crédit photo: Frédéric Faddoul
Flore Laurentienne

Résidence de Flore Laurentienne au Musée des beaux-arts de Montréal | Entrer dans la tête de M. D. Gagnon

Qui ne s’est jamais demandé comment fourmille l’esprit d’un musicien? Qui n’a jamais voulu plonger dans l’univers aussi onirique et complexe d’un compositeur à talent? L’occasion arrive à point, puisque Flore Laurentienne, projet de Mathieu David Gagnon, tient une résidence publique au Musée des beaux-arts de Montréal du 28 novembre au 2 décembre. Récit de l’ambitieuse idée en trois temps.

Le contexte

Flore Laurentienne a déjà lancé deux albums depuis 2019. S’inspirant initialement de la grandeur de la nature québécoise et du fleuve Saint-Laurent, Flore Laurentienne jette en cette fin du mois de novembre son dévolu sur les tableaux du peintre montréalais Jean Paul Riopelle, aidant le musicien à guider ses nouvelles compositions durant sa résidence de création.

Les œuvres ont été choisies préalablement par Mathieu David Gagnon lui-même, limitant ses choix à une quinzaine de toiles après en avoir d’abord sélectionné une centaine.

Entouré des tableaux de Riopelle, Flore Laurentienne a débuté sa résidence de création ce mardi. L’année 2024 signera quelques mois importants pour le compositeur gaspésien : le 23 mars prochain, Flore Laurentienne tiendra un concert dans un format plus classique, à la Salle Bourgie, suite logique de ses expérimentations actuelles. Mais surtout, le musicien devrait lancer son troisième opus en carrière sous l’étiquette Secret City au printemps, après les sublimes Volume I et Volume II.

Si le MBAM a déjà hébergé des performances musicales par le passé, la résidence de Flore Laurentienne représente une première dans l’histoire du musée.

* Stéphane Aquin (DG du MBAM), Mathieu David Gagnon et Caroline Louis (DG de la Salle Bourgie). Photo par Frédéric Faddoul.

 

En pratique

Suivant une présentation du projet par ses acteurs principaux devant un panel spécialisé, Mathieu David Gagnon et Antoine Létourneau-Berger, collaborateur de longue date de Flore Laurentienne, donnait à une poignée de journalistes, mardi matin, un avant-goût de ce que pourrait réserver la résidence de création à son public.

Flore Laurentienne présentait Au couchant et La nuit bleue (pièce inspirée par un tableau de Riopelle du même nom, et accroché à quelques mètres à peine des musiciens).

Il faut savoir qu’avec le projet de Mathieu David Gagnon, il ne faut jamais s’attendre à deux versions similaires d’un même titre. Il ne faut jamais s’attendre à se glisser dans des recoins déjà connus. Il faut seulement se laisser accompagner, se laisser bercer, se laisser tenir la main et plonger.

Sans interruption, Flore Laurentienne s’adonnait à l’interprétation des deux œuvres. Durant cinq minutes, dix minutes, vingt minutes? Difficile de donner un repère du temps, l’attention ne s’y prête pas cette fois-ci. On préfère se concentrer sur d’autres aspects de la performance, tenter de ne pas manquer une seule bribe des sons produits par les synthétiseurs, une seule note jouée.

On ferme les yeux, et on est en forêt. Ou en train de longer le fleuve Saint-Laurent. À Tadoussac, disons. On ferme les yeux durant la performance de Flore Laurentienne et on se sent tout sauf à l’intérieur d’une salle cloîtrée à Montréal. Sa musique tient en elle cette touche trop vaste, trop puissante.

* La nuit bleue, Jean Paul Riopelle (1953).

Le contraste est sublime : d’un côté, la brutalité et l’enchevêtrement complexe, presque oppressant des œuvres de Riopelle et de l’autre, la douceur émanant de la musique de Flore Laurentienne, son côté invitant, son caractère planant.

Les claviers se superposent, les tableaux remplacent presque les quatre murs et les fils connectant ces instruments s’emmêlent à l’image d’une créativité bouillante, débordante. Sans oublier les partitions vierges et de quoi noter quand l’idée semble assez mature pour émerger noir sur blanc.

Nous voilà dans sa tête.

De ses mots

Quelques minutes suivant la fin de sa performance, Sors-tu? a eu la chance de s’entretenir avec Mathieu David Gagnon.

* Photo par Sarah Seené.

Un rapprochement entre les pièces présentées plus tôt dans la matinée et le catalogue floydien est émis par la rédaction. Aussitôt confirmé.

« Ça a bien un lien avec Pink Floyd et c’est de là que je viens aussi, laisse tomber Mathieu David Gagnon. C’est l’une de mes influences. Mon esthétique d’utilisation des instruments, des synthétiseurs et des claviers est très liée à la musique progressive du début des années 1970 », poursuit l’homme derrière Flore Laurentienne.

Sans grande surprise, Gagnon voue une grande importance aux tableaux l’entourant durant cette résidence de création. « Ce qui est plaisant avec les toiles de Riopelle, c’est l’énergie qui s’en dégage. C’est stimulant de les avoir, c’est un peu comme si j’avais un public autour de moi qui criait. »

Sors-tu? ouvre une piste selon laquelle les visiteurs sur les cinq journées auront également la chance de nourrir les expérimentations de Flore Laurentienne, avant que ce dernier ne recentre le propos.

« C’est aussi une manière de me stimuler [de rendre sa résidence publique], c’est une manière de provoquer les choses, explique Mathieu David Gagnon. Mais le principal c’est surtout d’être entouré de ces œuvres-là, que je ne pourrais pas avoir chez-moi dans ma cabane [rires]. »

Les performances atypiques d’artistes minimalistes comme Terry Riley et Philip Glass, grandes inspirations pour le compositeur québécois, ont été sujettes à discussion.

« J’aime la performance musicale. Dans les années 1960, il y en avait beaucoup et à la base, j’avais proposé au musée de jouer 24 heures de suite. Comme il faisait avant, de se commettre, c’est-à-dire de performer, de faire un spectacle tellement long que les gens peuvent entrer et sortir à leur guise, détaille Mathieu David Gagnon. Mais la musique, elle, n’arrête jamais », continue l’artiste.

En fin d’entrevue, la popularité du mouvement néoclassique dans la province est soulevée. Le musicien y apporte un regard honnête et juste.

« La majorité de la musique classique et de la musique instrumentale, les symphonies de Beethoven sont jouées depuis 150, 200 ans. Ce sont des hits de la musique instrumentale. C’est juste qu’on l’avait oublié, je pense. Et les nouvelles plateformes, comme Spotify et ces choses-là, ont été je crois l’élément déclencheur dans la popularisation de musique sans paroles. Notamment pour les gens qui veulent travailler, qui veulent se détendre », raconte Mathieu David Gagnon.

Dans un monde comme le nôtre, qui va trop vite et qui ne s’arrête pas, la recherche de calme et la recherche de silence, de contemplation [plaît beaucoup]. Est-ce que c’est une mode? Est-ce que c’est un courant? Je pense qu’il est trop tôt pour le dire.

La résidence de création de Flore Laurentienne se poursuit jusqu’au samedi 2 décembre et est accessible au grand public de 10h à 17h. Tous les détails par ici.

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