Caballero & JeanJass

Caballero & JeanJass au Club Soda | Le Yin et le Yang du rap belge

Caba & JJ ont enflammé la salle, Caba & JJ ont foutu un bordel sans nom. Ce samedi, au Club Soda, le duo de Bruxelles et de Charleroi a présenté son dernier projet en commun, High & fines herbes La mixtape – volume 2 – saison 4, devant un public bouillant.

Pour les néophytes, mieux vaut l’établir d’emblée : on ne dit plus « rap français », on dit « rap francophone ». Portée par une nouvelle vague de rappeurs et de beatmakers, la Belgique rivalise depuis quelques années avec les cadors du rap en Europe, notamment son voisin du sud, la France.

D’où l’expression, on ne dit plus « rap français », on dit « rap francophone ».

Avant de se tourner vers ce voyage musical outre-Atlantique, quelques lignes sur la première partie.

Suivant une brève intervention du beatmaker, sous les applaudissements de la foule ravie que le concert puisse enfin débuter, Rowjay, rappeur italo-québécois de Saint-Léonard, débarque sur la scène du Club Soda pour une trentaine de minutes.

Bien que le public ne se montrait pas comme des plus familiers avec ses textes, le Montréalais a malgré tout offert une entrée en matière agréable, réchauffant proprement la foule avant le plat de résistance.

Arborant un tee-shirt marqué de son nom en noir-jaune-rouge, les couleurs du drapeau de la Belgique, Rowjay établit clairement son statut: un rappeur à la frontière entre le Québec et le Vieux Continent, qui « vient représenter Montréal en Europe », de ses propres mots.

Le plat de résistance

Quelques minutes à peine après la sortie de Rowjay, Caballero & JeanJass apparaissent sur l’excellente chanson Donut, de leur dernière mixtape.

Et quelle ouverture! Les membres du public sont réactifs, ne diminuant pas la cadence et l’intensité face au début de leur performance.

Le duo ne s’appuie pas sur une mise en scène complexe, mais plutôt sur un concert de pur rap à l’ancienne : des textes rappés sous des instrus de drill, de trap, de R&B, des éclairages stroboscopiques, des basses puissantes, voire agressives – ce terme écrit de manière positive –, et un public serré bénéficiant de peu de répit entre les titres.

« Vous êtes là pour faire la fête », lance rapidement JeanJass, dans un Club Soda presque intime tant son acolyte et lui sont habitués à de plus grandes salles en Belgique et en France.

Les mixtapes High & fines herbes, plus récents projets communs, sont essentiellement performées au cours du concert, sans oublier les classiques de la trilogie d’albums Double hélice (2016, 2017, 2018), comme Dégueulasse, Sur mon nom ou Californie.

La beauté du contraste

La force de Caballero & JeanJass, c’est avant tout leur différence; écrire une phrase comme telle peut paraître ironique, mais ce sont leurs approches du rap si distinctes qui rendent pourtant ce duo profondément unique et complémentaire.

Cette complémentarité se traduit également dans leurs projets solos : en 2021, Caballero lançait OSO, et JeanJass Hat trick, mais sous un double album commun (« Comme c’est un double album, ses streams seront mes streams », plaisantait JeanJass dans une entrevue de Konbini).

Vers le milieu de la soirée, cet aspect de variété se fit encore plus ressentir : chaque rappeur s’est accordé quelques minutes seul avec le public, les deux segments permettant de faire ressortir de plus belle le caractère propre de l’artiste.

Caballero, technique et polyvalent dans son rap, s’aventure dans les flows et les styles différents (un parallèle avec son EP de 2022, OSITO, pourrait être établi, où le rappeur alterne à la perfection entre les ambiances durant les 14 minutes de son projet); sa performance de Polaire, tirée de son album OSO, se révèle être l’un des moments les plus mémorables du concert, grâce à « la palme du moshpit le plus violent de la soirée » définitivement décernée par la majorité.

JeanJass, quant à lui, se présente à la foule comme davantage décomplexé, autodérisoire, plutôt dans la même école que Roméo Elvis. Sa séquence illustre le personnage : posé, rappant des textes second degré et teintés de références foot (« Repense à la finale gagnée par les Bleus », chante-t-il plus tard sur X-men), JeanJass a le mérite d’avoir calmé le public après la tornade Caba, proposant un univers musical complètement opposé à son compagnon, mais, encore une fois, complémentaire.

Quand on pense à Caballero & JeanJass, l’image d’un duo vient d’abord naturellement en tête, mais quand on pense à Caballero & JeanJass, il est possible d’aller encore plus loin : à l’image de leur émission à succès, High & fines herbes, d’où est tiré le nom de leurs deux mixtapes, l’aspect de la collaboration prime avant tout (un exemple probant, 11 des 14 titres de leur dernier projet comportent des interventions d’artistes francophones diverses).

De passage dans la Belle Province, autant en profiter pleinement : Rowjay remonte sur scène pour Monster, et, sous une foule en délire – pour le coup, très étonnée aussi –, le Roi Heenok, cet OVNI indéfinissable du rap montréalais, fait également son apparition.

La soirée se dirige tranquillement – pas vraiment, en fait – vers la fin avec la performance d’une séquence du Grünt du duo (une mention au clin d’œil de l’éclairage, imitant la disposition de la version du morceau de 15 minutes disponible sur YouTube), puis par une authentique déclaration d’amour.

D’une part de l’un à l’autre, chacun qualifiant à leur tour son suivant du « meilleur rappeur qu’il connaisse », puis au Québec, JeanJass confiant qu’il prend l’avion demain, mais qu’il espère revenir la semaine prochaine, tandis que Caballero renchérit avec un « c’est chez nous ici ».

Les rappeurs terminent en rappel avec Un cadeau (pour une deuxième fois durant le concert), entourés d’une dizaine de MC : l’image est belle, l’image est représentative.

Force est de constater que Caballero & JeanJass s’impose indéniablement comme l’un des si ce n’est le duo le plus intéressant et hétéroclite du rap francophone à l’heure actuelle.

Le seul bémol de ce passage à Montréal : on n’aurait peut-être pas dit non à un petit Bruxelles arrive (titre de Roméo Elvis, en collaboration avec Caballero), véritable « hymne de notre génération de rappeurs », affirmait JeanJass au quotidien Le Devoir, pour clore la soirée.

Ce sera pour la prochaine fois, on l’espère, cette prochaine fois qui arrive à grands pas au vu de leurs déclarations respectives.

 

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