crédit photo: Will-Lew
Suuns

Suuns au National | Progressivement plus accessible

L’un des joyaux de la scène montréalaise, le groupe Suuns n’est pourtant pas le plus facile d’approche. La bande cultive depuis près de 10 ans un art rock anxiogène et brumeux, difficile à cerner, qui s’appuie sur des tensions et des étranges malaises lynchiens. Avec le nouvel album paru la semaine dernière, « Felt », on ressent l’emprise se desserrer, laissant poindre quelques sonorités plus pop (plus de synthés notamment), des rythmiques plus relâchées et décontractées, une approche légèrement plus accessible. Avec cet ajout à leur répertoire, Suuns a démontré vendredi soir, au National, que l’équilibre idéal est peut-être atteint…

Vers 22h15, les quatre gars de Suuns se sont pointés sur scène sans tambour ni trompette, et ont rapidement entamé Look No Further, tirée du nouveau disque, justement. L’immense reproduction du Miroir de Venus, d’Edward Burne-Jones, servait d’arrière-plan, créant un drôle de contraste entre le flegme des musiciens et l’aspect romantique de cette Vénus et des femmes à ses côtés, qui regardent leurs reflets dans un étang. Au fil de la soirée, la scène que nous propose l’oeuvre, lumineuse à l’état naturel, se voit teintée par les couleurs des éclairages, créant d’étranges effets par moments… On reconnaît la signature de Suuns, son penchant pour l’art, pour les contrastes, pour l’étrangeté. C’est tout à fait dans le ton.

En interprétant ensuite X-Alt, suivie du premier single Watch You, Watch Me, et de Baseline, il y avait lieu de croire que Suuns profitait de ce concert de « lancement d’album » pour interpréter Felt en intégral dans l’ordre. C’était ça, jusque là, quatre en quatre. Mais évidemment, Suuns n’est pas du genre à emprunter le tracé prévisible : cet élan fut fracassé par l’interprétation d’Instrument, tirée de Hold / Still, et le groupe allait, à partir là, piger un peu partout dans son répertoire.

D’ailleurs, l’ambiance onirique du début de show allait lever d’une coche. C’est avec la groovy 2020 et l’étouffante Powers of Ten, deux des meilleures chansons de l’album Images du futur, que la mixture a pogné, comme on dit. Et ce, jusqu’au rappel, avec Armed for Peace et Edie’s Dream, une parfaite finale pour l’occasion.

D’ailleurs, le groupe n’a pas manqué d’interpréter des chansons de son premier album Zeroes QC, dont Up Past The Nursery et Pie IX, coup sur coup, juste avant le rappel. Comme quoi l’oeuvre de Suuns se tient, s’imbrique, forme un tout, du moins pour l’instant.

Pour les habitués, Suuns ne change pas trop. Le chanteur Ben Shemie sort progressivement de sa coquille, et on ajoute, ici et là, un saxophoniste qui vient ajouter des textures suaves à certains moments — superbes durant Edie’s Dream d’ailleurs — mais pour le reste, Suuns poursuit son cheminement normal, cultivant encore et toujours l’un des art rock les plus farouches mais satisfaisants des dernières années.

Grille de chansons

  1. Look No Further
  2. X-ALT
  3. Watch You, Watch Me
  4. Baseline
  5. Instrument
  6. Translate
  7. 2020
  8. Powers of Ten
  9. Control
  10. Make It Real
  11. Daydream
  12. Peace and Love
  13. Up Past the Nursery
  14. Pie IX

Rappel

Armed for Peace
Materials
Edie’s Dream

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