Nick Cave

Nick Cave and the Bad Seeds au Métropolis | Le grand chaman immortel

La mythologie du rock’n’roll en a pris pour son rhume ces dernières années, sacrifiant à la Grande Faucheuse des Bowie, Prince et autres Lemmy. Heureusement, il nous reste encore Nick Cave, qui a l’instar du bon vin, gagne miraculeusement en valeur au fil des ans…


Difficile de ne pas faire de parallèle avec un autre Grand (avec un G majuscule) que la mort nous a réquisitionné récemment : Leonard Cohen. Nick Cave lui-même l’a évoqué au milieu du spectacle, comme si le spectre du grand poète de Westmount flottait aux alentours alors que son digne héritier passait par Montréal.

Si Cohen était un troubadour folk devenu poète dandy, Nick Cave était un trouble-fête punk-goth devenu poète dandy. De leurs racines quasiment à l’opposé, les deux créateurs se rapprochent d’une étrange façon dans leur évolution.

L’Australien frôle la soixantaine, et on ne ressent aucun signe de fatigue, d’épuisement, ou de redite. Son corps filiforme vêtu d’un complet élégant et ses cheveux d’un noir ténébreux lui confèrent un look de chaman immortel, impression qui se multiplie lorsqu’on l’aperçoit en train d’hypnotiser la première centaine de spectateurs au-devant de la scène. Pour eux, Nick Cave donne un tout autre spectacle, s’assurant de faire un contact visuel constant, et caressant de près ou de loin les mains qui se tendent vers lui.

Pendant Higgs Boson Blues, il va carrément saisir plusieurs de ces mains pour les porter à son coeur, en scandant les paroles « Can you feel my heart beat ? / It goes boom boom boom ».

Ce moment marquant, très touchant d’une certaine façon, est tout à fait à l’image du Nick Cave moderne, celui qui a perdu son fils il y a quelques années dans des circonstances tragiques (googlez-le au besoin), et qui a entrepris de transformer le processus de deuil en purge créative.  Ce procédé, brillamment démontré dans le documentaire One More Time With Feeling, a donné lieu au sublime Skeleton Tree, 17e album de Nick Cave & The Bad Seeds paru en septembre dernier.

Celui qu’on appelait jadis le « Prince des ténèbres » exploite ici la lumière, dans un document artistique d’une cruelle beauté, empli d’espoir et d’angoisse à parts égales.

Tous les titres de Skeleton Tree seront proposés tout au long du spectacle. Mais pas que. Il n’y avait pas de première partie ce lundi soir, juste Nick Cave & The Bad Seeds, sur scène à 20h05, pendant plus de deux heures.

Il a aussi revisité avec beaucoup de mordant Higgs Boson Blues, l’inquiétante Tupelo qui ne ressemble presque plus à sa version originale de 1985, From Her To Eternity dans toute sa folie (avec quelques déflagrations d’une violence inouie), ainsi que The Mercy Seat, un incontournable des setlists de Nick Cave, qui relate les derniers instants d’un condamné à mort par la chaise électrique.

Parlant d’incontournables, un spectacle de Nick Cave & The Bad Seeds ne serait pas complet sans la brillante Red Right Hand, et la très très badass Stagger Lee, interprétée ici au rappel.

Les moments de grande intensité n’avaient d’égaux que les sublimes balades comme Into My ArmsPush the Sky Away en toute fin de rappel comme une incantation divine, et Distant Sky, avec une apparition pré-enregistrée et diffusée sur écran de la chanteuse danoise Else Torp, qui interprète de magnifique façon le refrain céleste de cette chanson vaporeuse tirée du dernier album.

Vraiment, Nick Cave est au sommet de son art, et les quelques 2300 spectateurs qui emplissaient le Métropolis lundi ont eu droit à une prestation digne des plus grands événements. On en ressort un peu sonné, certainement ébloui, et plein de gratitude d’avoir encore l’occasion de le voir à l’oeuvre dans sa meilleure forme.

 

Grille de chansons

Anthrocene
Jesus Alone
Magneto
Higgs Boson Blues
From Her to Eternity
Tupelo
Jubilee Street
The Ship Song
Into My Arms
Girl in Amber
I Need You
Red Right Hand
The Mercy Seat
Distant Sky
Skeleton Tree

 

Rappel

Rings of Saturn
Mermaids
Stagger Lee
Push the Sky Away

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