Arnaud Dumond  & Pedro Sierra

Just For Laughs 2015 | Jane Lynch sauvée pas ses invités

C’est à l’actrice Jane Lynch qu’est revenu mercredi soir l’honneur d’offrir le premier gala de Just For Laughs (volet anglophone du festival Juste pour rire). Cumulant les apparitions au grand comme au petit écran, on la connaît sans contredit pour son rôle de la vilaine Sue Sylvester, qui persécutait, jusqu’à vrier dernier, les jeunes chanteurs de la série Glee.

Femme de théâtre, elle était visiblement à l’aise devant le public rassemblé à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Malheureusement, il était évident dès ses premières lignes que Lynch n’est pas humoriste. À chacune de ses apparitions, elle a présenté des chansons parodiques plus ou moins amusantes démontrant ainsi un plus grand talent pour la chanson que pour l’humour.

En tout huit humoristes se sont relayés, soit deux de plus que pour les galas habituels. Le public a généralement eu droit à du stand-up de grande qualité entrecoupé de moments plus que douteux. La quasi-totalité des humoristes présents était dotée d’un accent, toujours plus variés les uns que les autres. En plus de l’accent typique new-yorkais, on a eu droit à un Australien, un Écossais-Indien, un Jamaïcain-Anglais et un Australien-Malaysien. Si bien, que certaines particularités linguistiques nous ont échappées par moment.

 

Dan Naturman

Impossible de savoir si le New-Yorkais Dan Naturman a fait des recherches sur Montréal avant le spectacle, mais chose certaine, il a visé dans le mille. Le premier humoriste de la soirée a su briser la glace aisément en blaguant directement sur notre métropole.

Rares sont les comédiens étrangers qui bâtissent un numéro sur Montréal sans parler de la poutine. Naturman a plutôt abordé la question de la langue parlée dans la métropole, expliquant que « si tu cherches un endroit pour pratiquer ton français, Montréal n’est définitivement pas la bonne ville ». Ayant tenté à plusieurs occasions de s’exprimer en français dans des commerces du centre-ville, il a expliqué que les vendeurs ont choisi de l’accommoder, malgré ses contestations.

C’était un numéro intelligent qui peut-être sans même l’avoir fait exprès, est venu toucher directement un aspect culturel important du Québec.

 

Wil Anderson

L’Australien Wil Anderson, second au micro, a connu un départ plus lent, mais ses punchs valaient les quelques secondes de confusions. Abordant le sujet du gym, il s’est moqué des entraîneurs qui utilisent des phrases toutes faites comme « la souffrance, c’est la faiblesse qui quitte ton corps. »

En racontant comment il a réalisé qu’il était beaucoup plus heureux, maintenant qu’il ne paie plus quelqu’un pour lui crier dessus pendant qu’il fait des exercices, qu’il n’a même pas de plaisir à faire. « Non, la souffrance c’est ton corps qui t’indique que c’est assez! Arrête avant de te blesser! » a-t-il lancé au public conquis.

Un bon numéro, présenté avec assurance et énergie qui ne comptait pas de temps mort

 

Humour racial

Alors que deux humoristes ont bâti leur numéro autour des stéréotypes associés aux Afro-Américains, ils étaient loin de tenir les mêmes propos…

L’américain Lamar Williams a avoué ne pas réellement s’identifier à la couleur de sa peau, parce qu’il ne sait ni danser, ni jouer au basket. Il a par la suite expliqué que s’il avait un jour des enfants, ceux-ci croiraient à un Père Noël caucasien. « Imaginez seulement un instant un homme noir qui entre chez vous par la cheminée avec un sac… impossible de trouver cela enchanteur ! Le Père Noël se doit d’être blanc… », conclut-il à la fin d’un numéro rafraîchissant.

L’américain d’origine jamaïcaine Ian Edwards a tenu un discours entièrement différent, en affirmant dans un numéro plutôt décousu qu’il appuie les émeutes de Baltimore, parce qu’elles permettent de faciliter le cambriolage des commerces d’électronique. Donnant dans l’humour politique de manière peu convaincante, il a indiqué que le vol c’est OK, parce que les plus grands fraudeurs ne sont pas de jeunes noirs en coton ouaté, mais bien les hommes blancs de Wall Street. Un discours à saveur amère qui manquait de punch.

 

Intermission

La deuxième présence sur scène de la tête d’affiche s’est avérée moins concluante que le numéro d’ouverture. Présentant une chanson voulant mettre en contexte l’expression « slapping the cake » Lynch a plutôt rendu la foule mal à l’aise alors que personne ne semblait comprendre de quoi elle parlait. Après trois minutes de chansons, elle a indiqué avoir inventé cette expression, les spectateurs ont ri plutôt jaune.

 

Kristeen Von Hagen

Ajoutée au programme à la dernière minute, la seule humoriste féminine a présenté le numéro le moins apprécié de la soirée, racontant son enterrement de vie de jeune fille, et des spectacles sexuels néerlandais. Ces anecdotes n’ont soulevé que très peu d’exclamations. Un échec définitif à nos yeux.

 

Danny Bhoy

L’humoriste écossais Danny Bhoy était une véritable révélation. Il a présenté un numéro bien ficelé parlant des sondages d’information de plus en plus invasifs, alors que toutes les entreprises cherchent à savoir où l’on a entendu parler d’elles. S’en est suivi un super monologue sur le système de train Amtrak, pour qui il est impossible de choisir dans les choix de réponse. « Où avez-vous entendu parler du train : 1-un ami, 2- un journal, 3-l’Internet… C’est incroyable il n’y a aucune réponse qui indique la révolution industrielle ! Ou l’Histoire ! se moque t’il, sous les rires et applaudissements de la foule. On aurait bien aimé que son numéro dure beaucoup plus longtemps.

Ronny Chieng

L’Australien d’adoption d’origine malaisienne s’est retrouvé parmi les moments les moins intéressants du gala. Il s’est contenté de traiter les usagers de Facebook d’idiots et au final, c’est son lourd accent qui lui aura nui, étant donné que ses propos devenaient incompréhensibles dès qu’il s’emportait. Et il n’a fait que s’emporter…

Anaconda

Pour son dernier passage sur scène, Jane Lynch a présenté une version hilarante de la pièce Anaconda de Nicki Minaj. Dommage que le public n’ait pas saisi la blague à sa juste valeur. C’était un excellent moment, seulement aurait-il fallu que la comédienne appréhende un peu sa foule et sache que cette chanson est bien méconnue chez les Québécois de 40 ans et plus. C’est tombé dramatiquement à plat, sauf pour les quelques jeunes présents, qui s’exclamaient, de voir une actrice du calibre de Jane Lynch chanter « Oh my gosh, look at her butt » à répétition!

Tom Papa

Le dernier humoriste de la soirée était le plus connu du lot. Il s’est moqué intelligemment des cartes de membre en magasin ainsi que de l’heure à laquelle certaines choses sont jugées socialement acceptables. Un très bon numéro qui est venu conclure la soirée sur une note positive.

En somme, le gala de Jane Lynch a rappelé que ce n’est pas tout d’avoir un gros nom en tête d’affiche. Plusieurs des humoristes présents ont sauvé le spectacle, mais on aurait bien aimé que Lynch raconte quelques blagues plutôt que d’uniquement chanter.

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