crédit photo: Frédérique Leblanc
Sensei H

Sensei H au Centre Phi | Magnifique coup de théâtre

Ce serait un euphémisme de dire que, depuis sa découverte l’année dernière, Sensei H ne cesse de dépasser les attentes et de surprendre par son audace et sa créativité. Hier, elle n’a pas dérogé à cette règle. C’est un magnifique coup de théâtre qu’elle a préparé et offert alors qu’elle lançait son album La mort du troisième couplet, paru en novembre dernier.

Brisant les conventions du genre, elle a présenté une performance rap poignante, accompagnée sur scène de talentueuses musiciennes (plutôt que de boucles électroniques préprogrammées). Une prestation exceptionnelle qui a assurément suscité l’envie, chez ceux et celles qui avaient fait le déplacement au Centre Phi, de ne pas manquer son prochain spectacle en sol montréalais.

À la même période l’année dernière, on découvrait Sensei H, la rappeuse de Québec. Elle défiait alors tous les pronostics en terminant 2e au concours-vitrine Les Francouvertes, elle qui avait tout juste passé la ronde préliminaire. Elle s’était d’ailleurs illustrée en demi-finale, en choisissant de se produire seule avec sa complice contrebassiste, Vérone: un choix audacieux, presque iconoclaste, pour un projet rap.

Peu de temps après la sortie de son album La mort du troisième couplet en novembre, on découvrait la femme derrière l’artiste, Sirine Hassani, lors d’une entrevue dans un bistro-bar du quartier Saint-Roch. Une personne humble, résiliente et brillante.

Apprenant lors de cet entretien qu’il y a des fois où elle monte sur scène et qu’elle se sent conquérante, et que d’autres fois elle préfèrerait ne pas y monter du tout, pour ce lancement, la question se posait : allait-elle nous offrir « la meilleure perfo de la ville », comme elle le chante sur La mort du troisième couplet, ou allait-elle « ramer pour ramener la victoire », comme elle l’exprime sans détour sur Victoire ?

Une artiste en pleine possession de son unique créativité

Ce fut sans hésitation la version forte et affirmée de Sensei H qui s’est exprimée sur scène. En trois actes, qu’elle a pris soin de marquer en changeant de costumes, elle nous a livré une performance dont la qualité et la mise en scène sont dignes des grandes scènes québécoises.

Généralement très dynamique, son spectacle était ponctué de moments d’introspection où elle récitait ses textes comme des poèmes ou nous dévoilait les origines de ses chansons, accompagnées d’anecdotes personnelles.

Elle a ouvert la soirée avec Premier kick, où, comme sur l’album, l’intrigue se déploie avant de s’interrompre brusquement… j’ai encore hâte de savoir ce qui est arrivé à Suzy ! Cela résume bien le concept de l’album, où de nombreux titres n’ont pas de troisième couplet, comme autant de mystères restant à résoudre dans un prochain opus à paraître prochainement: L’amour du troisième couplet.

Lors de cette soirée sans faille,  temps morts et compromis, Sensei H a interprété presque l’intégralité de son dernier album, nous offrant les refrains accrocheurs des titres comme La mort du troisième couplet, Coup de théâtre, et Calendrier, un titre particulièrement mélodieux qui pourrait très bien se retrouver à la radio aux grandes heures d’écoute. Malgré le caractère festif de la soirée, elle n’a tout de même pas passer sous silence ses chansons plus sombres et introspectives telles que 1997, Cardinal, et Victoire.

Elle n’a également pas manqué de plonger dans ses précédents albums, interprétant des titres de Trop de chance (2022) tels que Palme d’or et Peur de perdre, de Focus (2021) avec Focus et Longtemps, ainsi que des morceaux de Le but du jeu (2020) comme Il est l’or et finalement son titre préféré de son répertoire : Dernière lune, un morceau issu de la compilation #Rapelles-Saison 3, d’une série de micro-albums dédiée à donner une place aux femmes dans l’univers du rap québécois.

On ne pourrait pas passé sous silence les excellentes musiciennes qui l’accompagnent sur scène, Camille Gélinas (claviériste pour Belle & Bum), Maude Bastien (qui accompagne à la batterie de grands musiciens au Canada et dans le monde), et Jeanne Corpataux-Blache, alias Vérone, récemment nouvelle contrebassiste à l’OSM. Celle-ci a d’ailleurs réalisé le rêve d’une vie: rapper un verse sur scène!

C’était hier un lancement qui a eu l’effet d’une bombe de bonheur, portée par quatre excellentes artistes qui brisent avec ce projet les codes musicaux pour le plus grand plaisir de nos oreilles.

Gens de Québec, elle sera au Pantoum ce soir, c’est donc à ne pas manquer.

Jack Laine – Le rappeur de Petite-Vallée au riche bagage musical

On ne connaissait pas Jack Layne, de son vrai nom Jacob Lainesse, avant de l’avoir vu briller en première partie de Sensei H. Baignant vraisemblablement dans les mêmes eaux que la vedette de la soirée, l’auteur-compositeur-interprète de 26 ans fait preuve d’une grande habileté musicale en mêlant le rap, le hip-hop, le slam, et parfois même des sonorités proches du jazz. D’ailleurs, un musicien de la Nouvelle-Orléans du 19e siècle, surnommé « le père du jazz blanc », se nommait Papa Jack Laine – une coïncidence qui ne s’invente pas.

Jack Layne n’est pas seulement un rappeur ; c’est aussi un chanteur, ce qui lui permet d’explorer de nombreuses possibilités musicales et d’ajouter une richesse à son interprétation. Cette habileté à mélanger différentes influences trouve ses racines dans ses origines. Né à Petite-Vallée, il a d’abord exploré le folk avant de découvrir le rap. Il est également issu d’une famille de célèbres musiciens, qui compte également la fondatrice du festival de Petite-Vallée et son actuel président.

Accompagné de trois musiciens sur scène, Jack Layne affichait hier une charmante nonchalance de laquelle transparaissait un plaisir évident à être sur scène. Il partage avec la vedette de la soirée un amour des mots et de longs textes percutants et introspectifs.

C’est définitivement un jeune interprète à suivre. Son prochain simple, Cul-de-sac, paraîtra le 4 avril, et son premier album, Blanc Cassé, devrait sortir au début de l’été 2025.

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