crédit photo: Marie-Claire Denis
Lizzo

Lizzo au Centre Bell | Une véritable icône de sa génération, monumentale et essentielle à la culture pop

Lizzo et ses Big Grrrl sont venues, pour la toute première fois à Montréal, offrir le meilleur d’elles-mêmes : une soirée colorée, dynamique, majestueuse et inspirée. Chantant et dansant l’acceptation du soi, Lizzo ne craint pas d’aller dans les tranchées pour défendre la diversité et lui donner le droit d’exister. Plus qu’une superstar de la pop, elle a su construire au fil des années un imaginaire collectif bienveillant et ainsi se hisser au rang d’icône d’une génération.

Même avant que Lizzo et ses Big Grrrls foulent la scène du Centre Bell, la foule était conquise, l’excitation à son comble, et la frénésie sur le point d’exploser. Après l’annulation en 2020 du festival Osheaga où elle devait être une des têtes d’affiche, puis l’annulation de son spectacle le mois dernier à cause (encore) d’un virus, on devinait que toustes se disaient It’s About Damn Time que Lizzo nous fasse l’honneur de sa visite.

Après une courte introduction visuelle où défilaient à l’écran des messages indiquant que la soirée serait dédiée à l’amour du soi, Lizzo et ses Big Grrrls sont entrées sur scène toute de lime vêtue. Un tableau diablement coloré ponctué des perruques rose fluo des danseuses. Le ton de la soirée était donné : les milliers de personnes venues assister à sa première performance en sol montréalais se levèrent et ne se rassirent jamais.

Une icône de la pop prête au combat dans les tranchées

Mettons cela derrière nous tout de suite : Lizzo est beaucoup plus qu’une rappeuse qui fait sa marque en twerkant sur les réseaux sociaux et dans les arénas. Elle ponctue aussi souvent, au grand damne de nos prudes oreilles, ses phrases du mot b**ch. Mais derrière cette expression artistique qui est la sienne, se cache une artiste construite à coup de commentaires racistes, grossophobes et homophobes à son égard. Une artiste qui dans The Sign nous rassure qu’elle va bien (« I’ve been home since 2020 / […]/And I feel better since you seen me last », mais que la musique est son nécessaire salue (« I keep on writin’ these songs / ’Cause he keep on doin’ me wrong. »).

Après Special, un hymne dont le refrain va ainsi « In case nobody told you today, You’re special », la foule a crié et applaudi intensément pendant plusieurs minutes pendant que Lizzo avait le regard fixe et visiblement troublé. Il faut dire que, quelques jours plus tôt, elle menaçait de quitter l’industrie du showbizz car elle en avait assez des commentaires désobligeants faits sur les réseaux sociaux à propos de son apparence corporelle. Lorsque le bruit de la foule s’est estompé, elle a confié que la semaine précédente avait été particulièrement pénible, mais que tout l’amour qu’on lui avait déversé l’avait profondément émue. Elle a finalement affirmé qu’elle resterait notre championne de tous les combats, prête à prendre les coups à notre place.

Un spectacle où l’humain et la technologie sont en harmonie parfaite

Dimanche soir, ce n’est pas le spectacle typique de sa tournée Special 2our que Lizzo est venue présenter, mais plutôt une version destinée aux festivals extérieurs. D’ailleurs, la grille de chansons était identique à celles présentées quelques jours plus tôt au festival Governors Ball à New York.

Sur scène, elle était accompagnée d’un band (batterie, guitare, basse et clavier) exclusivement féminin qui s’est lancé à quelques reprises dans des séquences de rock progressif assez réussies. L’accompagnait également sur scène trois choristes, une bonne dizaine de Big Grrrls (dont Ashley Williams issue de la téléréalité, fortement recommandée, Watch Out For The Big Grrrls), de deux danseurs (seuls hommes sur scène) et d’une invité spéciale, la danseuse Shanti.

Visuellement, le spectacle était impeccable et certainement des plus sophistiqués qu’il m’a été donné de voir. L’écran géant central surplombant la scène était si dynamique et riche en contenu visuel qu’il était un élément central de la performance. Il projetait parfois des séquences vidéo de Lizzo jouant au super modèle, d’autres fois des paysages fantastiques et devenait sobre lorsqu’il était temps de mettre l’emphase sur des messages à passer. L’intégration d’animations vidéos à des images en direct, comme dans Everybody’s GayLizzo apparaissait à travers une écharpe aux couleurs de l’arc-en-ciel qui s’animait en fonction de ses mouvements, était particulièrement intéressante.

Jouant de la flute traversière depuis sa tendre enfance, Melissa Viviane Jefferson qui envisageait enfant devenir concertiste classique, nous a offert le cadeau de plusieurs interprétations à la flute, notamment durant Water Me et, évidemment, About Damn Time.

C’était un spectacle réglé au quart de tour, où les performances humaines n’avaient d’égales que celles de la scénographie. Les Big Grrls ont été impeccables et occupaient bien la scène, mais les chorégraphies étaient souvent noyées dans la scénographie peut-être un peu trop chargée. D’ailleurs, seule critique, si elle en est vraiment une, c’est que le spectacle était si dense visuellement, qu’il faudrait le voir trois ou quatre fois pour pleinement apprécier tous ses détails.

Ce qu’en ont pensé les « sœurs » Jones

É. et L. Jones ont 13 ans et sont nées à 2 semaines d’intervalle, elles se disent « sœurs de bedaine ». Rares représentantes de cette tranche d’âge, les amies n’ont cessé de danser et chanter malgré la fatigue apparente. D’un naturel plutôt réservé, L. Jones a dû filmer 40 séquences vidéo et chantait sans retenue.

Toutes deux semblaient particulièrement hypnotisées lorsque, pendant ce qui a paru une bonne quinzaine de minutes, Lizzo a interagi avec la foule. Elle a pris le temps de lire et commenter toutes les pancartes faites pour l’occasion. Elle a signé un CD, une poitrine, et a même contribué au vidéo Tik Tok de deux jeunes amies.

Cette séquence que j’ai d’abord trouvé un peu longue, m’a paru finalement être l’essence de ce qui la caractérise comme artiste. Elle sait faire sentir Special chacune des milliers de personnes venus la voir, et ce quel que soit leur âge, origine ethnique ou diversité corporelle, de genre et sexuelle. D’ailleurs, à la fin de ce spectacle haut en couleur, riche en projection visuelles et où l’énergie n’a pas descendu d’un cran, à la question « Que retenez-vous du spectacle de Lizzo? », É. Jones a répondu :

Elle est généreuse, spéciale, elle est comme nous. C’est une personne qui ressent des émotions et on comprend ce qu’elle dit ». L. Jones a ajouté « On se reconnaît dans elle.

Lizzo se reconnaît en nous, et on se reconnait en Lizzo.

 

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