un moment à moi. »

Ainsi, la plupart des idées pour ce second album sont venues quand l’artiste était à moitié éveillé. Poirier avait d’ailleurs même déplacé son bureau dans sa chambre pour composer, ce qui enlevait la transition entre l’écriture et le sommeil.

Le fait que cet album ait été fait la nuit le rend très introspectif. Même si elles ne comportent pas de paroles, les pièces de Boundary se ressentent comme quelque chose de très singulier. « Pour moi c’est un disque très personnel. C’est bizarre à dire, car c’est de la musique instrumentale mais c’est un disque qui me touche beaucoup. »

Poirier a donc pris toutes ces émotions en essayant de les retranscrire en musique, mais aussi en s’efforçant de les rendre universelles. « C’était pas juste retourné sur moi, j’ai pris ce que j’avais en moi et je l’ai arrangé pour que d’autres gens puissent y accéder. »

 

Entre minimalisme et grandeur

Comme mentionné auparavant, Still Life est un album très minimaliste. Tout au long de la composition de l’album, Ghislain Poirier a tenté d’enlever des éléments plutôt que d’en ajouter. Ce travail a finalement été le plus fastidieux. « C’est un peu comme les jeux pour enfants : tu fais des tours et tu enlèves les morceaux pour pas que la tour s’écroule. C’est un peu comme ça, c’est un disque où j’ai voulu beaucoup enlever mais j’ai gardé l’essence de la chanson. Ça demande beaucoup de réflexion formelle. »

Ce côté très épuré se ressent comme une mise à nu de la musique. Il a donc fallu beaucoup de courage pour tenter de retirer des composantes pour rendre à la musique sa nature propre. « C’est sûr que quand tu mets moins de choses, tu as le temps d’entendre chaque changement, de te demander pourquoi c’est là. »

Le minimalisme présent dans Still Life donne toutefois une sensation de grandeur au fil de l’album. Quelque chose de vaste et de puissant se dégage de l’écoute de Villes Infinies ou de Ocean par exemple. C’était un facteur recherché chez Boundary, qui voulait faire figure à part dans une période où tout est excès et exagération. « C’est un peu osé, car l’époque dans laquelle on vit est une surenchère de tout : plus d’explosions, plus d’effets. Il y a une force, quelque chose qui se passe. »

S’imprégner de l’album

Still Life n’est donc pas un album abordable, dans le sens où il est nécessaire de l’écouter plusieurs fois pour l’assimiler totalement. C’est d’ailleurs ce que désirait en faire Poirier tout au long de sa composition. « Il faut se donner la peine de l’écouter, ce n’est pas un disque pop du tout. L’album ne viendra pas à toi, je ne le trouve pas non plus abscond pour autant. Mais je fais confiance aux gens qui l’écoutent. »

Après plusieurs auditions, on se sent submergé par diverses émotions. Still Life amène également à la méditation, et fait finalement le parallèle avec ce qu’a ressenti Poirier durant l’écriture de
l’album.

 

Intemporalité

On retrouve aussi sur l’album quelques ressemblances avec la bande orginale de Blade Runner, sur Los Angeles 2019 par exemple. Poirier reconnaît que ça l’a influencé car Vangelis a réussi à faire quelque « d’intemporel » avec cet album-là. Boundary se veut aussi « éternel », et Poirier tente de faire des albums qui ne s’inscrivent pas dans le temps.

 

Sur scène

Ghislain Poirier propose du live avec Boundary. Accompagné d’un claviériste et d’un batteur, deux hommes qu’il connaissait auparavant, il reproduit son univers sur scène. Il cherche aussi toujours des lieux d’exception pour jouer et créer quelque chose de différent que ce que l’on voit habituellement.

Pour son lancement par exemple, Boundary avait joué dans le noir à la SAT, une salle habituellement utilisée pour ses projections. Poirier explique « Boundary s’inscrit un peu dans la marge, et on essaye de faire des événements différents. Je ne cherche pas à jouer à tout prix. J’essaye d’avoir un bon contexte d’écoute. »

* Boundary jouera au Bleury ce dimanche 16 novembre à 19h30.

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