crédit photo: Greg Matthews
Pearl Jam

Pearl Jam à Ottawa | La valeur sûre du rock’n’roll

Pour la deuxième tournée de suite, Pearl Jam est venu jouer à Québec et Ottawa ces derniers jours, sans s’arrêter à Montréal. Après onze ans d’absence dans la Métropole québécoise, il fallait donc se rabattre sur Ottawa — ou plutôt Kanata, à 30 minutes du centre-ville d’Ottawa — par un samedi soir orageux pour constater en personne si Eddie Vedder et sa bande conservent toujours leur titre de groupe rock d’aréna par excellence.

La réponse est oui, sans surprise. Et ce, malgré un lent départ et une drôle de maladresse au rappel.

Commençons par le lent départ. Dès leur arrivée sur scène, le chanteur Eddie Vedder, les guitaristes Mike McCready et Stone Gossard, et le bassiste Jeff Ament s’installent… sur leur petit banc respectif. Ils lancent les festivités en mode bluesy, avec une version quasi-unplugged d’Of the Girl, chanson relativement obscure tirée de leur album relativement obscure de 2000, Binaural.  Pas exactemnet les proverbiaux chapeaux de roue…

S’ensuivront quatre autres versions plutôt tranquilles de leurs chansons GardenAlright, Nothing As It Seems et Low Light. Toujours assis. Sous prétexte que « once we get going, there’s no going back! » (« une fois qu’on y va, impossible de revenir en arrière ! »).

Petite parenthèse, sans doute un peu inside baseball. Pour 95% des spectacles en tournée, les photographes de presse ont accès aux trois premières chansons seulement pour prendre leurs photos, en espérant que ce qu’ils ont capté reflète bien l’ensemble du spectacle.

Laissez-moi vous dire que les trois premières chansons un peu pépères samedi soir ne reflétaient en rien (surtout visuellement) le reste de la prestation autrement très relevée de Pearl Jam…

Les photos de leur dernier passage à Ottawa, en 2016, ressemblent beaucoup plus à ce qu’on a pu vivre samedi soir.

N’empêche que la petite introduction tranquillou nous a permis de constater une chose importante par rapport à Pearl Jam, comparativement à plusieurs autres formations rock des années 1990 (on pense à Raine Maida et Axl Rose, notamment) : à 57 ans, Eddie Vedder est dans une forme splendide, et sa voix est plus puissante et juste que jamais.  C’était clair dès Garden, où ses élans vocaux étaient gracieux et puissants. Ça allait paraître à plusieurs autres reprises en soirée, notamment en maintenant la dernière note de Low Light très longtemps.

Tout ça pour dire que dès Given To Fly et Do The Evolution, c’était un groupe différent qui rugissait enfin, et l’intensité n’a pas baissé par la suite. On sentait alors toute la puissance des cinq musiciens cinquantenaires, bien appuyés par les membres de tournée Boom Gaspar (aux synthés) et Josh Klinghoffer (ex-Red Hot Chili Peppers et musicien multiinstrumentiste, qui avait d’ailleurs assuré la première partie avec son projet Pluralone).

Et ce n’est pas parce que Pearl Jam a cherché à trouver la grille de chansons unique qui fonctionnerait le mieux pour toute une tournée. Les fans de longue date le savent : le groupe ne refait jamais deux fois le même spectacle. Même qu’à titre comparatif, sur les 23 titres joués à Ottawa samedi soir, seulement huit avaient été interprétés à Québec jeudi dernier, dont les incontournables de Ten : Black, PorchAlive, et Even Flow avec un solo de guitare d’environ 8 minutes. On peut difficilement s’imaginer un show de Pearl Jam sans celles-là.

Les trois titres du nouvel album Gigaton étaient aussi bien choisis, et le groupe a profité de son passage dans la capitale nationale du Canada pour rappeler leur amour collectif pour Neil Young, en interprétant Throw Your Hatred Down tirée de Mirrorball (album de Young sur lequel Pearl Jam avait collaboré en 1995) et son classique Fuckin’ Up au rappel.

La formation de Seattle a par ailleurs été généreuse samedi pour les fans qui, à l’instar de l’auteur de ces lignes, raffolent des albums de la deuxième moitié des années 1990. Sept des chansons jouées provenaient de Vitalogy et Yield, dont l’excellente CorduroyImmortality et… Better Man.

Étrange hommage

Passons maintenant à l’étrange maladresse au rappel… Eddie Vedder a pris soin de souligner qu’un grand spectacle hommage avait eu lieu le jour même, à Londres, en hommage au défunt batteur des Foo Fighters, Taylor Hawkins. Batteur généralement apprécié, ami proche des membres de Pearl Jam, visiblement, et « homme avec une énergie unique », à l’instar d’un certain Gord Downie (défunt chanteur des Tragically Hip) rappelera Eddie Vedder, bien conscient que cette référence allait faire plaisir au public ottavien. Tout va bien jusque là.

Après avoir dignement souligné l’apport du fils de Taylor Hawkins lors du spectacle en question, et avoir salué sa femme Alison, Pearl Jam a enchaîné avec une interprétation de Better Man. Une chanson qui parle d’une femme abusée qui ne trouve pas le courage de quitter son conjoint toxique, et qui se ment à elle-même en se disant qu’elle ne peut pas trouver un meilleur homme…

Plaît-il ?

On se doute que Vedder ne souhaitait pas insinuer quoi que ce soit de négatif à l’égard de Taylor Hawkins, mais quelle transition bizarre (à moins qu’on n’interprète que le titre de la chanson, sans son contexte…)

Quoiiiiii qu’il en soit, tout le reste était sans tache. Deux heures et demie de gros rock rassembleur avec une foule enthousiaste, et une sélection de chansons surprenantes mais bien réfléchie, ça demeure toujours aussi efficace, surtout avec un leader comme Eddie Vedder qui nous a semblé en très grande forme, particulièrement sur le plan vocal.

Le public aussi était à la hauteur. On ne le soulignera jamais assez : la communauté de fans de Pearl Jam en est une des plus belles du rock. Sur place à Ottawa samedi soir, on a assisté à plusieurs belles rencontres d’adeptes impromptues de Pearl Jam de partout en Amérique du Nord, qui s’adressaient la parole entre les rangées, devant les toilettes, dans les couloirs et dehors, pour échanger au sujet des nombreux shows de PJ qu’ils ont vus dans diverses villes.

Il y a peu de choses plus belles que des humains aussi passionnés par la musique d’un artiste.

Grille de chansons

  1. Of the Girl
  2. Garden
  3. Alright
  4. Nothing as It Seems
  5. Low Light
  6. Given to Fly
  7. Do the Evolution
  8. Throw Your Hatred Down (reprise de Neil Young)
  9. Wishlist
  10. Dance of the Clairvoyants
  11. Even Flow
  12. Seven O’Clock
  13. Corduroy
  14. Immortality
  15. Black
  16. Jeremy
  17. Porch

    Rappel

  18. Better Man
  19. Elderly Woman Behind the Counter in a Small Town
  20. Crazy Mary (reprise de Victoria Williams)
  21. Alive
  22. Fuckin’ Up (reprise de Neil Young)
  23. Yellow Ledbetter

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