Critique théâtre | Et moi pourquoi j’ai pas une banane ? à La Chapelle

Du 13 au 24 janvier, Mobile Home et Detournoyment présentent l’inimitable Et moi pourquoi j’ai pas une banane ? aux scènes contemporaines La Chapelle. Sous la direction de trois de ses acteurs, ce spectacle sème des malaises si grands qu’on rit en s’étouffant presque, honteux de se moquer de situations et de personnages aussi sordides.

En première mondiale, cette adaptation des bandes-dessinées de Copi – auteur et acteur d’origine argentine au parcours très politisé – est un succès conceptuel. Le décor très simple, constitué de grandes cases blanches tridimensionnelles, rappelle efficacement les origines bédéesques de l’œuvre. Quant aux personnages, a priori effrayants avec leurs grosses têtes en papier mâché dotées de nez aussi surdimensionnés que ceux des illustrations de Copi, on s’habitue étonnamment vite à leur aspect étrange.

Ces humanoïdes n’en sont pourtant pas moins inquiétants et pervers : ils sont grossiers et impatients les uns envers les autres et n’ont pas de considération autre que machiavélique pour leurs semblables. Dans leur univers, les enfants se font expliquer la fabrication des bébés par des allégories fruitières avant de prendre plaisir à la mort brutale de leurs parents.

Le spectacle est une juxtaposition de monologues et de dialogues abscons, tirés de trois ouvrages différents, qui mènent presque tous à des escalades de violence extravagante. S’il est intéressant de rassembler quelques œuvres d’un(e) même auteur(e), tout doit alors être très bien ficelé, ce qui n’était pas nécessairement le cas d’Et moi pourquoi j’ai pas une banane ?. On en perd le fil à mi-parcours, le lien ne se faisant pas nécessairement bien entre les trois bandes-dessinées dont est issue la pièce.

De plus, les messages envoyés au public sont flous, et beaucoup de place est laissée à l’interprétation – une démarche qui peut être très fructueuse, mais dont le dosage n’était pas ici idéal.

Autre petit bémol : l’affichage du slogan « Nous sommes Charlie »  à la fin de la représentation. Est-ce bien l’endroit ? Peut-être. Mais cette prise de position intégrée au spectacle est sujette à malaise pour qui ne l’appuie pas, et ce, au moment d’applaudir les acteurs avec ce message en toile de fond…

Photo de courtoisie par Lulu Vanréchem

Photo de courtoisie par Lulu Vanréchem

Issue d’une approche originale, Et moi pourquoi j’ai pas une banane ? prend au dépourvu et surprend par ses propos acerbes, notamment à l’égard des homosexuels. La sexualité, d’ailleurs, ainsi que la mort, sont des thèmes centraux à cette pièce à l’humour absurde et corrosif, où les rapports sociaux et interpersonnels sont complètement à côté de la plaque.

Copi, à travers la coproduction de Mobile Home et de Detournoyment, critique habilement, par la satire, les comportements insidieux et psychologiquement violents des humains.

Et moi pourquoi j’ai pas une banane ? est une pièce qui vaut amplement le détour pour la qualité et l’unicité de sa démarche, quoique son scénario puisse encore gagner à être perfectionné. Une découverte saisissante pour qui n’était pas familier avec l’auteur et un bonheur complexe pour ses amateurs.

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