crédit photo: Charles Lafrance
ver solitaire

Ver Solitaire: Le théâtre parasitaire

Le théâtre déambulatoire Ver Solitaire porte bien son nom. Le spectateur, seul avec un personnage, a accès aux pensées déconstruites de ce dernier par le biais d’une paire d’écouteurs offerte en début de parcours. Pendant une heure, du café Parvis jusqu’à l’intérieur de la station de métro Square-Victoria, la pièce porte un regard critique et « une charge viscérale par rapport à la question de la consommation » en plein coeur du centre-ville, raconte Olivier Choinière, à qui l’on doit les textes, la direction artistique ainsi que l’idée originale.

« La genèse du projet, c’est qu’on est parti de bribes de conversations qu’on entendait dans la rue », explique celui qui est également codirecteur général et artistique de L’ACTIVITÉ, théâtre de création. Il explique que la question originale qu’il se posait était: « quel est le discours ambiant, de quoi on parle, qu’est-ce qui nous anime, qu’est-ce qui nous habite? Ce sont des questions très difficiles. »

Il y est donc allé de manière « pseudo-scientifique », et a enregistré tout ce qu’il entendait dans la rue. Ces bribes de conversations sont d’ailleurs ce qu’on entend pendant les premières minutes de la déambulation: une sorte d’ASMR de rue plus ou moins répétitif.

Les thèmes récurrents qu’on y retrouve, aux yeux d’Olivier Choinière, sont la consommation, l’économie et la productivité, « parce qu’il est toujours question d’aller du point A au point B, d’acheter ci, de faire ça. »

Photo par Charles Lafrance

Ces morceaux de conversations qui, au départ, semblent assez anodins subissent au fur et à mesure de la balade des distorsions sonores, jusqu’à devenir un discours monstrueux, celui du personnage guidant le spectateur, « une bibitte qui est un parasite, un virus et qui, pour grandir, a besoin que toi, tu manges. »

Le texte est donc né de la contrainte du vocabulaire utilisé dans ces conversations, attrapées à la va-vite. Le spectateur, qui passe de la Place des arts jusqu’à l’intérieur du Complexe Desjardins, ne comprend alors pas tout-à-fait ce qui se passe.

C’est bien normal, explique le directeur artistique, puisque la mission de L’ACTIVITÉ est de garder le spectateur actif. Celui-ci l’est évidemment physiquement, mais aussi “« entre ses deux oreilles, puisqu’il cherche tout le long à trouver un sens à ce qui se passe, il est toujours en train de construire des liens entre l’acteur, la bande sonore, puis l’espace public. »

Photo par Charles Lafrance

Quatre acteurs possibles, le même nombre de mises en scène

Chaque représentation de Ver Solitaire est unique. Bien qu’elles soient toutes unies par le même parcours, la même bande sonore et la même voix, elles sont soumises aux conditions de l’écosystème urbain, telles que la construction, la circulation, les passants et leur regard, la météo, etc.

Un spectateur aurait raconté à Olivier Choinière qu’alors que son guide et lui entraient dans la station de métro Place d’Armes, une troupe de policiers armés y était également. Dans les écouteurs, la voix disait « […] des armes que je vais dispatcher […] ».

En plus de ces éléments hors du contrôle du scénariste, quatre acteurs différents sont mis en scène, chacun par son propre metteur en scène. Ces derniers ont donc leur propre interprétation de l’aventure, guidé par le montage sonore.

Revendiquer le théâtre et la ville

Le directeur artistique n’en est pas à sa première déambulation sonore: Ver Solitaire est en fait sa huitième. Il est également l’homme derrière Bienvenue à (une ville dont vous êtes le touriste) et Ascension.

L’envie de créer ce genre de pièce lui vient d’un besoin de « revendiquer la ville et l’espace public comme une scène de théâtre », ainsi que de « revendiquer le théâtre comme une agora publique, comme un espace de prise de parole. »

Cet aspect politique ressort directement dans les représentations de Ver Solitaire. Par exemple, un des personnages se tourne vers l’itinérance alors qu’il se trouve dans un grand hôtel du centre-ville, puis passe au travers de stations de métro où se trouvent de vrais itinérants, poussant le spectateur à confronter le contraste entre ces réalités. Selon Olivier Choinière, ce type de revendications politiques se trouve plus aisément dans la rue que sur scène.

Autre exemple, le personnage fait passer le spectateur par une Place des Arts et une Maison Symphonique complètement vides à un Complexe Desjardins débordant d’activités. Ceux-ci se retrouvent alors à négocier l’espace public avec les autres, « avec la prise de paroles de chacun et l’espace de chacun. »

Photo par Charles Lafrance

Ne vous étonnez donc pas trop si vous apercevez des scènes étranges en plein centre-ville d’ici le 14 novembre: il s’agit possiblement du parasite et de son spectateur. Les billets sont en vente sur le site de L’ACTIVITÉ.

 

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