Jamais Toujours Parfois

Jamais, Toujours, Parfois au Rideau Vert | Une oeuvre moderne et poignante

Dans une première collaboration au Théâtre du Rideau Vert, la metteure en scène Brigitte Poupart propose une percutante adaptation d’une pièce de l’autrice australienne Kendall Feaver, The Almighty Sometimes, adaptée ici en Jamais, Toujours, Parfois.  Cette histoire contemporaine traite de la vie d’une enfant au prise depuis plusieurs années avec des troubles de santé mentale, et qui à ses 18 ans, décide de goûter à sa « vraie » personnalité, celle qui n’est pas médicamentée, pour devenir l’écrivaine qu’elle est sûre d’être.  Portrait d’une quête toute personnelle au traitement oh combien universel.

Anna rentre tard avec un garçon, qui semble être une date. Elle parle beaucoup et s’emporte sur des sujets plus ou moins intéressants pour lui.  Il réalise qu’elle habite avec sa mère, qu’elle est intense, et quand elle lui demande si elle l’intéresse, il répond qu’elle parle beaucoup, mais qu’il la trouve courageuse.  Elle s’accrochera plus tard à ce mot quand son monde basculera, quand elle cessera de prendre la médication qui avait mis beaucoup de temps à la stabiliser.


* Photo par David Ospina.

La délicate question de la santé mentale

Malgré ce qu’on pourrait croire, il n’est toujours pas simple, en 2024, de traiter de santé mentale et surtout des relations affectées par celle-ci.  Kendall Feaver a définitivement trouvé un angle salutaire et parfaitement dosé dans son écriture, à la fois hilarante et déchirante.  On s’esclaffe à plusieurs reprises, pour être ensuite émus aux larmes.  Ne négligeant pas la perspective médicale pour plus de vérité, le cheminement de la protagoniste dans les tumultes de sa maladie est toujours juste et humain, plus près de la comédie que de la tragédie, comme ce l’est souvent.  On reconnait les maladresses des proches aidants, les hypocrisies pour amadouer, les souffrances étouffées pour ne pas brusquer la « malade ».

* Photo par David Ospina.

Brigitte Poupart a très bien exploité l’humour du texte dans les silences, et le timing, pour faire ressortir des questions souvent interdites :

On en parle très peu de la santé mentale […]. C’est encore très tabou.  Je suis certaine que ça va résonner très, très fort chez toutes sortes de personnes, parce que dans toutes les familles, il y a des fragilités.  Et donc poser ces questions-là sur comment on les traite, comment on les aborde dans l’intime, en famille et en société, ça ne peut pas être plus pertinent!   

Les scènes sont bien choisies par l’autrice, on se sent vraiment attaché, autant à Anna, brillamment interprétée par Lauren Hartley, une comédienne qu’on n’a pas fini de voir, qu’à Annik Bergeron, qui joue la mère avec aplomb, tout en démontrant une vulnérabilité désarmante à la fin.  Marie-Laurence Moreau, mieux connue comme la blonde de Léo, ainsi que Simon Landry-Désy complètent cette distribution cinq étoiles.  Les deux sont parfaits, dans un niveau de jeu encore une fois très près de la réalité et bien nuancé,  elle en thérapeute retenue et lui en amoureux attachant.

* Photo par David Ospina.

Un sujet brûlant d’actualité

La présentation de cette pièce s’avère tellement nécessaire dans le contexte actuel de surmédication chez les enfants, d’émancipation des tabous entourant les neurodivergences et les divers troubles en santé mentale.

Malgré les nécessités des thèmes, l’oeuvre reste une oeuvre, c’est-à-dire que, loin d’être didactique, on sent la part de vécu derrière chaque situations et la touche toute personnelle et sensible derrière chaque dialogue.  Le travail de jeu est tout simplement formidable et jamais lourd malgré le drame.

C’est un coup sûr pour toute la production de Jamais, toujours, parfois, à voir absolument !

À voir au Théâtre du Rideau Vert à Montréal jusqu’au 13 avril 2024. Détails et billets par ici.


Crédits:

Une pièce de Kendall Feaver

Traduction Maryse Warda

Mise en scène Brigitte Poupart

Avec Lauren Hartley, Annick Bergeron, Simon Landry-Désy & Marie-Laurence Moreau

Assistance à la mise en scène Erika Maheu-Chapman

Décors Nadine Jaafar /Costumes Cédric Quenneville / Éclairages Cédric Delorme-Bouchard / Musique Alex McMahon /Accessoires Julie Measroch / Maquillages et coiffures Josianne Lacoste

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