crédit photo: Emily Gan
Polymorphic microbe bodies

Polymorphic Microbe Bodies à Tangente | L’humain ramené au rang de microbe

Avec un titre de spectacle de danse comme Polymorphic Microbe Bodies, les deux artistes derrière cette performance inusitée font mentir l’adage selon lequel il ne convient pas de parler de corde dans la maison d’un pendu. C’est que le travail est commencé depuis deux ans et demi, et qu’il n’a jamais été question de l’abandonner, malgré le contexte actuel de pandémie qui les contraint à la webdiffusion dans un premier temps, avec la promesse de produire éventuellement le spectacle avec public à Tangente.

Erin Robinsong et Hanna Sybille Müller, deux artistes interdisciplinaires, avaient déjà travaillé ensemble pour revolutions en 2018, qui a été le point de départ de ce qui allait devenir Polymorphic Microbe Bodies. Dans les deux cas, elles ont su s’entourer d’experts pour documenter leur travail, comme ce biologiste dans revolutions qui avait parlé de l’humanité comme d’un agglomérat de « communautés microbiennes ».

Le thème était lancé pour leur prochain spectacle. « Nous avons eu la possibilité d’expérimenter le sujet grâce au SenseLab de l’Université Concordia et son groupe de chercheurs qui nous ont fait de bons commentaires et incitées à poursuivre. Ensuite, nous nous sommes rendues compte que nous avions besoin d’apports extérieurs pour y arriver », dit Erin Robinsong qui est aussi une poète radicale ayant publié deux recueils et en préparant un troisième. Originaire de Cortes, une île voisine de Vancouver, tout son parcours traite d’un « imaginaire écologique versus la danse ».

Pour sa part, Hanna Sybille Müller, chorégraphe et interprète, est née en Allemagne, près de Francfort. Elle a étudié la danse à la Rotterdam Dansacademie, mais elle est aussi diplômée en études des médias à l’Université des Arts de Berlin où elle a habité pendant 15 ans avant de venir s’établir à Montréal en 2015. Elle dit à propos d’elle-même qu’elle est une dramaturge en danse : « Je regarde ce qui se passe, et je pose des questions. Pour moi, c’est très important que la langue soit un outil complémentaire à la danse. Comme au théâtre, la chose la plus simple, un mot ou un mouvement dansé, peut être magique. Il ne faut pas que la langue soit écrasée par la danse ».

* Photo par Emily Gan.

La vibration des mots

Est-ce que les mots sont essentiels à la danse? « Pas toujours, mais ici, oui, répond Erin. Nous avons voulu explorer comment les mots affectent la danse, et en même temps le public. Ce spectacle, c’est comme un voyage dans le corps, comme un exercice pour métaboliser tout le corps. Les mots ont un son, et le corps est essentiel aux mots. C’est très important que le texte joue avec les mouvements dansés, et l’inverse est aussi vrai. Stimuler le corps avec des sons, que ce soit des mots ou de la musique, vient jouer directement avec les perceptions du public ».

 

Le spectateur est ramené au rang de microbe. Les humains, à l’origine, sont un amalgame de bactéries.

Hanna Sybille enchaîne : « Les humains, à l’origine, sont un amalgame de bactéries. Et les virus sont des entités vivantes, comme nous tous, mais à une autre échelle. La majorité des virus ne sont pas pathogènes, ils veulent seulement vivre. Toutes les recherches en accéléré qui ont été faites en laboratoire pour contrer la COVID peuvent mener à la découverte d’un vaccin contre le sida. »

Les deux conceptrices de Polymorphic Microbe Bodies ont su bien s’entourer pour que la réflexion et les remises en question des spectateurs soient inévitables. Elles parlent aussi de « chorégraphier le public », lui lançant des invitations à participer et devenir une partie constituante de l’œuvre conçue comme une « vidéo somatique ».

Les crédits du spectacle incluent un travail dramaturgique d’Adam Kinner, les conseils scientifiques du biologiste Merlin Sheldrake, la conception sonore d’Éric Forget, la musique originale de Michel F. Côté, aussi bien que la fabrication d’un chandelier en compost par Andrew Forster.

La distribution, dont fait partie Hanna Sybille, regroupe cinq interprètes prêts à tout pour se gagner l’adhérence du public. Emmanuel Jouthe, un grand danseur cumulant une vingtaine d’années de carrière, est du nombre. De même que Diego Gil, chorégraphe et musicien, détenteur d’un doctorat en philosophe qui en d’autres temps donne des conférences autour de sujets microbiens, en passant par l’ethnographie amazonienne et les pratiques brassicoles anciennes, tout autant qu’il est l’auteur d’un livre sur les champignons.

Erin, qui sera elle aussi sur scène en tant que musicienne, consciente que le sujet en rebutera plusieurs, résume en disant : « À tour de rôle, nous nous sommes provoquées avec des expériences sensorielles et linguistiques, et au travers d’essais et d’erreurs, de recherches et de jeux, cette pièce est apparue. Et je dis toujours que c’est le virus de la COVID qui a fait bouger la pièce et l’a amenée plus loin ».

Polymorphic Microbe Bodies est présenté en webdiffusion seulement, du 24 avril au 2 mai 2021. Sur le site de Tangente, on nous conseille ceci : « La meilleure façon de faire l’expérience de cette vidéo somatique est dans une position confortable, idéalement étendu·e, avec des haut-parleurs ou des écouteurs sans fil. Fermer les yeux peut accentuer l’écoute et les sensations. Il n’est pas nécessaire de regarder l’écran à tout moment; vous pouvez tout simplement écouter les yeux fermés, et bouger à votre propre rythme. »

Détails et billets par ici.

 

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Notre balado intitulé Danse en ligne, au cours duquel le directeur général de Tangente, Stéphane Labbé, et les chorégraphes Hanna Sybille Muller et Sarah Wendt se penchent sur les questions de la webdiffusion de la danse :


* Cet article a été produit en collaboration avec Tangente.

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