crédit photo: Pierre Langlois
Bill Frisell

Bill Frisell à Ottawa | Un guitariste toujours pertinent qui vaut largement un aller-retour Montréal-Ottawa

Bill Frisell n’était pas venu au Québec depuis 6 ans. Voilà une bonne raison d’aller faire un tour à Ottawa afin de prendre le pouls d’Ottawa et de constater que la magie entre la guitare de Bill Frisell, la contrebasse de Tony Scherr et la batterie de Kenny Wollesen était toujours présente, même après une bonne vingtaine d’années.

Le dernier passage de Bill Frisell au Québec remontait au Festival International de Jazz de Montréal de 2017 où il était venu présenter le film Bill Frisell: A Portrait d’Emma Franz qui lui était consacré. Il avait alors donné un concert en duo avec le jeune contrebassiste Thomas Morgan, concert qui débutait à 22h30, ce qui était loin d’être idéal pour un concert bien tranquille en duo sans batterie… Oui, j’avoue, j’y ai cogné des clous.

Alors, quand je me suis rendu compte que Frisell faisait une tournée de trois dates en Ontario en ce mois de mars, je n’allais pas rater ça. D’autant plus qu’il était en trio avec ses partenaires de longue date : Tony Scherr (contrebasse) et Kenny Wollesen (batterie). Une collaboration qui remonte au tout début de ce siècle et dont la complicité musicale et amicale ne fait aucun doute, hier comme aujourd’hui.

Le concert a lieu dans le Bronson Centre Music Theatre, au centre d’Ottawa : une sorte de centre communautaire qui offre également une belle salle de spectacle bien remplie ce soir.

Le concert commence plutôt mal avec un premier titre chaotique où Frisell rate ses accords, a un jeu hésitant sur la mélodie, essaie de s’en sortir avec quelques harmoniques mais semble particulièrement stressé. Eh oui, il a beau fêté ses 72 ans la semaine prochaine, avoir 45 ans de tournées à son actif et être l’un des guitaristes jazz les plus influent des années 80, au côté des Marc Ribot et Arto Lindsay qui ont contribué à décloisonner le rôle du guitariste jazz en s’acoquinant avec le rock et l’expérimental pour rafraîchir le jazz, mais ça a l’air que le trac l’attrape encore.

Heureusement, Frisell se reprend rapidement dès le deuxième titre et il se lance dans un premier échange avec la contrebasse de Tony Scherr, toujours jovial et qui fait corps physiquement avec son instrument.  Son jeu détendu fait tout paraître simple, et pourtant.

De son côté, Kenny Wollesen, le cheveu devenu blanc et de plus en plus rare, reste toujours aussi alerte musicalement avec un jeu toujours expressif et engagé, à l’écoute de ses comparses, alternant entre ses baguettes et ses balais pour répondre au mieux à la situation mais qui prend peu de solos ce soir.

Au fil de la soirée, Bill Frisell enchaîne ses titres entre mélodies aux ambiances éthérées et improvisation jazz et il retrouve son jeu au toucher subtil et à la simplicité apparente mais qui cache une recherche harmonique souvent surprenante et pertinente.

On le retrouve même à déclencher sa pédale de saturation pour des solos plus velus. Il se lance aussi à faire quelques boucles enregistrées et triturées à la volée, comme au bon vieux temps, ce qu’il avait délaissé ces dernières années pour plus de simplicité volontaire. C’est pourtant une des ses originalités qui le rendait à part dans les années 90 et pour l’anecdote, lorsque que j’ai vu Frisell pour la première fois en 2001, j’avais été tout étonné de le voir faire ça à la volée avec juste une pédale, j’étais alors persuadé que c’était des effets de studios rajoutés en post-production sur ses albums…

Le concert se termine avec un titre sorti du James Bond de 1967 du même nom, You Only Live Twice chanté par Nancy Sinatra et qu’il avait repris sur son album de 2016, When You Wish Upon A Star qui faisait la part belle à la musique de film. Une longue version très inspirée où les trois musiciens se laissent aller dans leurs échanges, Frisell jouant avec ses pédales, entre un beau trémolo harmonique et sa distorsion, ainsi que ses iconiques boucles triturées.

En rappel, nous avons droit à What the World Needs Now Is Love, un titre en hommage à Burt Bacharach, mort le mois dernier. Frisell n’a jamais caché son admiration pour les chansons de Bacharach. Pour mémoire, Frisell avait joué avec Elvis Costello à la fin des années 90, ce qui avait donné une série de concerts en duo et l’album Deep Dead Blue (1995) puis à l’album The Sweetest Punch (1999) qui comprenait des chansons écrites par Costello et Burt Bacharach, toutes arrangées par Bill Frisell. La encore, le trio se laisse aller dans le lyrisme tout au long du titre et termine en force avec une grande démonstration de boucles inversées et de distorsion d’un Bill Frisell, toujours allumé.

Après les premières frayeurs d’un début confus, ce soir encore Bill Frisell démontre son apport au jazz contemporain et reste toujours pertinent dans le paysage musical moderne même s’il nous étonne forcément moins qu’il y a 30 ans. Finalement, un show de Frisell, ça vaut toujours le déplacement, même un trajet de Montréal à Ottawa!

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