Lary Kidd

Lary Kidd : Tout est sous contrôle (quasiment)

Avant de rencontrer Larry Kidd ce jeudi, j’étais un brin nerveux. La veille, on pouvait lire sur sa story Instagram « Estie que c’est plate les entrevues. » Pas nécessairement les mots les plus encourageants à voir quand t’es un gars qui s’apprête à le passer en entrevue. Peut-être qu’il est blasé de répéter les mêmes « mon album s’intitule Contrôle en référence à Ian Curtis » et « non, je ne sais pas si LLA va se reformer bientôt », me dis-je.

Donc à son arrivée, je lui donne le choix : soit on parle de son album, et je fais mon possible pour ne pas être plate. Soit il prend un break de relations publiques et, plutôt, je lui pose les 36 questions pour tomber en amour, du psychologue Arthur Aron.

Il rit et me rassure qu’il n’haït pas les entrevues. Sauf que celle dont il parle sur Instagram était surréelle.

« Ils nous ont fait rapper a cappella. Une caméra à 2 pouces du nez. Mettons que j’ai questionné le concept. »

Je lui promets de ne pas le faire rapper a cappella et je range donc mes 36 questions.

Nouvel album, mais pas le premier…

Contrôle est sorti aujourd’hui, 2 juin 2017. Et contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas le premier album de Lary Kidd.

Quelque part dans les bacs de la radio de l’Université de Sherbrooke, y’a belle lurette, je me souviens avoir vu un compact titré La déchéance de Lary Kidd.

« Shit oui. C’était en 2009. Y’avait du bon stock sur cet album-là je pense. »

Indeed il y en avait. Le talent du jeune homme ne date pas d’hier. Mais qu’est-ce qui a changé depuis?

« Je fais ce que je veux aujourd’hui. J’ai ma musique, ma marque, j’ai d’autres projets qui s’en viennent bientôt. »

Et, exemple, je voulais que mon spectacle soit très théâtral, donc j’ai pensé une scénographie et je l’ai juste faite. Si ça me tente d’avoir un entracte pendant lequel je blast du Wagner, ou si je veux une scène où on ne me voit même pas, je peux faire ce genre de trucs-là. Je réfléchis moins à comment ça va être perçu, j’y vais avec ce qui me plaît.

Force est donc d’admettre que Lary est un gars qui a du fun en ce moment. Bloody Ceasar à la main, sourire aux lèvres, il ne reflète pas du tout la noirceur de son nouvel album, qui lui est acerbe, lourd, désabusé. « C’est le miroir de tout ce qui s’est passé dans mon année ».

Que s’est-il passé dans cette année, coudonc, demande-je. Silence. Gorgée de Bloody.

Ok. J’ai peut-être poussé ma luck. Essayons autre chose : beaucoup d’artistes ont tendance à écrire des albums plus vivants après un certain nombre d’années. Des albums pensés pour que la foule s’amuse en spectacle. As-tu peur qu’avec un album sérieux comme ça, la réponse live soit moindre?

« Man. As-tu écouté les beats? Les jeunes vont se battre dans la salle quand Ultra-violence va partir. Ça va être la folie sur FTSL. »

Donc ce serait le contraste qui fait la force?

Parce que FTSL est certes un banger, mais le texte est un discours anti-matérialiste. Et partout sur l’album les phrases comme « She might know me dans les deux langues, still I fuck her like un francophone » côtoient des références à Camus ou autres grands littéraires.

Lary lui-même est un être de contradictions. Il peut t’appeler patnais un instant et deux secondes plus tard sortir une phrase telle « l’acceptation est grande dans l’impasse ».

Une phrase qu’il m’a répondue mot pour mot d’ailleurs, comme ça, du tac au tac. J’ai failli applaudir tellement je trouvais la formulation bonne.

Mais bref, oui, donc, les contrastes.

« J’y pense pas trop. J’ai pas envie que mes textes soient vides, et je peux pas écrire sans qu’un message passe. Je me positionne toujours comme victime de mon environnement dans mes paroles. C’est le personnage d’un gars qui aime l’excès mais qui le déplore en même temps. Tant mieux si les gens voient le deuxième degré, sinon c’est correct aussi. »

Il ajoute : « Y’a aussi qu’au Québec si tu parles de cash ou que tu dis « bitch », tout ce que les gens retiennent c’est que tu parles de cash et de bitch, sans regarder le contexte. On se sent quasiment obligé de se justifier après en disant « mais non regarde, là je cite tel écrivain, là je paraphrase tel dude ».

 

La différence avec le rap au Québec

Donc le décor musical de la belle province n’est pas encore prêt pour un rap comme il s’en fait aux States. Qu’est-ce qu’il manque d’autre dans le rap québ’?

« On n’a pas de MC qui rappe sur des beats plus expérimentaux. Instrumentalement parlant, on est assez conventionnels. On n’a pas de Ghostface Killah qui peut spit sur n’importe quel type de musique, on n’a pas vraiment de producer qui fait du gros échantillonnage excentrique ou grimey. Y’en a pas. »

Silence. Gorgée de Bloody.

« Dans le fond. » dit-il.

« Peut-être que je vais le faire moi-même. Au lieu de chialer qu’y en a pas. Peut-être que je devrais essayer ça sur un album. »

Fait que vous l’aurez lu ici en premier, peut-être que le prochain album de Lary Kidd va être complètement autre chose.

Mais en attendant, écoutez Contrôle dès maintenant et aller voir son lancement le 9 juin aux FrancoFolies et le 14 juillet au Festival d’été de Québec.

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