Safia Nolin en lieu de culte
Safia Nolin lançait SEUM hier à la chapelle Notre-Dame-De-Bon-Secours. Quelques heures seulement après le point de presse du gouvernement lors duquel Legault et son équipe annonçaient de nouvelles restrictions, notamment dans le milieu de la culture, l’atmosphère semblait irréelle.
La lune, presque pleine, se faisait dramatique au-dessus des gargouilles régnant sur le toit de l’église. Même dans la file, encore assez longue à l’extérieur de la chapelle passé huit heures, on sentait un doux mélange d’un besoin de réconfort et d’incertitude.
À l’image du format de son EP, Safia avait prévu ce lancement unplugged le 16 décembre, suivie d’une version plugged le 17 décembre aux Foufounes Électriques. La version unplugged, dramatique déjà, l’était encore plus vu l’état du monde.
On ne le savait pas, mais le spectacle devant se dérouler dans le bar mythique de la rue Sainte-Catherine le lendemain soir serait reporté quelques heures plus tard.
«Avec la hausse importante des cas, je n’étais pas à l’aise avec l’idée de réunir des centaines de personnes dans une salle de spectacle ce soir. Je vous aime pis j’aime mon équipe, c’est pour ça que j’ai pas envie de mettre tout le monde à risque. Je préfère attendre pour qu’on vive ce moment-là dans les meilleures conditions possibles [sic]», a écrit l’artiste sur sa page Facebook. Aucune date n’a encore été fixée pour la reprise de ce spectacle.
En rentrant dans la chapelle Notre-Dame-De-Bon-Secours, un genre de flash-back inversé. Souvenir flou d’entrer dans l’église de Sainte-Thérèse, fin mai, pour voir Ariane Roy et Laurence-Anne dans le cadre du festival Santa Teresa, alors que le monde commençait à peine à rouvrir: on se croyait à l’époque du début de la fin.
Collés comme des sardines sur les bancs d’église, les spectateurs attendent calmement le début du spectacle. Tous observent les murs et le plafond, pointent des fresques, admirent la scène sobrement décorée avec des chandelles et dénuée d’amplis. Le décor est mythique, l’ambiance se situe quelque part entre celle d’une messe de minuit, de fin du monde et de fin de session.
Pas de bar à ce spectacle: en lieu saint, on ne peut que boire le sang du christ et les paroles de Safia Nolin. Celle-ci monte d’ailleurs sur scène, accompagnée de Marc-André Labelle, ami, ex-coloc et ce soir, coguitariste.
Les lumières s’éteignent lors de leur entrée sur scène, laissant cette dernière illuminée seulement par les chandelles. Safia Nolin commence la soirée avec la pièce Mourir au large. Sans avoir besoin de micro, sa voix est portée par les voûtes de la chapelle. L’acoustique du lieu, sans être parfaite, ajoute certainement quelque chose à l’ambiance de la soirée.
On ne comprend pas toutes les paroles, mais si on connaît bien les chansons de l’artiste, on sait où elles s’en vont. Tous les sons sont multipliés par dix dans la salle: autant les notes jouées sur les cordes des guitares que les mouvements des spectateurs qui bougent sur leur siège.
«Bonjour… Grosse journée!», lâche-t-elle à la foule entre deux chansons. Tout le monde éclate de rire: grosse journée en effet. Après avoir échangé quelques blagues avec ses adeptes, elle pige autant dans le répertoire de son dernier EP que dans ceux de ses albums Limoilou, Dans le noir et Reprises vol. 1 et 2.
C’est beau, c’est doux, ça fait mal, ça console, c’est tragique. La formule se prête à merveille à ses chansons.
Le contraste entre son personnage triste d’autrice-compositrice-interprète et qui elle est lorsqu’elle s’adresse à la foule est marquant. Ses chansons mélancoliques et profondes clashent joliment avec les gags qu’elle lance à tout bout de chant et ses fous rires. La vie est belle.
Tout au long du spectacle, les jeux de lumière sont pour le moins intéressants: le temps de quelques chansons, des projecteurs plutôt puissants viennent légèrement amocher la mise en scène. Il faut dire que les ombres qu’ils créent sur le plafond de l’église sont plutôt chouettes. À d’autres moments, pour la chanson Technicolor notamment, des lumières multicolores reflètent toutes les couleurs sur les scènes de la mort du Christ peintes au plafond.
Après avoir joué PLS, elle interprète une série de chansons de Noël: certaines sont les siennes, d’autres sont des reprises. Pour Noël partout, elle s’aventure entre les rangées de bancs, ponctuant ses paroles de quelques rigolades.
lLa chanteuse française Pomme, sa copine, la rejoint sur scène pour I’m dreaming of a white Christmas. Toutes les deux se lancent ensuite dans l’interprétation de la plus que touchante Lesbienne Breakup Song.
La foule ne décroche pas malgré les longues minutes que Safia Nolin passe a accorder sa guitare entre ses chansons et le fait qu’on comprenne plus ou moins ce qu’elle dit à cause de l’acoustique de la salle. Manifestement, tout le monde lui pardonne: elle est attachante comme tout.
À deux chansons de la fin, elle s’adresse à la foule, lui disant que ça lui fait du bien de recommencer à faire du spectacle: «je suis contente de vous voir», dit-elle, s’adressant aux spectateurs comme à de vieux amis.
Tristement, elle n’a pas pu être aux Foufounes Électriques hier soir: on ne pourra pas assister à sa formule plugged si tôt. «Ce soir à 19h30 je vais faire un maudit livestream (via YouTube, Facebook et Instagram) pour au moins qu’on se donne un peu de love dans ces quelques jours de caca», assurait-t-elle hier, comme prix de consolation.
- Artiste(s)
- Safia Nolin
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Chapelle Notre-Dame-De-Bon-Secours
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