Réouverture des salles de spectacles : Pas si simple pour les shows internationaux

La réouverture des salles de spectacle annoncée aujourd’hui par le Premier ministre François Legault peut paraître, sur papier, comme une excellente nouvelle pour le milieu des arts de la scène. Mais les restrictions qui viennent avec, soit l’obligation d’opérer la salle à 50% de sa capacité et d’accueillir au maximum 500 personnes, rend la vie difficile à certains producteurs et diffuseurs de spectacles. Surtout quand vient le temps de faire venir des artistes internationaux à Montréal…

« C’est possible qu’on doive se tourner davantage vers les artistes de la scène locale, admet d’emblée Meyer Billurcu, co-fondateur de Blue Skies Turn Black, qui présente chaque mois des dizaines de spectacles dans diverses salles à Montréal, dont le Ritz P.D.B., la Sala Rossa, le Théâtre Fairmount et Ausgang Plaza.

Blue Skies Turn Black avait pourtant un calendrier de spectacles bien rempli pour février, mais plusieurs concerts ont déjà été annulés.

Joint tout juste une heure et demie après l’annonce officielle, Meyer Billurcu n’avait pas encore toutes les informations en mains. Comme à chaque fois, les producteurs et diffuseurs de spectacle ont appris la réouverture de leurs lieux comme nous tous : sur les réseaux sociaux d’abord, puis en écoutant le point de presse du Premier ministre.

« Pour nous, sur papier, 50% de notre capacité pour un maximum de 500 spectateurs, ce n’est pas idéal mais c’est suffisant pour qu’on puisse faire des shows. Mais seulement si c’est 50% de notre capacité en admission générale », précise-t-il.  Au moment de nous parler, il ignorait toujours si ce sera obligatoire de tenir des spectacles avec places assises seulement, et si une distanciation sera obligatoire, comme c’était le cas lors de la première réouverture des salles, au printemps 2021.  Au Ritz P.D.B. par exemple, la capacité maximale est de 300 spectateurs. En formule assise, on peut désormais accueillir 100 personnes. Avec la distanciation d’une mètre entre les sièges, c’était soudainement 50.

Même à mi-capacité en formule admission générale debout, le défi demeure entier : il faut convaincre les artistes en tournée de jouer pour des demi-salles.  « À la base, on budgette nos spectacles en se basant sur notre pleine capacité. Au Ritz, c’est 300 spectateurs. Au Théâtre Fairmount, c’est 500. À partir du moment où nous apprenons que nous pouvons ouvrir à 50% de notre capacité, je dois contacter les artistes et leurs équipes pour voir s’ils ont intéressés à venir pour moins d’argent. Plusieurs groupes américains, par exemple, ne se donneront pas la peine de passer la frontière et venir jouer au Canada pour moins d’argent. »

* Le groupe Parquet Courts, dont le prochain passage à Montréal est prévu pour le 18 mars 2022 au Théâtre Corona. Photo par Shanti Loiselle.

 

Meyer Billurcu ne croit pas que la situation spécifique du Québec soit à blâmer. « Ce qui rend les choses compliquées, c’est moins les conditions du Québec en particulier que l’état général des choses. C’est devenu très compliqué de partir en tournée avec toute cette incertitude. »

L’imprévisibilité de la situation l’affecte par ailleurs dans les deux sens : les fermetures soudaines font mal, mais les réouvertures soudaines sont aussi difficiles à gérer.  « La dernière fois, c’était particulier, se rappelle-t-il. Je discutais avec des gens jusqu’au 7 ou 8 novembre, et du jour au lendemain, on apprenait qu’on pourrait opérer à pleine capacité quelques jours plus tard. On était à un cheveu d’annuler plein de concerts, et on a réussi à les sauver in extremis. C’est tellement difficile à prévoir avec les annonces du gouvernement… »

 

De l’espoir pour cet hiver ?

Sa priorité, désormais, c’est de tenir quelques spectacles en février, mais surtout d’assurer la tenue de spectacles prévus en mars et avril.

On peut donc encore se croiser les doigts pour voir, par exemple, Black Country New Road au Fairmount le 26 février, ou encore Parquet Courts au Corona le 18 mars. Mitski et Squid jouent tous deux à Montréal le 19 mars en principe.  Même avec la réouverture des salles, rien n’assure que ces spectacles pourront se tenir.

* Mitski, qui navigue comme nous tous à travers cette pandémie. Photo par Laurie-Anne Benoit.

« Les spectacles sont généralement bookés en moyenne trois mois d’avance. En général, on doit donner un portrait clair de la situation aux équipes un mois d’avance. »

« C’est probablement l’aspect le plus frustrant de tout ça : on ne dispose pas d’une ligne du temps sur laquelle on peut se fier. Nous dire qu’on peut ouvrir dans 2 semaines, c’est appréciable, mais une bonne partie du dommage est faite… »

 

Et l’alcool dans tout ça?

Un autre aspect inquiétant de cette réouverture annoncée aujourd’hui, c’est le fait que les bars n’aient pas droit à ce même allégement.

Qu’en sera-t-il, donc, des bars-spectacle?

Selon cette publication Facebook du Turbo Haus, plusieurs lieux reconnus pour la tenue de spectacles ne pourront pas ouvrir…

 

Le Ritz P.D.B. a pour sa part un permis de salle de spectacle. Mais est-ce que les salles auront droit de servir de l’alcool?  C’est une question primordiale pour Meyer Billurcu : « Sans alcool, c’est clair qu’on ne peut pas ouvrir », admet-il. Pour l’instant, tout ce qu’indique le site du gouvernement du Québec, c’est une « interdiction de tenir des entracts », ce qui pourrait décourager certains diffuseurs plus institutionnels, mais qui ne devrait pas trop déranger des lieux comme le Ritz.

En ce qui a trait à l’intérêt des gens à retourner dans les salles de spectacles, Meyer Billurcu ne s’inquiète pas outre mesure. Son expérience de l’automne dernier le rassure, alors que Blue Skies Turn Black a pu présenter quelques spectacles au Ritz P.D.B., mais aussi des événements marquants comme l’excellent spectacle de Caribou au MTELUS et le doublé Metz / Preoccupations au Théâtre Fairmount.

« En octobre dernier, avec des capacités réduites, c’était bien. Mieux que rien, disons. Mais dès novembre, quand on pouvait ouvrir à pleine capacité, on a senti un engouement comme j’en ai rarement vu en plus de 20 ans dans ce métier. Les gens remplissaient nos salles, faisaient la file pour entrer. Et on les sentait excités, contents de renouer avec les spectacles. »

« En tout cas, pour ma part, je me dis que j’aimerais mieux faire des spectacles à capacité réduite que de rester à la maison. Ne serait-ce que pour sortir de la maison, voir du monde et entendre de la musique, peu importe les circonstances. »

Il va sans dire que le passeport vaccinal sera exigé pour tous les spectacles.

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