crédit photo: Gab Girout
Sofiane Pamart

Sofiane Pamart au Théâtre Outremont | Le spleen moderne en noir et blanc

Le « Piano King » est en ville! Après des passages au Québec en 2022 et en 2023, le pianiste français Sofiane Pamart est de retour dans la province pour une poignée de dates au cours du mois de mars. Sors-tu? a assisté à sa performance au Théâtre Outremont.

Les lumières se ferment. Le silence est total. On n’entend que de lourds bruits de pas se rapprocher du piano. Pamart se dévoile enfin. On a déjà connu le pianiste vêtu d’accoutrements plus excentriques, mais la tenue et le style de Sofiane Pamart restent reconnaissables et caractéristiques : longue veste noire, boucle d’oreille, bagues, chaussures pointues à talons, mais surtout ces lunettes de soleil qui ne le quittent désormais plus. Un style et un caractère de rappeur (des artistes avec qui Pamart collabore régulièrement), pour une musique à attendrir les cœurs.

Le musicien se laisse applaudir quelques secondes et se pose au piano pour interpréter Noche, l’ouverture de son dernier album éponyme paru en octobre 2023. Un aspect important à mentionner : Pamart ne dira aucun mot durant la soirée, littéralement. L’artiste se tourne vers le public pour recevoir ses acclamations quand il a terminé une pièce et le remercie d’un coup de tête, se permet quelques signes, quelques mimiques, mais rien n’entravera l’essence première du spectacle : le piano. La scénographie quasi inexistante, si ce n’est que quelques rangées de projecteurs immobiles l’éclairant, n’offre également aucune occasion de détourner son attention des doigts de l’artiste qui se baladent entre les touches noires et blanches de l’instrument.

Sofiane Pamart puise dans ses quelques projets parus ces dernières années, Planet, Letter et Noche. Il interprète quelques-uns de ses singles aussi.

Des rapprochements entre la musique de Sofiane Pamart et celle de Frédéric Chopin ont déjà été établis par le passé. Il est vrai que la manie de jouer presque exclusivement des mélodies mélancoliques dans les aigus, avec l’accompagnement à la main gauche souvent sous une forme valsée, rappelle la patte du Polonais et celle d’autres compositeurs de l’époque romantique. On entend également dans la musique de Pamart un brin de Debussy dans la suspension et le caractère rêveur, une pincée de Liszt à travers la technique et les mouvements chromatiques initiés sur les pièces les plus ardues. Mais cette façon qu’a le pianiste français de syncoper sa main gauche à la limite de la croche jazzée et de prendre une telle liberté dans les rythmes par rapport aux versions originales de ses pièces ne ressemblent pas à ce qu’on a pu entendre par le passé. Et pour le mieux. Ces génies de la musique d’antan sont encore écoutés, respectés, voire idolâtrés, à raison. Rien ne sert à les imiter : Pamart doit écrire sa propre histoire.

La musique de Sofiane Pamart vient raconter sans un mot une histoire qu’on aurait rêvé vivre, elle vient rappeler les rêves profondément enfouis dans les méandres de l’oubli. D’un point de vue personnel, Sofiane Pamart est, aux côtés de Chilly Gonzales, le compositeur néo-classique le plus talentueux de la francophonie depuis une quinzaine d’années. Et l’artiste n’a que 33 ans et trois projets solos à son actif. Ses accomplissements laissent entrevoir une réalisation de ses ambitions les plus folles.

Sofiane Pamart s’offrait un récital à l’Accor Arena de Paris en 2022 (20 000 places) et jouait devant les danses des aurores boréales de Finlande l’année précédente. Le pianiste affirmait même dans les pages de 20 Minutes qu’il rêvait de jouer dans l’espace un jour.

Après avoir pris connaissance du décor de certaines de ses performances passées, peut-être que le Théâtre Outremont apparaît comme un cadre un peu trop convenu à l’extravagance d’un artiste comme Sofiane Pamart. Mais c’est de la gourmandise, de l’avidité mal placée de la part d’un rédacteur en quête de grandiose. Quelques suggestions originales pour un prochain passage de Pamart en ville, tout de même : jouer sur le belvédère du mont Royal au coucher du soleil, au cœur de la basilique Notre-Dame de Montréal ou sur un bateau voguant sur un fleuve Saint-Laurent tranquille.

De simples suggestions, encore une fois, bien que le public montréalais, ainsi que l’auteur de ces lignes, semble trépigner d’impatience à l’idée d’entendre le nouvel album de Sofiane Pamart lors de son prochain passage en sol québécois.

Pamart, au toucher impeccable, vit sa musique, il tape des pieds et gigote sur son banc avant d’atteindre l’apothéose sur I. L’une de ses plus belles compositions, simplement. Le public est conquis, se lève et l’acclame pendant plusieurs dizaines de secondes. Pamart se lève également de son banc, reçoit les applaudissements avec une touche d’insolence. Sofiane Pamart est très talentueux, et il le sait. Vaut mieux ça qu’une personne pensant qu’elle est douée sans l’être.

Le pianiste clôture sa performance avec deux rappels chaudement réclamés, et quitte la scène du Théâtre Outremont comme il est entré, sans dire un seul mot.

*NOTE : Les photos de l’article proviennent de la soirée du 12 mars, alors que la rédaction a été assurée après le premier spectacle de Sofiane Pamart, le 11 mars.

Grille de chansons

  1. Noche
  2. Le Caire
  3. Miedo
  4. Alba
  5. Invisible
  6. Pelicula
  7. Very Last Drink
  8. They Said I Was « Just a Musician »
  9. Chicago
  10. Ocean
  11. Carthage
  12. Paris
  13. Dear
  14. Forever
  15. Love
  16. Berlin
  17. Corazon
  18. Sahara
  19. Aurora
  20. Borealis
  21. Kittila
  22. I
  23. Nara
  24. Vera
  25. La Havane
  26. Medellin

Rappel

  1. Me
  2. Solitude

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