crédit photo: Richard Melloul
Michel Sardou

Michel Sardou au Centre Bell | L’intouchable monument

Le légendaire Michel Sardou s’offrait le Centre Bell pour sa première escapade au Québec en 10 ans, devant un public âgé et charmé d’entendre pour une ultime fois les succès de l’artiste français en direct. L’humeur et la voix de Sardou ont traversé le troisième âge comme le personnage, son élégance, elle, n’a pas pris une ride.

À 20h tapantes, le pianiste Antoine Decrop assure la première partie du spectacle principal. Seul à son instrument, le musicien propose un répertoire virtuose, mais surtout, brille en intégrant remarquablement celui de Sardou dans ses pièces. Dès les premières notes reconnues par le Centre Bell, les membres du public entonnent d’une voix des morceaux comme En chantant ou La maladie d’amour, réchauffé et impatient d’enfin apprécier de leurs yeux le talentueux chanteur.

Si le décor n’était pas forcément adapté à l’exercice, l’idée représente une merveilleuse mise en bouche, surtout que des concerts du type ne se prêtent pas réellement à des premières parties.

 

L’homme de fer

Les lumières se ferment. Une toile, placée devant la scène, accueille des animations exposant des paysages de l’Irlande, tout comme un écran à l’arrière des musiciens. Les connaisseurs se doutent déjà bien de ce qui les attend. Un brin compliqué d’apprécier l’animation 3D dans les gradins de l’aréna et non assis sur le parterre, mais la foule s’en moque, puisqu’évidemment, Les lacs du Connemara retentit dans les enceintes. Le public est d’ores et déjà conquis.

« Je suis vraiment très heureux de vous revoir, ça fait longtemps », énonce Michel Sardou devant une première ovation suivant la fin du morceau, entouré d’une vingtaine de musiciens. « Vous n’avez pas changé, vous êtes toujours aussi beaux. »

* Photo par Claude Gassian.

Sans mensonges, Michel Sardou en 2023 n’est probablement pas le personnage qui respire toujours le plus la bonne humeur. Désabusé, le chanteur a avoué à de nombreuses reprises qu’il hait l’époque dans laquelle nous vivons, qu’il regrette la France d’antan.

En même temps, quand on voit la situation du pays aujourd’hui, qui oserait le contredire.

Lorsque vient le temps de chanter ses idées, Sardou n’a pas la langue dans sa poche, c’est le moins qu’on puisse dire. Imaginant une France sous l’occupation nazie si les Alliés n’étaient pas venus en Normandie sur Les Ricains, ou abordant encore la situation des femmes voilées dans Musulmanes, les idées tranchées de Michel Sardou ont valu à l’artiste son lot de polémiques par le passé. Comme actuellement. L’élégant chanteur n’hésite pas à y faire référence après son interprétation de Le Privilège, chanson engagée sur le thème de l’homosexualité.

 

Une étoile toujours brillante

Pas toujours de mille feux, l’âge avancé de l’artiste se ressent à certains moments du spectacle, mais interpréter des succès pendant plus d’une heure et demie âgé de 76 ans relève presque de l’exploit. Surtout quand on se penche sur les dates de sa tournée d’adieu, enchaînant à chaque jour, deux jours ou presque une représentation dans une ville différente. Réellement un monument intouchable, une légende de la chanson.

Vers le milieu du spectacle, Michel Sardou explique que par une escapade dans un disquaire, l’artiste est tombé par hasard sur un 78 tours d’une chanson de Louis Armstrong, plus précisément reprise de… Fernand Sardou! Son père, autrefois comédien, chanteur mais aussi batteur jazz, avait composé le morceau Aujourd’hui peut-être dans les années 1930. Presque un siècle plus tard, un autre Sardou, fier et nostalgique, l’interprétera devant une foule au Québec. Comme quoi, la musique voyage encore mieux qu’une lettre à la poste. « Vous la connaissez un peu? Mon père va être content alors », répond le chansonnier lorsque la foule acquiesce à la question.

* Photo par Richard Melloul.

Ce qui est magique chez Sardou, c’est que le profond romantique caché, qu’il souffle ses premières bougies comme ses dernières, saura se reconnaître dans la fougue impétueuse de l’artiste français. Chanter que l’on va aimer comme personne n’a osé aimer, chanter que la maladie d’amour fait souffrir et pleurer, c’est universel, les thèmes traverseront à jamais le temps, les époques.

 

De 7 50 à 77 ans

Après Salvatore Adamo et Michel Fugain en milieu d’année et quelques mois avant le passage de Mireille Mathieu, Michel Sardou s’inscrit dans une belle lignée d’artisans de la chanson française se payant actuellement des visites dans la province. Un constat similaire à chaque reprise? Le public est âgé.

Rien de plus logique, les chansons écrites par ces génies de la musique européenne datent déjà d’un demi-siècle dans leur majorité. Mais c’est avec un certain pincement au cœur que l’on remarque que, si les thèmes s’avèrent intemporels, l’intérêt, lui, ne répond pas aux oreilles des plus jeunes.

Et pourtant, une orchestration particulièrement riche, des paroles éclairées valant la plume de certains grands poètes, un authentique culte entourant ces légendes : la chanson française regorge encore de fantastiques qualités.

Une occasion pour cette grand-mère de proposer à son jeune petit-fils d’écouter un succès de Sardou, justement, de Brel, de Brassens, durant le classique coup de fil mensuel. Peut-être de l’autre côté, elle appréciera la chanson de Kendrick Lamar conseillée en retour par l’adolescent.

* Photo par Richard Melloul.

Suivant un medley particulièrement réussi, l’artiste ne s’attardant qu’une trentaine de secondes à peine sur des morceaux comme En chantant, La java de Broadway ou Je viens du Sud, Michel Sardou interprète Quelque chose de Tennessee en solo, normalement accompagné « d’un ami » en duo. Sans y faire clairement référence, les informés comprennent à l’instant que Michel Sardou parle d’une autre légende, le regretté Johnny Hallyday. Le chanteur regarde dans les air quand il énonce la dernière phrase. Il le regarde rocker là-haut.

<* Photo par Richard Melloul.

Vers la fin de sa performance, Sardou entonne Je vole, la foule applaudit dès les cinq premiers mots reconnus. Et à la fin du classique, une énième ovation pour le Français.

Enchaînant sur Les Ricains, Être une femme et Musulmanes, Michel Sardou salue longtemps son public, avant de regagner la scène pour une ultime fois avec Comme d’habitude, reprise de Claude François.

Un amas de personnes s’agglutine devant la scène pour apprécier le mythique chanteur de plus près, savourant chaque petit instant comme étant le dernier, profitant de cette poignée de secondes pour se dire adieu.

Michel Sardou se produira ce 28 octobre au soir au Centre Vidéotron, à Québec.

* Photo par Claude Gassian.

Grille de chansons

1 – Les lacs du Connemara

2 – Marie-Jeanne

3 – Casino

4 – Une fille aux yeux clairs

5 – Le privilège

6 – Je vais t’aimer

7 – Le bac G

8 – Parlons de toi, de moi

9 – Aujourd’hui peut-être

10 – Medley

11 – Quelque chose de Tennessee

12 – La rivière de notre enfance

13 – Vladimir Ilitch

14 – Les villes de solitude

15 – Mam’selle Louisiane

16 – L’autre femme

17 – Verdun

18 – Je vole

19 – Les Ricains

20 – Être une femme

21 – Musulmanes

Rappel

22 – Comme d’habitude

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