Nicole Atkins

Entrevue | Nicole Atkins présente Slow Phaser

« J’adore ce solo de clavier. C’est dingue! Nous avons pratiqué cinq heures par jour au cours des deux dernières semaines pour monter un vrai bon spectacle, et non pas simplement apprendre les chansons. Et quand arrive le moment du solo de clavier, la réaction est : “Fuck yeah!” »

Nicole Atkins parle ici du solo de clavier qui figure dans What Do You Know?, une chanson aux intonations prog-rock qu’on retrouve sur le nouvel album de la chanteuse. Sur un ton passionné, la rockeuse du New Jersey nous a récemment entretenus au bout du fil au sujet de son dernier-né, Slow Phaser, ainsi que de son imminente série de spectacles qui la verra s’arrêter au Divan Orange de Montréal le lundi 17 février.

Un album pas comme les autres

Sur Slow Phaser, Nicole Atkins a travaillé de nouveau avec le Suédois Tore Johansson, qui avait réalisé son premier disque en 2007, Neptune City. Leur relation de travail fut-elle différente?

« Tellement différente!  La première fois c’était du genre ‘Je suis le producteur, tu es l’artiste!’. J’étais sur un gros label, il y avait beaucoup de pression et énormément d’attentes. »

« Cette fois-ci, c’est lui qui m’a contactée après le passage de l’ouragan Sandy, il m’a dit ‘Je suis désolé de ce qui arrive –  aimerais-tu faire un album à nouveau ensemble?’, et je suis donc allée en Suède faire l’album avec lui. J’ai eu davantage le sentiment de faire l’album avec un véritable ami, plutôt que dans une situation de stress avec quelqu’un que je connais à peine. »

« Et cette fois-ci nous avions une idée très claire de ce que nous voulions faire avec l’album, parce qu’il n’y avait pas d’agenda, il n’y avait aucune attente. On s’est dit : jouons ensemble, soyons inventifs. L’une des choses qu’on a en commun est notre amour pour le rock progressif des années 70 et 80, et notre désir d’expérimenter avec divers sons. »

La moitié des chansons était déjà composée avant qu’Atkins, Johansson et le reste des musiciens n’entrent en studio (trois de ces chansons furent d’ailleurs coécrites avec Jim Sclavunos, batteur de Nick Cave and the Bad Seeds). Après avoir écouté une centaine d’enregistrements vocaux réalisés sur le téléphone de la chanteuse, qui comportaient des mélodies, des mots, et des idées éparses, la bande a fait une sélection parmi les plus intéressantes.

Ce qui frappe chez Atkins, encore plus ici que sur les précédents albums, est sa propension à laisser “respirer” ses musiciens. Ses albums sont moins des showcases pour sa voix qu’un réel travail de groupe. “Je suis une artiste solo, mais j’ai toujours été une artiste solo avec un groupe. Mon cœur réside au sein d’un groupe rock, plutôt que dans l’idée de jouer les dictatrices. En fait, on s’est assis en cercle pendant des jours et des jours, et on a jammé sans arrêt. On a pratiquement enregistré l’album de façon live, avec quelques petites retouches par la suite.»

“L’album prog qui m’a le plus influencée pendant la création de Slow Phaser est Car de Peter Gabriel, son premier disque solo. Il y a des moments tellement étranges sur cet album, d’autres qui sont théâtraux, et des sons qui t’entraînent dans un paysage spécifique. Et puis il y a également de petits moments pop très simples. J’ai vraiment connecté avec ce disque, parce que j’écris moi-même des chansons pop, mais il y a tant de paysages dans lesquels les placer autres que les structures commerciales traditionnelles. »

Parlant de chanson pop, le premier extrait de l’album, Girl You Look Amazing, une pièce aux intonations disco, lui est venue en rêve. “J’ai rêvé que David Byrne chantait cet air dans un club du genre Studio 54. Il la répétait sans arrêt, et en me réveillant je me suis rappelée de la mélodie. C’était seulement le refrain. Je me suis levée, je suis allée dans le couloir de mon appartement et je l’ai enregistrée sur mon téléphone. »

« Et pendant une éternité je me suis demandée ‘Comment vais-je terminer cette chanson? ’.  Car Girl You Look Amazing est une chose tellement ringarde à dire. Et après plusieurs mois d’écriture et de réécriture, j’ai décidé de construire la chanson autour de cette fille qui semble tout avoir de l’extérieur, mais qui se sent minable à l’intérieur. Et quand j’ai amené la chanson à Tore [Johansson], j’étais nerveuse parce que c’est un genre qui diffère tellement de ce que je fais normalement, et il l’a écoutée et m’a dit : ‘Félicitations!  C’est un hit!

« Mais cette chanson fut la plus longue à enregistrer, car avec ce type de pièce, il y a une mince ligne à ne pas franchir pour éviter de la faire basculer dans un monde Disney-esque. Nous voulions faire une chanson disco rock à l’attitude dure. Ça a demandé beaucoup de travail et de finesse. »

Recevoir pour mieux redonner

Slow Phaser a pu voir le jour grâce à une campagne de financement participatif, qui a vu la chanteuse atteindre 147% de son but. A-t-elle eu peur de ne pas y arriver? « Absolument!  Je m’inquiétais à savoir s’il y aurait plus de cinq personnes qui y participeraient!  Je ne peux même pas exprimer en mots ce que je ressens, ce que ça fait d’avoir autant de gens que je n’ai jamais rencontrés désirer que mon art soit rendu disponible. »

La chanteuse a remis une partie des profits de sa campagne à l’organisme Waves for Water, qui vient en aide aux familles et individus touchés par l’ouragan Sandy en 2012 et dont Atkins, native et résidente du New Jersey, fut témoin des répercussions. « En fait, j’ai rencontré la famille en question à qui l’argent est allé, et ça leur permet d’avoir de l’électricité dans la maison. C’est une famille tellement géniale, qui a perdu deux maisons. La première maison a été inondée, alors que la deuxième a été détruite dans un incendie. Le père est pompier et il a dû combattre le feu dans sa propre maison. Ça fait maintenant plus d’un an et c’est vraiment bien de les voir enfin réintégrer une maison qui est la leur. »

En plus de l’album, la campagne de financement a également permis la création d’une compagnie de disque indépendante, Oh’ Mercy! Records. « C’est tout un trip! C’est beaucoup de travail, mais également très gratifiant. L’idée à long terme avec cette compagnie est de pouvoir sortir mes propres projets, que l’entreprise soit assez profitable et durable pour y développer des projets musicaux excitants. »

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