Entrevue avec Betty Bonifassi | Premier album solo inspiré des chants d’esclaves

Révélée en 2004 par la chanson thème des Triplettes de Belleville, Betty Bonifassi a connu un succès certain via sa collaboration avec DJ Champion et le duo de musique électro-rock Beast. La chanteuse montréalaise lancera son tout premier album solo le 23 septembre prochain, un opus de 12 pièces qui rend hommage aux chants d’esclaves. Une tournée serait aussi annoncée sous peu pour 2015. Entrevue avec l’artiste.

Sors-tu.ca : Qu’est-ce qui vous a poussé vers un nouveau projet en solo?

Betty Bonifassi : C’est parce que j’avais trouvé une mission avec du contenu, en l’occurrence les chants d’esclaves, qui pour moi sont intemporels (…) des chants répertoriés dans les années 1920 mais qui existaient depuis plus longtemps, des chants qui ont été répertoriés pour ne pas qu’ils disparaissent trop vite. C’est la richesse de cet univers, historiquement, humainement, culturellement et musicalement parlant qui m’a donné envie de mettre mon nom quelque part.

Sors-tu.ca : Depuis combien de temps caressez-vous le désir de créer cette oeuvre?

Betty Bonifassi : Ça fait 16 ans que je veux le faire celui-là!

Sors-tu.ca : Qu’est-ce que ça représentait pour vous de faire figure ¨seule¨ dans ce projet?

Betty Bonifassi : Il n’y a aucune intention pour moi d’être seule. Aucune. Fondamentalement, c’est un projet que j’ai construit, qui vient de ma synthèse analytique et de mes recherches. C’est un hommage à une grande famille, celle des Lomax, qui est très importante dans nos univers de créateurs puisqu’ils ont répertorié de la musique de partout dans le monde. Pour moi personnellement, ce sont des univers qui m’inspirent beaucoup dans la composition d’aujourd’hui, ce qu’on appelle maintenant la musique traditionnelle.

betty-bonifassiSors-tu.ca : Dans quel contexte êtes-vous tombée sur ces chants?

Betty Bonifassi : J’ai travaillé sur une pièce de théâtre à la salle Denise-Pelletier en 1998 : Des Souris et des Hommes de Steinbeck. Il y avait un rôle dans cette pièce qui représentait la narration dans le livre et le metteur en scène avait décidé de la personnifier au travers de chants, des ¨work songs¨ des années 1930. Ça n’a pas pris long que je suis tombée sur une, puis deux, ensuite trois et voilà, j’ai pogné la piqûre.

Sors-tu.ca : Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce sujet de l’esclavage et du racisme?

Betty BonifassiJe trouve que nous sommes exactement à la même place qu’il y a cent ans d’un point de vue social, politique et humain. Nous avons beaucoup reculé depuis la 2e guerre mondiale, il n’y a plus de protection d’humain. En ce contexte de grosse crise financière, l’écart entre les riches et les pauvres est creusé.(…) De ce fait, il y a un état de la pensée du riche sur le pauvre qui nous ramène à il y a cent ans et à l’esclavage.

Sors-tu.ca : Pour bien comprendre, est-ce que les textes figurant sur votre album font parties des chants qui ont été recueillis?

Betty Bonifassi : Oui et non, c’est-à-dire que certains textes pouvaient défiler et se résoudre en 14 heures. Donc, j’ai dû choisir des blocs et en comprendre l’histoire. Il y a des chansons que j’ai remaniées au complet et dont j’ai juste utilisé le thème ou la métaphore. Il y a d’autres textes dont j’ai pris des blocs et utilisé entièrement les écrits originaux. Des textes évidemment chantés avec un ¨sling¨ arrondi en gardant quelques termes.

Sors-tu.ca : Est-ce que vous pensez avoir apporté quelque chose à cette relecture?

Betty Bonifassi : Non. La seule chose que je pourrais faire, si le disque est bien accueilli, c’est de se dire que j’ai passé. Passé le savoir. Ne pas oublier, c’est très important pour les générations à venir et d’apprendre des erreurs qu’on a faites.

Sors-tu.ca : Au niveau musical, avez-vous eu une certaine influence dans la création de l’album?

Betty BonifassiLa seule influence provient de ces chants auxquels nous avons ajouté des textures des années 1990. On s’est amusé à reprendre quelques rythmiques pour les rendre un peu plus ¨funky¨.

Sors-tu.ca : Est-ce que vous pensez que les gens qui ont écouté Beast pourraient se retrouver dans ces oeuvres?

Betty BonifassiOui, ils vont se retrouver puisque c’est très électro. Mais ce n’est pas du tout Beast, qui était ¨dark¨ et triste. (…) Cette fois, on a la main lourde (dans les rythmes) pour garder un effet enraciné. Mais il y a quelque chose plus près de l’espoir dans cet album ; quelque chose qui part de la paume et s’en va vers le ciel. Dans leurs chansons, les esclaves parlaient beaucoup du fait de s’envoler et que la gravité ne les atteint plus. Alors, le seul moyen d’être bien, c’était dans les airs.


* Spectacle/lancement gratuit ce lundi 22 septembre à 20h, au Cabaret du Mile-End, à Montréal.

Vos commentaires