crédit photo: Christophe Toffolo
Michel Fugain

Michel Fugain au Théâtre Maisonneuve | La belle époque

Qui ne saurait fredonner l’air de Fais comme l’oiseau ou Une belle histoire? La légende de la chanson française Michel Fugain était de retour au Québec pour dévoiler au public du Théâtre Maisonneuve son plus récent projet, Michel Fugain fait Bandapart, coïncidant avec les 81 ans de l’artiste.

« Salut les Québécois de Montréal, je vous apporte des nouvelles de la province », lance Michel Fugain dès les dernières notes de Chante… comme si tu devais mourir demain, ouverture du spectacle ayant débuté à peine quelques minutes après 20h.

Celui qui célébrait son anniversaire le 12 mai dernier se le fait souhaiter rapidement par une femme dans le public, alors que le mélodiste répond qu’il est « à un point de sa vie où il aimerait ne pas fêter son anniversaire », sous des rires à l’unisson.

Des rires, on en entendra au cours de la soirée, et pas qu’un peu : à l’aide de mises en contextes de l’élaboration de ses chansons ainsi que de riches anecdotes sur son passé, Fugain transporte, en frôlant par instants le stand-up, le Théâtre Maisonneuve dans les années 1970 qui l’ont couronné de succès, une époque teintée d’un bonheur collectif et révolue.

Suivant la même lignée que le mouvement hippie et les événements de mai 1968, la musique de Fugain renferme cette touche naïve, insouciante, réussissant presque à nous faire oublier l’espace d’une minute ces craintes environnementales ou tensions politiques d’aujourd’hui.

Écrivant cela, ce penchant craintif existait pourtant bel et bien à l’époque : « Mais je suis seul dans l’univers […] / J’ai peur des fous et de la guerre […] / Comment peut-on vivre aujourd’hui / Dans la fureur et dans le bruit », chante-t-il sur l’indémodable Fais comme l’oiseau.

Pour ceux et celles l’ignorant, Michel Fugain éclaircit le contexte de ce tube au micro : en séjour à Rio de Janeiro, au Brésil, le musicien tombe sur un 45 tours du titre Voce Abusou, et décide de l’adapter avec l’aide son parolier de longue date, Pierre Delanoë, en français.

 

Fugain & la Belle Province

Quelques jours avant son passage souligné au Brésil, Fugain se trouvait… vous l’aurez deviné, au Québec!

Son lien avec la province ne date pas d’hier : il y a plus de 50 ans, le mélodiste bravait courageusement une tempête de neige pour aller jouer à Matane et à Rimouski.

« Je vous ai connu en 1969 – l’année érotique, selon Gainsbourg – les gars! », plaisante-t-il dans le courant de sa performance, non sans avoir tenté d’imiter l’accent et le parler québécois.

Michel Fugain explique également que l’inspiration de son morceau Les Acadiens – chaque musicien eu droit à un solo remarqué durant son interprétation –, il la tient de sa rencontre avec l’icône de la chanson au Québec Robert Charlebois, qui lui a tout appris sur ce peuple.

Les références ne s’arrêtent pas de sitôt : entre les souvenirs de ses débuts dans le cinéma ou de l’époque « où il écrivait pour d’autres » (notamment Dalida, Hugues Aufray ou encore Hervé Vilard), Fugain chante le morceau culte Les gentils, les méchants, non sans avoir fait part à la foule que ce Grand Blond avec une chaussure noire Pierre Richard lui avait demandé que ce titre se retrouve dans la bande originale de son film de 1973, Je sais rien mais je dirai tout.

 

Le Big Bazar

Michel Fugain doit avant tout son succès à la période Big Bazar, cette troupe de variété d’une quinzaine de hippies heureux et habillés de manière colorée l’ayant accompagné cinq ans, de 1972 à 1977 (même pas 10% de sa carrière, ironise-t-il quasiment).

Fugain précise qu’il demeurait important pour lui que le Big Bazar soit paritaire : « on était en avance sur notre temps », continue-t-il.

Les classiques du groupe seront bien entendus joués : Fais comme l’oiseau, Attention mesdames et messieurs, sans oublier l’excellentissime Une belle histoire, ayant mené à un touchant moment lorsque Fugain et sa femme se tinrent la main devant le public en chantant en chœur le morceau, habillés d’une cravate similaire.

« Mais il y en a d’autres hein! », annonce Fugain en riant après une ovation suivant la fin d’Une belle histoire.

La fête, tirée de son deuxième album avec le Big Bazar, traduit pleinement l’esprit à saisir de ces années-là : « C’est comme un grand coup de soleil / Un vent de folie / Rien n’est plus pareil / Aujourd’hui ».

On perçoit explicitement cette tendance à apprécier la vie qui nous entoure de la plus belle des manières, cette manie de refaire le monde, bien refaire le monde, idéologies qui se perdent peu à peu dans notre ère, d’un point de vue personnel.

 

Entouré

En jetant un rapide coup d’œil sur la scène du Théâtre Maisonneuve, il semble clair que Michel Fugain accorde une profonde importance aux hommes derrière les textes de ses chansons.

Deux photographies de ses paroliers, Pierre Delanoë et Maurice Vidalin, sont disposées sur le côté droit de la scène, alors que le musicien ne cesse de parler d’eux tout au long des deux heures passées à ses côtés.

Plus actuel, sa « bande tellement à part qu’on l’a appelée la bande à part, faute d’imagination peut-être », exprime Fugain, se révèlent non pas qu’être de simples accompagnateurs, mais de bons musiciens, des amis, des « potes » avec qui il travaille depuis des décennies.

Dans cette troupe, sa femme, sa douce moitié, sa blonde Sanda, énumère-t-il, avec qui il est marié depuis 2014, se démarque au micro, notamment par son interprétation solo de Laissez danser.

À l’aise et pétillant, Michel Fugain propose un répertoire vaste, passant entre autres de la bossa nova à des sonorités latines (sur Les sud-américaines), tout en explorant des musiques davantage folkloriques, tel qu’avec Le printemps.

Si les chansons post-Big Bazar ne portent pas cette énergie qui ont su lui apporter la gloire par le passé, celles-ci restent toutefois fort agréable à entendre, malgré un public évidemment moins réactif et connaisseur.

Suivant une séquence autodérisoire très amusante (« en vieillissant, ma femme m’a dit que j’entrais dans la Vie en rose : arthrose, ostéoporose »), Fugain clôture sa performance avec Je laisse et Dans 100 ans peut être (se questionnant si le Diable l’emportera quand il aura fait le tour de tout et de tous ses regrets), de 2013, puis sur Viva la vida, le public s’étant levé pour apprécier et acclamer de plus belle le mélodiste.

Clôturé? Pas tout à fait.

Après avoir fait monter l’entièreté de l’équipe de sa tournée sur scène, un geste rare il est nécessaire de le souligner, Fugain reçoit un 8 et un 1 en ballon de la part de l’une de ses collègues, qu’il finit par inverser pour former un 18 (« J’aime mieux comme ça »).

Il interprète devant un public encore debout Chante… comme si tu devais mourir demain pour la deuxième fois de la soirée, puisque débuter le concert avec un titre, sans l’attention de tous, c’est « comme le sacrifier ».

Clôturé pour de bon, cette fois-ci.

On ressort somme toute de là en regagnant le vrai monde de mai 2023, bourré de crises environnementales et de tensions politiques.

Zut, nous y revoilà…

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