crédit photo: Thomas Mazerolles
Messe des Morts

Rencontre avec Martin Marcotte | 10 ans de Messe des Morts : Des catacombes à une église, des profondeurs elle ressuscitera

Contre vents et marées, pestes et pandémies, le festival montréalais célèbre en 2022 sa dixième édition, plus fort que jamais. Des années après la première édition aux Katacombes (RIP), le festival se tient aujourd’hui dans une ancienne église, le magnifique Théâtre Paradoxe, qui porte bien son nom en accueillant chaque année un rassemblement d’adorateurs de la croix, mais dans l’autre sens…

En dix ans, des groupes venus de plus d’une quinzaine de pays, plus de 40 exclusivités présentées au Canada avec des artistes jamais vus auparavant, des spectateurs qui viennent de partout en Amérique du Nord, mais aussi des festivaliers du Mexique, d’Amérique du Sud et d’Europe: la Messe des Morts s’impose aujourd’hui comme une véritable forteresse du black métal sur le continent : rencontre avec l’homme derrière le plus gros évènement du genre de ce côté de l’Atlantique.

Genèse du Festival

Passionné de black metal, impliqué dans la scène locale, à l’époque chanteur de Frozen Shadows, Martin Marcotte fonde en 1999 le label Sepulchral Productions. Son objectif était de produire les groupes du Québec, organiser quelques concerts, mais aussi importer et faire des échanges de disques avec d’autres labels dans le monde.

Aujourd’hui les gens abusent et se moquent de l’expression « culte » dans le black metal, mais à l’époque c’était vraiment ça.

Pour trouver et entendre des groupes du genre, il fallait creuser dans les profondeurs de l’underground, et dans des milieux de passionnés très sélectifs qui pratiquaient aussi l’échange de cassettes par la poste, à des années lumières de Spotify.

« Vers 1993, quand le nouveau Immortal sortait, on était juste 3 ou 4 à le commander chez Rock En Stock à Montréal. » La distribution de groupes black metal s’améliore donc avec le label de Martin, et le la scène se développe, avec quelques concerts présentant les artistes d’ici. Pour Martin, l’essence du label était aussi de faire vivre cette scène.

Et l’idée d’un festival murit, mais c’est en 2011 que Martin a le déclic : « J’ai accompagné un de mes groupes, Monarque, jouer au festival Under The Black Sun en Allemagne. C’était la première fois que je voyais un festival 100% black metal. » La même année, il passe à l’action et la première Messe des Morts se tient sur deux jours aux Katacombes, faisant notamment venir pour la première fois les Danois d’Angantyr, les Français de Glorior Belli, les Américains de Inquisition et Absu en exclusivité.

« Le bassiste d’Absu était un bon client du label, il achetait beaucoup de disques de black metal québécois, ça s’est fait assez naturellement. » Les débuts d’un festival qui allait rapidement grandir.

Un succès rapide, une réputation qui dépasse les frontières

La première édition est un succès à guichets fermés, et la Messe des Morts continue sur sa lancée, investissant le Théâtre Plaza sur St-Hubert, avec une formule qui marche : présenter des exclusivités au Québec et/ou au Canada, avec des groupes américains ou européens jamais venus, parfois même jamais venus en Amérique du Nord, ainsi que le meilleur de la scène québécoise et canadienne. « Je pense que je dois être aujourd’hui à 40 ou 50 exclusivités qui ont été présentées au festival depuis les débuts. »

Tormentor à la Messe des morts 2018.

 

On peut notamment citer Absu, Tsujder, Taake, Samael, Mortiis, Seth, Lifelover, Tormentor, Cult of Fire, Mgla, Sargeist, Gaahls Wyrd ou encore Shining, et cette année la venue des légendes norvégiennes Carpathian Forest.

Il y a même une agence de voyage au Mexique qui propose aujourd’hui des forfaits Messe des Morts, billet inclus, pour venir à Montréal!

Si ce n’est pas un signe de reconnaissance internationale…

Mais on peut aussi remarquer la diversité chez nos voisins des États. « Au début c’était principalement des gens du Nord-Est, mais aujourd’hui j’ai des festivaliers de Californie, de l’Oregon, du Texas ou de la Floride, et de presque toutes les provinces du Canada, jusqu’en Colombie-Britannique. »

La force de la scène au Québec : un rayonnement international

« Je savais que le Québec était le seul endroit en Amérique du Nord où un festival du genre était possible », explique Martin par rapport à la force de la scène black metal locale, qui constitue une solide base de public pour le festival, ayant permis de soutenir et faire grandir l’évènement.

Au fil des années, il constate cette renommée, aussi à travers les groupes du Québec présentés régulièrement au festival comme Monarque, Cantique Lépreux ou Forteresse : « Quand je suis à l’étranger, les gens ne me parlent pas de la scène black metal canadienne, mais bien de la scène black metal québécoise. »

Et la Messe des Morts a certainement joué son rôle en devenant un évènement incontournable du genre pour les passionnés, et son rayonnement à travers des artistes mais aussi des festivaliers venant de plus en plus loin.

C’est quand même une certaine fierté cette reconnaissance: je me dit qu’on a fait notre petit quelque chose pour la culture québécoise à travers le monde.

* Monarque à la Messe des Morts 2016.

 

Des catacombes à l’église : la divination blasphématoire de la Messe des Morts

Après l’annulation du festival en 2016 à la suite de controverses, l’édition 2017 investit le plus bel endroit jamais rêvé pour un festival de musiques à l’effigie satanique : une ancienne église. On se demande si l’annulation de 2016 aurait d’un côté forcé cette transition : « Non, en réalité j’étais déjà en train de magasiner une autre salle, confie Martin, car ça faisait quelques années que toutes les soirées étaient à guichet fermés au Théâtre Plaza. »

C’est alors le Théâtre Paradoxe qui accepte de recevoir le festival. « J’ai parlé avec la directrice, on a discuté des controverses, de la médiatisation, je lui ai donné ma version des faits, et elle était OK pour donner une chance à l’évènement. » La Messe des Morts avait donc une chance de prouver que le public et les groupes du festival ne causaient de problèmes à personne, et que tout s’est toujours bien déroulé.

Il est un peu ironique de constater que l’ouverture d’esprit sera venue d’une ancienne église et d’un organisme communautaire et d’économie sociale pour accueillir cet évènement de black metal, et non des grandes salles de spectacle privatisées du centre-ville, dont un théâtre qui demandait notamment à Martin de changer le nom du festival pour pouvoir l’accueillir…

* Seth, à la Messe des Morts 2018.

Un festival 100% indépendant

Sans commanditaires, sans subventions, sans les gros producteurs et grands médias qui ont souvent une mainmise sur le milieu culturel au Québec, au Canada et même en Amérique du Nord, la Messe des Morts ramène aujourd’hui plusieurs centaines de personnes par soir ; des passionnés et des groupes de partout dans le monde, dans une salle splendide.

Attila (chanteur de Mayhem et Tormentor) est venu me voir après le festival et m’a dit que c’était une des plus belles salles où il avait joué de toute sa carrière.

La Messe des Morts est sans contredit un festival unique, organisé par des passionnés, pour des passionnés, et qui se démarque aujourd’hui et s’impose comme le plus gros évènement de black métal en Amérique du Nord, affirmant la force du genre au Québec.

 

Xème édition : Des profondeurs elle ressuscitera

Voici la programmation de la dixième édition qui se tiendra du 24 au 26 novembre 2022 au Théâtre Paradoxe :

Jeudi 24 novembre – Génèse :
• Regarde les Hommes Tomber (France, pour la première fois en Amérique du Nord)
Panzerfaust (Ontario, en exclusivité canadienne)
Grenadier (Terre-Neuve-et-Labrador, pour la première fois à Montréal)
November Grief (Québec, premier spectacle depuis 1996)
Orphique (Québec, premier spectacle à vie, lancement d’album)

Vendredi 25 novembre – Psaume I :
Primordial (Irlande, en exclusivité nord-américaine)
Sacramentum (Far Away From the Sun) (Suède, en exclusivité canadienne)
• Azarath (Pologne, pour la première fois en Amérique du Nord)
Sarkrista (Allemagne, pour la première fois en Amérique du Nord)
Ifernach (Québec)
Sorguinazia (Alberta)
EOS (Québec)

Samedi 26 novembre – Psaume II :
Carpathian Forest (Norvège, pour la première fois en Amérique du Nord)
• Harakiri for the Sky (Autriche, pour la première fois à Montréal)
Nordjevel (Norvège, pour la première fois en Amérique du Nord)
Hell Militia (France, pour la première fois au Canada)
Arctos (Alberta)
Unreqvited (Ontario, pour la première fois à Montréal)
• Catacombes (Quebec)

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