Angélique Kidjo et Alexandre Tharaud | Parce que le monde a besoin d’amour

La grande Angélique Kidjo, chanteuse d’origine béninoise, et le virtuose pianiste français Alexandre Tharaud ont présenté hier soir au superbe Palais Montcalm de Québec une primeur nord-américaine, offrant un spectacle où l’amour se décline sous toutes ses formes, au gré d’un répertoire entièrement francophone. Un moment de communion avec soi-même, où sérénité et sobriété prennent place grâce à la virtuosité et à la complicité des deux interprètes. Les mots d’amour, un programme aux enchaînements dynamiques, réconforte, bouleverse et amuse, dans une mise en scène épurée qui laisse toute la place à la musique.

Un hommage à la langue française

Cinq fois récipiendaire d’un Grammy Award, Angélique Kidjo réalise ici son rêve d’offrir un concert entièrement francophone. Comme elle le dit : « La langue de mon enfance, de notre enfance, il faut s’en accaparer pour exprimer ce qu’on veut, comme on veut, quand on veut. » Dans des interventions bien orchestrées, elle prend position sur l’expérience humaine face à l’évolution de la technologie, partage son vécu sous la dictature et nous met en garde contre les dangers insidieux de son emprise sur nos vies.

Une voix sculptée dans l’émotion

La voix d’Angélique Kidjo est un instrument en soi. Puissante, précise, habitée, elle oscille entre douceur et feu, se jouant des couleurs et des textures avec une aisance presque instinctive. Une alto maîtrisée, expressive, à l’articulation limpide, où chaque mot résonne pleinement. Son interprétation transcende le type de répertoire choisi : Serge Gainsbourg pour parler des violences faites aux femmes, Pierre Lapointe pour évoquer l’homophobie, Rita Mitsouko pour rappeler l’humour nécessaire à l’amour.

Un pianiste au service de la réinvention

Le pianiste qui soutient et unifie tout ce répertoire est Alexandre Tharaud. Figure incontournable de la musique classique, il est aussi un véritable ambassadeur du piano français. Sa discographie, saluée par la critique, couvre un répertoire varié allant de la musique baroque à la création contemporaine. Tous les arrangements entendus lors du spectacle sont signés de sa main et constituent un pur délice auditif. Comme un orchestre au bout de dix doigts, il s’éloigne des versions originales pour livrer une relecture saisissante de ces chansons populaires. Dans de merveilleuses introductions, il dissimule les mélodies jusqu’au moment où la voix donne l’indice ultime de la destination musicale. Tour à tour doux et sobre, il dose parfaitement les nuances, osant aussi des accords plus modernes et des rythmes changeants, maintenant l’auditoire en haleine.

Un duo complice entre musique et théâtre

La symbiose entre les deux artistes dépasse la simple interprétation musicale. Entre les morceaux, un jeu de scène spontané s’installe, avec des dialogues complices et des clins d’œil au public. Moment particulièrement savoureux : une version ludique et théâtrale de Paroles, paroles, où les voix s’entrelacent dans un jeu de séduction malicieux.

Un moment de pureté musicale

Dans la majestueuse salle Raoul-Jobin, le minimalisme scénique sublime l’essentiel. Un piano, un micro, quelques accessoires à peine perceptibles. Un éclairage sobre, presque diaphane, qui oriente tous les sens vers l’écoute. L’introduction du spectacle est un instant de grâce : un pianiste assis par terre, jouant sur un piano d’enfant, accompagne une voix nue, délicate, qui invite à retrouver l’émerveillement originel.

Un concert d’une rare élégance, où chaque note est une déclaration d’amour à la musique et à la langue française.

Les coups de cœur de Madame Belley : une vitrine pour les artistes émergents

Depuis 2021, le Palais Montcalm propose une expérience musicale unique en permettant aux spectateurs de prolonger leur soirée après un concert d’envergure grâce aux after-shows de la série Les coups de cœur de Madame Belley. Ce rendez-vous intimiste met en lumière des artistes émergents de talent dans une ambiance feutrée, propice à la découverte et à l’échange.

Cet écrin musical, nommé en hommage à Henriette Belley, figure emblématique des années 1960 et 1970 à Québec, célèbre une femme audacieuse, reconnue pour ses apparitions flamboyantes lors des premières de spectacles.

Le concept de Les coups de cœur de Madame Belley est simple : après avoir savouré un concert dans la majestueuse salle Raoul-Jobin, le public est invité à poursuivre la soirée dans une atmosphère intime, cocktail à la main, en découvrant un univers musical inédit.

Sandrine Masse : un voyage musical entre tradition et modernité

Hier soir, c’était au tour de l’auteure-compositrice-interprète et altiste Sandrine Masse de faire vibrer la salle avec son album Là où la terre est (2024). Un projet folk inspiré de son territoire, le Nionwentsïo, où chaque chanson devient un hommage vibrant à la terre et à son héritage. Ses compositions, solidement construites, révèlent une voix maîtrisée portée par des textes à la fois sincères et accrocheurs.

D’une présence scénique naturelle, Sandrine Masse a su captiver l’audience, incarnant pleinement l’esprit de cette série musicale dédiée à la découverte. Une fois de plus, Les coups de cœur de Madame Belley se confirment comme une véritable porte ouverte sur la richesse et la diversité des talents émergents.