crédit photo: Pierre Langlois
Sextile

Sextile au Ritz PDB | Exorciste. Entracte. Extasie.

Présentée comme un concert, cette soirée aurait pu être présentée comme un rave pour couche-tôt. Une telle soirée, ça ne se raisonne pas, ça se ressent. Récit d’une veillée en trois actes conclue sur l’EBM californien débridé de Sextile. Il se passe définitivement quelque chose d’intéressant en musique électronique à Los Angeles.

Exorciste – Laura Krieg, la perle noire locale

Le cran et le courage des artistes indépendants ne cesseront jamais d’impressionner. À l’ouverture des portes, alors que la salle est encore pratiquement vide, on voit Cameron Michel et Brady Keehn (Sextile) jaser à côté de leur table de marchandises. Pendant ce temps, Laura Krieg positionne minutieusement sur scène ses deux seuls compagnons: son ordinateur portable et son clavier. La vie de tournée des artistes indépendants n’a rien de glamour.

Disparue par la petite porte de derrière en guise de mise en scène, Laura Krieg apparaît à nouveau deux minutes plus tard… ce qui nous a donné tout juste assez de temps pour apprécier l’arrière-plan rythmé de rectangles longiformes et colorés qui semble sortir tout droit d’une œuvre de Mondrian et qui caractérise si bien la scène du Ritz PDB.

Lors de son entrée, l’éclairage se tamise et vire au rouge. Rouge, c’est la couleur de l’angoisse, celle de la colère, un état qui se définit par « angst » en allemand. Angst c’est aussi le premier titre que Laura Krieg nous offre sur scène. Un titre tiré de son excellent microalbum Vie Magique, paru en 2021. Il faudra seulement quelques secondes de ses compositions efficaces et dénuées d’artifices, qu’elle qualifie de « pop-synth-punk-brutaliste », pour ensorceler les personnes présentes. Ce n’est pas un euphémisme que de déclarer Laura Krieg la reine montréalaise du darkwave. En connaissez-vous des premières parties capables de conquérir et faire danser une foule à sept heures et demie le soir?

Il y a quasiment un an, jour pour jour, dans cette même salle j’étais foudroyée pour la première fois par le pouvoir hypnotisant des percussions électroniques, synthétiseurs et paroles coup de poing de cette perle noire locale. Difficile de décortiquer ce qui rend ses prestations si envoûtantes, mais le personnage intrigue et fascine. Sa musique et sa prestance font jaillir nos émotions les plus sombres, pour qu’ensuite elles soient démembrées par les paroles incisives de Krieg. « Entre quatre murs tout va bien. Tout s’effondre tout va bien ». C’est probablement cet exorciste, cette lueur d’espoir à travers les ténèbres, qui obnubile.

Laura Krieg, c’est définitivement une artiste à découvrir sur disque et sur scène, surtout si vous avez un penchant pour le darkwave. Du nouveau matériel pourrait voir le jour ce printemps, on a bien hâte d’entendre cela.

Entracte – Bootyspoon derrière les platines

Martyn Bootyspoon est un DJ montréalais considéré par plusieurs comme l’un des meilleurs DJ d’Amérique du Nord. Cet habitué des fêtes nocturnes, qui se terminent au petit matin, nous a offert un set d’environ 30 minutes qui apparut quelque peu décalé. Ça serait injuste de qualifier sa prestation d’inintéressante, mais en sandwich entre deux actes si inspirés, on avait davantage l’impression d’assister à un entracte qu’à la performance d’un DJ aguerri. On aurait volontiers inversé l’ordre des deux premières parties afin que la soirée soit un efficace crescendo d’intensité.

Extasie – Rester sobre grâce à l’EBM

En astrologie, un sextile décrit l’aspect de deux astres éloignés l’un de l’autre d’un angle de soixante degrés. Soixante degrés c’est aussi l’équiangle d’un triangle parfait, soit celui formé sur scène de Brady Keehn (voix, guitare, électronique), Melissa Scaduto (voix, batterie, guitare, électronique) et Cameron Michel (guitare, clavier).

Keenh et Scaduto se sont rencontrés en cure de désintoxication et ont fondé Sextile en 2015 avec deux autres comparses sans autre but que de s’offrir un groupe de soutien dans leur quête d’abstinence. Deux albums sont nés de cette aventure, A Thousand Miles en 2015 et Albeit Living en 2017. Alors que le son du premier était dissonant, anxiogène et grandement inspiré de la scène post-punk, celui du deuxième intégrait du synthétiseur qui laissait apparaître un certain virage dance-punk. Deux des membres fondateurs ont malheureusement failli à leur quête de sobriété et des retrouvailles avec Cameron Michel ont eu lieu pour créer le Sextile d’aujourd’hui.

Mettant fin à un hiatus de quelques années, leur troisième album était lancé plus tôt cette année. Leur dernier opus Push est bestialement divertissant, s’inspirant du punk, de l’industriel, du darkwave et de l’EBM. De la musique électronique pour les amateurs de rock pouilleux.

Pour leur première fois à Montréal, c’est une véritable soirée débridée qu’ils nous ont offerts. Les rythmes à vif de Cameron, le chant au vitriol de Keenh et les riffs crasseux de Scaduto ont transformé le Ritz PDB en mini rave des années 90. À mi-chemin, entre l’extasie des soirées technos et le défoulement des nuits punks, une ambiance digne d’un concert de Prodigy y régnait. Il y a eu des pieds écrasés, des chevilles tournées, des coups de coude échappés et de la bière renversée. Après la venue de Spike Hellis plus tôt cette année et cette soirée en compagnie de Sextile, le public montréalais est à même de constater qu’il se passe définitivement quelque chose d’intéressant en musique électronique à Los Angeles.

Le seul reproche à faire à ces bêtes de scènes californiennes est de ne nous avoir offert que 45 minutes de défoulement. La soirée s’est terminée à vingt et une heure quarante, soit beaucoup trop tôt pour entrer en sueur avec des vêtements sentant la bière.

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