Chaque jour

Critique théâtre: Chaque jour à La Licorne

La pièce Chaque jour de Fanny Britt inaugurait mercredi soir la grande salle du théâtre de La Licorne. Une scène toute neuve, des bancs tout neufs, un décor et un éclairage qui embrassent la technologie… et une pièce divertissante, même drôle, à laquelle il manque certainement une chose : un message.

Photo par Suzanne ONeill

Chaque jour raconte l’histoire d’un couple formé de Lucie, interprétée par Anne-Élisabeth Bossé, et Joe, joué par Vincent-Guillaume Otis. Peu éduqués, peu de manières, les amants vivent un amour malsain, dont la flamme est alimentée par la violence depuis le tout premier jour. S’insultant et se rabaissant sans cesse, Lucie et Joe ne sont liés que par une chose : le sexe.

L’histoire se déroule le jour de l’anniversaire de Lucie. Cette dernière a la responsabilité d’aller nourrir le chat de sa patronne, Carole, propriétaire d’un salon de coiffure, qui vit dans un chic appartement qui servira de décor à la pièce. Joe viendra rejoindre Lucie chez sa patronne et tous deux décideront d’y passer la nuit afin de profiter d’un peu de luxe. Mais en route, Joe a trouvé un iPod dans le métro… et lorsqu’il se met à l’écouter, entre deux embrouilles avec sa copine, il commence à se transformer, à ressentir des choses étranges, qui le mèneront même à léviter dans l’appartement de Carole.

Chronologie aléatoire

La pièce nous est présentée comme un casse-tête dont les morceaux ont été mélangés sur l’échelle du temps. On voit d’abord la confrontation entre Carole, interprétée par Marie Tifo, et une Lucie toute en pleurs, qui s’excuse d’avoir saccagé l’appartement… mais également pour le comportement de Joe, qui est suspendu dans les airs, l’air béat, complètement déconnecté de la réalité, avec son iPod dans les mains. Les morceaux du casse-tête se placeront peu à peu, en faisant des sauts dans le passé, afin de comprendre comment les personnages en sont arrivés là.

Photo par Suzanne ONeill

Drôle, malgré la violence du sujet

Malgré le malaise de voir deux jeunes gens s’entre-déchirer et se manquer de respect, le texte de Fanny Britt reste très humoristique et réussit à nous faire rire tout au long de la pièce. Le peu de manières des deux personnages principaux et la stupidité illuminée du personnage de Carole nous offrent de nombreux moments cocasses.

Bien que parfois déroutante par sa violence, l’interprétation de Vincent-Guillaume Otis mérite des applaudissements pour son côté vrai et senti. Le travail de sa complice, Anne-Élisabeth bossé, est également réussi, bien qu’elle nous perde un peu dans ses faux pleurs. En fait, ajouté au rôle semi-caricaturé de Marie Tifo en femme complètement disjonctée, on se demande parfois si on assiste davantage à une pièce dramatique teintée d’humour, ou à un théâtre d’été un peu trop complexe.

Un décor qui met en valeur la pièce

La grande force de Chaque jour est certainement dans son décor et ses effets des plus efficaces. Bien que la mise en scène de Denis Bernard soit parfois un peu brouillonne en raison des sauts du passé au présent et vice versa, les jeux de lumière et les portes de métro fondues dans le décor de l’appartement de Carole sont sans aucun doute une valeur ajoutée à la pièce.

En fait, le seul véritable point faible de Chaque jour ne réside ni dans le texte, ni dans la mise en scène, ni dans le jeu du trio de comédiens. Il est plutôt dans le manque de message de la pièce. On avait sous la main un sujet qui touche beaucoup de gens et qui fait partie de notre réalité : l’amour malsain et la violence gratuite qui détruit le quotidien d’un couple. Mais au lieu d’en tirer une morale, une leçon, ou même de tenter de faire une réflexion sur le phénomène, on échappe à la situation de Joe et Lucie par… l’écoute d’une musique un peu bizarre sur un iPod qui fait léviter…?

 

* Chaque jour est présenté jusqu’au 19 novembre à La Grande Licorne.

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