Sadler's Wells

Sutra à la Place des Arts | Mariages intemporels

L’intemporel spectacle Sutra, du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui, fête sa dixième année d’existence et clôt à cette occasion la saison 2017-2018 de Danse Danse. Une rencontre inattendue entre arts, cultures, moines Shaolin et danseur, qui ne manque pas d’émerveiller.

La scène est continuellement partagée entre dix-neuf moines du temple de Shaolin, autant de boîtes en bois suffisamment grandes pour contenir chacune un homme, un danseur caucasien  avec une boîte en métal, et un jeune enfant qui s’amuse avec autant de cubes de bois qu’il y a de boîtes sur scène. Le décor est minimaliste. Sur un côté de la scène, derrière un grand rideau blanc, cinq musiciens jouent en direct une partition originale. L’histoire est simple aussi : pendant que le danseur raconte, les moines s’animent et l’enfant imite.

Sutra, c’est une histoire de transmission, de partages, de découvertes. Alors que le dispositif de départ est très clair : un homme raconte une histoire à un enfant, ajuste de petites boîtes miniatures dans un coin de la scène pendant que les moines, à l’arrière, reproduisent exactement avec leur propre boîte le récit ; les personnages sortent un par un de leur rôle très défini, et soudain on ne sait plus qui apprend, qui instruit, qui raconte. L’enfant au milieu des adultes déambule avec une énergie incroyable, enchaîne les figures acrobatiques qu’il prend aux adultes. Adultes qui imitent l’enfant à tour de rôle, et mettent en valeur son importance dans le spectacle. Ce jeune apprenti devient le vecteur de la pièce, celui qui écoutait sagement tient désormais le rôle central et relie les moines et le danseur, qui tente désespérément de s’intégrer à leurs rangs, se fait rejeter mais revient sans cesse.

La mise en scène alterne entre danses et rites. Les moines Shaolin exposent la beauté sacrée de leurs arts, qui mêlent pratiques bouddhistes ainsi que maîtrise du kung fu et du tai chi. Entre danses de combat, acrobaties, figures martiales et moments de recueillement, ils rythment le spectacle en jouant continuellement avec leurs caisses de bois. À la fois contrainte et support, elles enferment les hommes ou les élèvent, donnent de nouvelles perspectives à la scène. Le danseur, limité par sa propre boîte de métal, cherche en vain à les rejoindre. Guidé par l’enfant devenu maître à son tour, il s’intègre finalement aux rituels, lors d’une dernière scène d’une belle intensité.

Sutra, c’est un spectacle émouvant, qui emprunte à des arts avec lesquels on est familiers, et à d’autres qui nous sont tout à fait inconnus. C’est un moment de performance, qui nous impressionne sans cesse par des pratiques acrobatiques et des réflexes prodigieux de la part de moines qui ont voué leur vie à la maîtrise de leurs compétences. C’est aussi un moment d’émotion, insufflé par l’énergie incroyable dont dispose ce très jeune enfant qui évolue au milieu des adultes pendant une heure, sans jamais relâcher ni attention ni motivation. C’est enfin un moment d’harmonie, de partage, de rapprochements entre ce danseur contemporain qui cherche sans cesse à s’imprégner d’une autre culture que la sienne, avec respect et curiosité. Sutra, c’est un spectacle qu’on ne voit jamais mais qu’on voudrait voir plus souvent.

Sutra est présenté du 3 au 9 mai au Théâtre Maisonneuve, à la Place des Arts.

 

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