Critique danse | The Trouble With Reality et No Fun : Emergence is not dead

Présenté en partenariat avec Pop Montréal, un savoureux combo de deux spectacles indisciplinés ouvrait jeudi la saison de Tangente au Studio Hydro-Québec du Monument National : The Trouble With Reality du duo Karen Fennell/Jackie Gallant et No Fun d’Helen Simard. Attention : ambiance électrique.

The Trouble With Reality

Cap sur une création hybride, drôle et insolente. Proposée par le duo Karen Fennell et Jackie Gallant, respectivement chorégraphe et artiste sonore, The Trouble With Reality se révèle être un pertinent objet de réflexion sur la relation entre l’art et son créateur.

Une question abstraite, rarement explorée que le duo va porter sur un plateau interchangeable, devenant tantôt lieu de représentation publique (pendant le show), de conversations informelles (après le show) et de successions d’entretiens. Le ton est absurde, nonchalant et bouillonnant de dérision. Projecteur sur un sujet sérieux s’immisçant dans la réalité de toute personne sujette au succès et à sa représentation.

Bercé par un rock saturé et par l’esthétique de la danse contemporaine, le show s’efforce de mettre en lumière la question de l’identité dans le succès. L’artiste est-il jamais vraiment le même sur le plateau et en son dehors ? La star de rock que l’on vénère passe-t-elle aussi bien du balai aux riffs de guitares ?

Le langage chorégraphique et l’attitude des deux interprètes évoluent tout au long de la performance, elles-mêmes se soumettant au jeu de la représentation. De la ligne de conduite parfaitement gracieuse et attendue d’un entretien public, à l’affalement littéral sur une chaise, le duo se joue des codes de conduites établis. The Trouble With Reality prône le lâcher-prise avec ardeur. Le show se termine sur une tonalité évoquant plus l’allégement et la libération que le paraître et le jeu de la représentation. Le rendu est d’une pertinence rafraîchissante.


No Fun

Un court entracte laisse aux spectateurs le temps d’enfiler des bouchons d’oreilles pour le prochain spectacle, No Fun d’Helen Simard. Inspirée par le langage scénique d’Iggy Pop et par l’esthétique punk-rock des dernières décennies du XXème siècle, Helen Simard ravive cet esprit dans sa recherche chorégraphique.

Sur le plateau, un band en fond (un combo batteur, bassiste, guitariste), un gars avec un micro, un couple qui bourre d’aluminium un blender et une fille aux cheveux bleus décolorés. Les bouchons d’oreilles sont inutiles, pour le moment.

Les battements de la batterie démarrent, les riffs de guitares sont lancés, un rythme brut s’empare du plateau. Alors que les trois danseurs s’approprient l’espace scénique, le gars avec le micro débute une série de grondements installant une tension, une colère. Un rideau noir est tiré au fond du plateau, laissant apparaître la combinaison NO FUN sur de grandes lettres lumineuses rouges clignotantes.

L’hybridité de la forme saute au yeux (danse, musique, texte, sons saturés) et épouse à merveille l’esthétique qu’elle défend. Le dispositif scénique renvoyant à une scène rock, son espace est à la fois chargé et déconstruit, les interprètes n’hésitants pas à voler les chaises aux spectateurs du premier rang. C’est aussi ça l’esprit punk-rock. La seule règle c’est qu’il n’y a pas de règles.

Le ton monte, les corps se dépassent, se laissent aller à l’exubérance, aux postures aguicheuses, à l’agressivité mais sans envie de violence. Il règne une forme de chaos libérateur sur cette scène où la musique gronde intensément, où tous les interprètes s’agitent, où les bouchons d’oreilles deviennent nécessaires. L’expérience est vivifiante, et ne laisse d’autre envie au spectateur que de rejoindre ce beau monde sur la scène pour suivre leur headbanging.


* The Trouble With Reality et No Fun sont présentés du 17 au 20 septembre au Studio Hydro-Québec de Monument National

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