crédit photo: Pierre Langlois
Suuns

Festival international de jazz de Montréal 2025 – Jour 8 | Soirée guitare au Jazz (Sofie Royer, Fievel Is Glauque, Suuns)

Soirée plutôt cohérente hier, le 3 juillet, pour moi au Jazz, alors que je m’aventurais vers un trio d’artistes avec lesquels je suis déjà bien familier, et surtout fan, alors que j’aurai déjà tenté à plusieurs reprises de les booker l’un l’autre en festival dans une autre vie.

Sofie Royer

Artiste iranienne et autrichienne née en Californie et aujourd’hui établie à Vienne (ça voyage), Sofie Royer n’est pas un nom qu’on associerait particulièrement au jazz de prime abord, avec sa pop artsy à saveur bien 60s, mais elle constituait une adéquation probante avec Kazy Lambist, de qui elle assurait la première partie au Club Soda. Dernier arrêt d’une tournée nord-américaine, Montréal n’aura peut-être pas été la date la plus évidente de toutes pour la musicienne et son groupe.

La prestation est ponctuée de pépins techniques causés par un stand à claviers récalcitrant qui viendra régulièrement déconcentrer Royer avant qu’un technicien ne vole à sa rescousse pour des réparations de fortune. Ça engendrera tout de même quelques moments de désynchronisation qui n’aideront pas le public déjà difficile de la salle à se mettre dedans. La musicienne vante aussi ses talents d’humoriste, sans que la salle ne réagisse un tant soit peu.

Hormis ces considérations, musicalement, on a tout de même affaire à une artiste en contrôle de ses compositions et la tournée aura permis de bien roder le matériel issu de Young-Girl Forever, troisième opus paru en novembre dernier. La performance dans son ensemble est beaucoup plus orienté autour du piano que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre, bien que les apparitions ponctuelles du violon de la leader fassent grandement l’affaire d’un public qui commencera enfin à se dégêner vers la quatrième pièce du set, au moment où l’instrument fera son apparition pour la première fois alors même que certains sourcillent, ne comprenant pas trop « l’anglais » de la chanteuse (de l’allemand à ce moment-là!). Et parlant de langue, l’autre point fort de la performance sera aussi les nombreuses interventions en français, bien que cassé, de Royer tout au long de la soirée. Chapeau pour l’effort!

Fievel Is Glauque

Événement attendu par plusieurs, surtout chez les « jeunes », alors que le groupe américano-belge était enfin de retour en ville après deux ans d’absence. Duo à la base, Fievel Is Glauque fait dans le jazz fusion avec d’importantes propensions dissonantes et polyrythmiques. Le résultat est très caractéristique, près du jazz japonais des années 70 et 80, mais avec un indéniable côté new-yorkais.

jazz de montréal 2025* Photo par Productions Novak

New York comme dans « le claviériste pieds nus marmonne dans son micro quelques blagues en anglais tout au long de la performance alors que le reste de son septet se tient assez silencieux et stoïque sur le reste de la scène ». La chanteuse Ma Clément, pourtant francophone, ne nous larguera quant à elle qu’un maigre « merci » dans notre belle langue officielle. Du flegme de part et d’autre, mais qui est tout de suite pardonné de par la qualité de la musique.

jazz de montréal 2025* Photo par Productions Novak

Bien que le son du Studio TD, fidèle à son habitude, manque cruellement de puissance, les instruments sont tous correctement isolés dans le mix, permettant de bien entendre les voix et le saxophone (plus difficile pour la flûte au début par contre!), alors que les deux guitares se mélangeront bien pour créer un cluster constant se mariant bien à l’ensemble. Les chansons comme As Above So Below ou Save the Phenomenon seront particulièrement bien exécutées, même avec des sections techniques assez exigeantes. On sort du spectacle un peu sur notre faim vu l’énergie du groupe, mais impressionnés par le talent de chaque interprète présent sur scène.

Suuns

On ne parle pas assez régulièrement de Suuns. Le groupe est trop souvent oublié, ou négligé, lorsque l’on parle des artistes importants du début du siècle ayant eu le plus d’impact sur la scène montréalaise. Difficile de faire mieux en dance-punk ou en noise, et le trio l’aura encore une fois prouvé hier avec un Ben Shemie bien en forme.

suuns festival jazz montreal 2025 00

Malgré un public bruyant pendant les transitions plus ambient qui ponctueront le set, le groupe conserve son aplomb habituel, livrant ses chansons avec une assurance caractéristique et des moyens techniques épurés, mais bien présents. La setlist rend honneur aux différentes phases de création de Suuns également, mettant bien en évidence les disparités compositionnelles des sept albums. En ce sens, la soirée s’ouvre avec Music Won’t Save You, pièce emblématique de 2013, avant d’enchaîner avec du matériel plus récent.

suuns festival jazz montreal 2025 05

L’un des points forts de la soirée sera sans contredit Fish on a String, chanson tirée du dernier opus du groupe, The Breaks, paru l’an dernier. Utilisant ses effets de voix si caractéristiques, le chanteur réussit tout de même à livrer une interprétation toute nouvelle, modulant son ton avec un peu de théâtralité de bien bonne façon.

suuns festival jazz montreal 2025 03

La fin du spectacle, vers minuit, est aussi fort appréciable avec le principal succès du trio 2020, joué juste avant une surprenante reprise de Faut que j’me pousse d’Offenbach, chanson visiblement importante pour Shemie qui partage son temps entre Paris et Montréal depuis quelques années. Il lancera d’ailleurs un « Montréal, t’es ma ville » juste avant, moment touchant pour ceux qui savent. Au final, encore une performance de grande qualité de la part d’une incontournable formation locale qui n’a pourtant plus rien à prouver.

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