AD LIBITUM #13 | Internet ≠ Far West : Trois mythes sur les réseaux sociaux

Récemment, l’exubérant rappeur Danny Brown s’enflammait sur Twitter à l’égard des photographes, après qu’on lui ait poliment demandé de créditer l’artiste ayant pris la photo que ce dernier avait récupérée sur Instagram et publiée via son compte personnel. M. Brown répondait d’ailleurs par la très pragmatique : ‘how bout I just delete them since you guys are so ****’.

En langage courant, on parlera de manque de courtoisie ; en langage juridique, de violation de droit d’auteur.

Car en plus de faire preuve d’un triste manque d’imagination, la réponse de Brown traduisait non seulement son manque de volonté à respecter le droit fondamental d’une collègue artiste de voir son crédit d’auteure associé à son œuvre, mais aussi l’omission d’une condition essentielle à l’utilisation d’une œuvre : la demande d’autorisation.

La situation de M. Brown en est une malheureuse… mais ô combien fréquente. Et c’est surtout parce que différents mythes et croyances sont alimentés par les mauvaises habitudes de certains utilisateurs 2.0 qu’un travail de sensibilisation doit être effectué sporadiquement !

Dans une chronique précédente, j’exprimais dans sa forme la plus simplifiée le principe fondamental du droit d’auteur, et il convient de le réitérer pour bien comprendre ce qui suit : sous réserve de certaines exceptions, l’auteur est seul maître de son œuvre. Et son droit d’auteur comporte le droit exclusif de produire, reproduire, exécuter, représenter, communiquer, publier, adapter, modifier (etc.) la totalité ou une partie importante de son œuvre.

 

Mythe #1 : Si tu le publies sur Facebook (ou Instagram, etc.), c’est à tout le monde.  

Il n’y rien de plus faux.

Pour la même raison qu’une personne n’a pas le droit d’entrer dans votre salon en pleine nuit sans votre autorisation, quand bien même auriez-vous laissé la porte déverrouillée, la même personne ne peut prendre votre œuvre publiée (photo/illustration/œuvre musicale/paroles/textes/etc.) et se l’approprier selon son bon vouloir : il s’agit de votre propriété.

Mythe #2 : Le droit d’auteur – de reproduire – est un concept désuet sur les réseaux sociaux puisqu’il est difficile, voire impossible, à gérer.

Lorsqu’un artiste publie une œuvre sur Facebook, il doit s’attendre à ce que des utilisateurs exploitent les fonctions disponibles tels les fameux J’aime et Partagez. Ces options sont intégrées à la plate-forme et impliquent d’une certaine façon que l’auteur adhère à la possibilité que sa publication soit partagée ; ces options permettent de toutes façons d’en retracer l’auteur.

Mais le problème naît lorsqu’un utilisateur télécharge l’œuvre d’un autre et la partage sur son propre réseau social : l’auteur original n’est plus visible et son œuvre a été reproduite sans autorisation, au-delà des options permises.

 

Mythe #3 Je n’en retire aucun profit, il n’y donc aucune violation…

 Cela revient à dire : Je l’ai frappé très très fort en plein visage, mais malheureusement, cela ne m’a procuré aucune satisfaction : je ne peux être tenu coupable.

 La violation d’un droit d’auteur existe de son simple fait : des dommages peuvent être réclamés quelle qu’ait été l’intention et les retombées économiques. Évidemment, il s’agira d’un facteur dont on tiendra compte dans toute éventuelle réclamation, mais il n’est pas pertinent dans la détermination d’une violation.

 

Bref : Que ce soit dans l’univers virtuel ou matériel, nul ne peut utiliser l’œuvre de quiconque sans autorisation, sous réserve de certaines exceptions – voir notamment la chronique sur l’Exception d’utilisation équitable. En cas de doute, ne prenez pas de chance !

Internet et ses réseaux sociaux n’échappent pas à la règle : malgré ce que certains semblent croire, c’est fini le Far West !

Donc qu’on souhaite partager nos photos de gruau préférées sur Pinterest, publier un cliché de notre groupe en transe sur Instagram ou même utiliser le magnifique croquis d’un quatre-roues-enflammés trouvé sur Google Images pour un évènement de destruction automobile sur Facebook, il faut en demander l’autorisation à l’auteur de l’œuvre et surtout… le créditer – un simple Crédit photo : Nom de l’auteur / Nom d’artiste suffit !


* Visitez le site officiel de Bertrand Menon, avocat.

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