crédit photo: Loic Fortin

Allégement des mesures sanitaires dès le 15 novembre : Une bonne nouvelle mais…

Le gouvernement provincial annonçait aujourd’hui des allégements des mesures sanitaires qui permettront notamment aux salles de spectacles de vendre plus de billets et aux spectateurs de se lever pour danser. Les spectacles en formule admission générale seront donc à nouveau permis, à pleine capacité. Du côté des producteurs de spectacles, on s’en réjouit, mais on dénote tout de même une certaine inquiétude pour la suite des choses.

Le promoteur et producteur de spectacles Karl Emmanuel Picard est le président de District 7 production et copropriétaire de l’Anti Bar et Spectacle à Québec. Il produit également des spectacles un peu partout à travers la province et collabore entre autres avec le Festival Envol et Macadam. Selon lui, ces allégements sont pour le mieux, mais « il reste à voir comment ça va se dérouler ». Joint au téléphone quelques heures après l’annonce, il parle fermement, mais sur un ton qui laisse transparaître une certaine fatigue.

Le président du Club Soda et porte-parole de l’Association des salles de spectacles indépendantes du Québec (ASSIQ), Michel Sabourin, affirme pour sa part que l’annonce est une excellente nouvelle, mais que son impact, dans l’immédiat, « ne sera pas énorme ».

Au Club Soda, la capacité maximale passera de 130 personnes à un peu plus de 900. « Que je puisse vendre les billets, c’est une chose, avoue-t-il. Mais est-ce que les billets vont se vendre ? Ça, ça en est une autre… ».

Selon lui, les billets « ne se vendent pas au même rythme qu’à l’habitude, et ça s’est constaté partout à travers le Québec, partout à travers les arts de la scène ».

Karl Emmanuel Picard souligne pour sa part que la majorité des spectacles programmés d’ici la fin de l’année « qui ne sont pas à l’Anti » sont adaptés en formule cabaret.

Que les gens puissent être debout, c’est super… parce qu’ils étaient déjà debout. Ils se levaient de leur chaise et on ne pouvait pas vraiment leur dire de s’assoir, explique directement Picard.

Besoin d’accompagnement pour remplir les salles à nouveau

Michel Sabourin affirme que la réouverture des salles à pleine capacité et le droit d’être debout et de danser est une excellente nouvelle: « ça nous donne le sentiment de retrouver enfin une certaine normalité ».

Le soucis, c’est qu’avec ces nouvelles viennent beaucoup d’inquiétudes. Sans être en mesure de présenter beaucoup de spectacles, les salles doivent maintenant offrir un service complet.

On a retrouvé les coûts d’opération d’avant la pandémie, mais on a pas les revenus.

Il avoue d’ailleurs qu’il était moins inquiet lorsque les salles étaient complètement fermées, puisqu’à l’époque, les salles membres de l’ASSIQ bénéficiaient d’aides gouvernementales.

Aujourd’hui, des salles comme le Club Soda, qui louent les spectacles directement aux producteurs, ont de la difficulté à vendre leur salade. « On le constate partout. En région comme dans ce secteur-ci, les gens n’achètent pas de billets», insiste le propriétaire de la salle de spectacle.

Michel Sabourin craint une mauvaise perception de la situation par le public : puisque les salles de spectacles peuvent maintenant vendre tous les billets, «le monde pense qu’on est corrects, mais c’est pas vrai qu’on est corrects. »

Des adaptations compliquées à gérer

Pour des plus petites salles, la nouvelle faisant le bonheur des sorteux et des sorteuses vient avec son lot de complications. L’Anti Bar et Spectacle accueillait uniquement des spectacles virtuels depuis le début de la pandémie, et le local avait été adapté en conséquence.

« On a enlevé les toilettes pour faire de l’espace pour prendre les vidéos, enlevé le bar pour faire plus d’espace. » C’est du temps, de l’énergie, et de l’argent. Le copropriétaire de l’endroit doit donc réadapter le tout.

Pour une série de spectacles hybrides (à la fois en ligne et en personne), le bar recevra ses premiers clients depuis le 12 mars 2020. « En temps normal, à l’Anti, je peux faire entrer de 200 à 300 personnes, mais là j’ai pas de toilettes, j’ai pas de bar, explique Picard, les gens vont surement partir juste après le spectacle ». Difficile de faire des profits dans ces circonstances.

C’est le même ton du côté de Sabourin, qui explique que « remettre en marche un building qui n’a pas fonctionné pendant autant de temps, c’est très difficile. » Au Club Soda, « le système d’éclairage a sauté, le plafond coule et il y a une dalle de béton fendue dans le hall d’entrée. »

Pour des organisations de plus grande envergure comme evenko, la nouvelle semble être accueillie de manière plutôt enthousiaste. Par courriel, l’organisation nous a transmis un commentaire assez bref, mais clair, s’avouant « très heureux d’accueillir à nouveau les fans. »  L’équipe a affirmé qu’il s’agissait du « retour attendu depuis longtemps » et que les spectateurs seraient accueillis à pleine capacité.

Du côté du Club Soda, Michel Sabourin souligne l’importance de l’aide accordée tout au long de la pandémie. « Les gouvernements ont été très généreux pendant la pandémie, on s’en sort, on est encore là. Mais maintenant, si on ne continue pas à recevoir un accompagnement, une forme d’aide… On a besoin d’une réadaptation et elle va être longue. »

Reste donc à voir si le gouvernement offrira cet appui aux salles de spectacle et si les spectateurs seront au rendez-vous. Michel Sabourin garde tout de même espoir : « peut-être qu’il y a un public plus jeune qui va venir nous aider mais des têtes blanches, il n’y en a pas».

Il conclut en allant droit au but: l’allégement des mesures ne suffira pas, ça prendra un soutien de la part du gouvernement, de l’aide directe pour attirer les spectateurs. « On souhaite grandement qu’il y ait un accompagnement pour nous aider à remplir nos salles. »

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