Arcade Fire

Critique CD: Arcade Fire – The Suburbs

Arcade Fire - The Suburbs Arcade Fire The Suburbs

Notre ère incarnée en 65 minutes de musique pop

Il y a de ces moments où l’on a l’impression que l’art chamboule les moeurs en parlant d’eux de façon si adéquate et splendidement concise. Dans un autre siècle, c’était Radiohead qui traçait un portrait troublant de sa génération à chaque parution; maintenant, il semblerait que ce soit Arcade Fire.

D’une certaine façon, le groupe montréalais est un peu le Radiohead de son époque: un collectif musical qui fait de la pop de haute qualité, et qui change la donne en matière de rock (même s’il ne réinvente pas le genre au même niveau que Radiohead l’avait fait avec OK Computer ou Kid A).


Propos justes

Il y a aussi ce don qu’a le chanteur et parolier Win Butler pour mettre le doigt sur des thèmes, des problèmes, des angoisses typiques de notre époque avec une économie de mots. Butler trouve les justes formules pour exprimer des maux de société de façon prodigieusement ciblée, et parvient à leur rendre une musicalité hors du commun.

Comme l’indique son titre (The Suburbs se traduit par « Les banlieues »), il est question du contraste entre le tourbillon urbain et le confort austère de la banlieue, mais aussi de modernité, d’altruisme et de notre rapport avec le temps, voire la rapidité omniprésente et l’urgence de tout (We Used to Wait).

Tout ça porté par la voix de Butler, qui rappelle par moments celle de Roger Waters à l’époque de Pink Floyd avec son léger vibrato porteur d’une certaine urgence et d’un tourment viscéral, et qui épouse les moindres détails des propos du groupe.


Attrait instantanné

En dépit de la lourdeur de ses thèmes, The Suburbs est sans doute l’album le plus accessible d’Arcade Fire à la première écoute.

Dès le premier tour de piste, on apprécie particulièrement certains titres énergiques comme Month of May, We Used to Wait, Ready to Start et Roccoco.

Toutefois, plus on écoute, plus on apprécie des titres moins attrayants au premier coup d’oreille: les deux étonnantes épopées binaires Sprawl et Half Light, ainsi que le noyau de l’album, la très imagée Suburban War.

Construit comme un bon vieil album concept, The Suburbs jouit d’une précision dans la construction de la grille de chansons si bien que l’album prend tout son sens lorsqu’il est écouté d’un bout à l’autre (contrairement à la tendance, en cette ère du numérique, où la lecture aléatoire est reine).


Le plus intemporel des trois

Beaucoup moins glauque que le précédent Neon Bible et moins grandiloquent que Funeral, il est difficile de comparer froidement The Suburbs aux deux autres disques d’Arcade Fire pour déterminer « le meilleur » du lot.

Disons simplement que ce sera sans doute le plus intemporel, celui qui sera davantage associé à son époque qu’à son année de parution lorsque viendra le temps de regarder la discographie d’Arcade Fire avec du recul, dans quelques années.

Avis aux détracteurs: The Suburbs est une oeuvre beaucoup trop juste et ingénieuse pour être ignorée bêtement par réticence anti-critique. Notre ère ne sera possiblement jamais aussi bien incarnée en 65 minutes de musique pop.

 
 

 

 
 

 

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