7 Pleasures au FTA 2017 | La nudité pour tout costume de ses 12 danseurs

Nudité, érotisme et sexualité ne sont pas forcément interreliés, tend à démontrer le travail de la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen qui marque un grand coup pour sa première venue en Amérique du Nord avec son spectacle 7 Pleasures, présenté en ce début du FTA 2017 à l’Usine C. La nudité sur scène est-elle un costume comme un autre pour un danseur, sinon l’ultime costume?

S’inscrivant dans la lignée des chorégraphes Jan Fabre et Olivier Dubois en Europe, ou Daniel Léveillé ici, lesquels ont largement utilisé la forme de la nudité des danseurs dans leurs performances, la chorégraphe de 37 ans née à Copenhague n’a jamais eu peur de choquer, s’employant plutôt à redéfinir entre ses danseurs et son public les rapports aux corps entretenus individuellement et collectivement.

7 Pleasures est le deuxième volet d’une trilogie intitulée The Red Pieces commencée en 2014, et qui explore, sans pour autant chercher à provoquer, jusqu’où peuvent aller les notions d’affects et de sensations dans cette relation équivoque au corps nu sur une scène? Chose certaine, ce spectacle d’une heure trente ne serait pas le même si les danseurs étaient habillés.

Ce qui surprend en premier, c’est la vision de ce décor hyperréaliste dans lequel évolueront les danseurs : une table, un divan, une plante verte, deux lampes suspendues par des fils de couleur orange, tout ce qu’il y a de plus banal. C’est Mette Ingvartsen elle-même qui a conçu cette scénographie en apparence inoffensive, avec la complicité de Minna Tikkainen qui signe également les lumières.

Ils sont douze danseurs à sortir de partout au début du spectacle, certains ayant pris place anonymement parmi le public avant de se dévêtir. Comme par une impulsion commune ordonnée, ils auront tôt fait de former sur scène une masse de chair agglutinée, avec ces douze corps nus empilés les uns par-dessus les autres.

En ne s’appuyant sur aucun texte, par moments même sans musique ni trame sonore, les danseurs commencent par utiliser le sol en s’y vautrant pour se déplacer les uns vers les autres comme des animaux rampants. Graduellement, ils se tiendront debout, se toucheront en frémissant jusqu’au secouement, se disperseront puis se rassembleront à nouveau, soulevant les meubles avec frénésie en émettant des cris plaintifs, pris qu’ils sont par des spasmes qui deviendront plus tard une sorte de râle animal collectif.

C’est alors que l’on pourrait se dire que ce spectacle ne va nulle part, ressentant même un certain inconfort dans le public qui à la gêne tousse beaucoup, particulièrement quand s’éteint une musique tribale et saccadée pour laisser la place au vide de l’existence. Mais au contraire, sans cesse interrompu par les entraves qu’il s’impose, par ses figures larvaires qui se composent et se décomposent à vue, le spectacle nous mène inévitablement à une réflexion sur le niveau de tolérance de nos sociétés évoluées devant ce qui ou non est acceptable sur une scène.

Cet éloge charnel surprenant, organique et vivant, correspond parfaitement aux codes de l’univers créatif hors-normes de Mette Ingvartsen, elle-même performeuse, et qui avec un solo comme 69 positions où elle évoluait nue au milieu des spectateurs, aura sans cesse repoussé les limites depuis 15 ans.

De la grande visite donc pour le FTA et son directeur artistique Martin Faucher. Une première présence ici qui nous donne l’irrépressible envie de connaître les autres œuvres de cette artiste singulière. À commencer par The Permeable Stage, le troisième volet du cycle The Red Pieces, une « conférence performative » de dix heures créée l’année dernière à Bruxelles où elle est artiste en résidence au Kaaitheater, tout en complétant un doctorat en chorégraphie dans une université suédoise.

Une conception élargie du rôle de chorégraphe pour celle qui proposait en 2009 Evaporating Landscapes, une performance utilisant mousse et brouillard, son et lumière, matières diverses et non vivantes, dans la perspective d’étendre l’art de la danse au-delà du seul corps humain, qu’il soit habillé ou nu.


* Crédit photo: Marc Coudrais

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