Wolf Parade

Northside Festival 2016 | Brooklyn dans tous ses éclats

Quelques jours à peine après le tohu-bohu du Governors Ball, un autre festival se déroulait à New York la semaine dernière : une entité plus petite, nichée dans une variété de lieux et puisant dans toute la splendeur de l’underground brooklynois, en plus de quelques têtes d’affiche dont Brian Wilson, Kacey Musgraves, Conor Oberst et Wolf Parade. Sors-tu.ca y était.

Fondé en 2009, le festival Northside a rapidement grandi, et présente désormais plusieurs centaines d’artistes dans une vingtaine de lieux du quartier new-yorkais, presque tous à distance de marche. Empruntant la stratégie d’expansion de SXSW, Northside est maintenant aussi doté de volets « Contenu » et « Innovation », si bien qu’on parle maintenant d’un festival déployé sur une semaine complète.


Jour 1 : Montréal dignement représenté

La portion musique, elle, débutait jeudi, avec une paire de têtes d’affiche rappelant les belles années du Montreal Sound : Land of Talk (avec des membres de Besnard Lakes) et Wolf Parade donnaient le coup d’envoi de la scène extérieure principale, au McCarren Park, dans le coin très branché de Williamsburg.

De retour en selle après quelques années d’absence – le dernier album, Cloak and Cipher, remonte à 2010 – Elizabeth Powell était accompagnée notamment de deux invités d’honneur : le guitariste Jace Lasek et la bassiste Olga Goreas, soit les deux leaders du groupe Besnard Lakes. En formule quintette, on sentait tout le sérieux que Powell investit dans ce retour, qui devrait aboutir sur un nouvel album en 2016.

Parlant de retour, Dan Boeckner et Spencer Krug ont récemment ressuscité Wolf Parade, et il ne se trouve pas un fan d’indie rock à la montréalaise pour s’en plaindre !  Solide prestation du groupe, qui a inséré quelques très bons nouveaux titres (tirés du EP paru il y a quelques semaines) entre les classiques tels que You Are a Runner and I Am My Father’s Son, Dear Sons and Daughters of Hungry Ghosts, Soldier’s Grin, Language City et bien sûr, I’ll Believe In Anything comme cerise sur le gâteau. Pour un groupe en pause prolongée, les musiciens n’ont montré aucun signe de rouille.

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Plus tard en soirée, il faisait bon naviguer d’un bar à l’autre, pour voir ce que Brooklyn a dans le ventre. Ce ne sont pas les lieux de spectacles qui manquent, et bien que le Brooklyn Bowl s’avérait impénétrable (même pour les médias) en raison de la présence de Questlove en DJ set et Diarrhea Planet en prestation, d’autres lieux proposaient du bon et du moins bon un peu partout. Le hasard (et quelques murmures favorables) nous ont porté vers le Music Hall of Williamsburg, où Steve Gunn & The Outliners – Gunn étant un ex-Violator aux côtés de Kurt Vile, et basé à Brooklyn – déployait son indie folk aux relents country, tout juste après une prestation complètement éclatée et tonitruante de Yonathan Gat.

Plus loin, au Muchmore’s – une petite salle sympathique, mais tellement mal aérée qu’on croyait pénétrer dans un sauna – un groupe nommé No Ice produisait un vacarme sans nom, fouettant même une guitare électrique avec une ceinture.

On trouve de tout au Northside Festival.

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Jour 2 : Ça groove dans Brooklyn

Une autre soirée superbement estivale sur Brooklyn, alors qu’au McCarren Park, un jeunot plutôt prometteur nommé Kwuku Collins faisait son gros possible devant une maigre foule en attendant l’arrivée du maître incontesté du scratch et du DJing, Grandmaster Flash. Là, soudainement, le tout-Brooklyn s’est transformé en piste de danse en deux temps trois mouvements. Ça groovait sur un moyen temps, et de tout âge :

Brooklyn, may I get authentic?

Un set de Grandmaster Flash, c’est non seulement une prestation de platines et des hits mur à mur, mais aussi une leçon d’histoire du hip-hop. « Qu’est-ce que le hip-hop? », s’acharne à demander de façon rhétorique le Grand Maître à plusieurs reprises. Et ça partait dans un sens, puis dans l’autre, de Prince aux Jackson Five, du Motown au funk, en passant par le rock et même du jazz. C’est varié mais cohérent. Il a du métier le Flash.

Grandmaster Flash sème la fête !

Grandmaster Flash sème la fête !

De l’autre côté de la rue, un bar nommé Gutter inspire le pire, mais finalement, c’est « Gutter » au sens de … dalot !  Le bar-spectacle propose en effet quelques allées de quilles, et une salle de dimension intime pour quelques groupes garage rock locaux pas nécessairement excellents, mais pour le moins énergique.

La soirée aurait dû se terminer au Baby’s All Right, à une vingtaine de minutes à pied du parc, mais la petite salle qui accueillait Diet Cig et Colleen Green affichait complet. Encore une fois, même pour les médias. Des artistes qui peinent ici à remplir une Sala Rossa refusent du monde à la porte dans ce festival de découvertes new-yorkaises. C’est dire à quel point le festival sait créer l’engouement.  Rabroués, certains fans se tournent vers d’autres lieux musicaux pour des prestations (très) tardives, d’autres se contentent de dumplings bon marché avant le dodo.

On trouve vraiment de tout au Northside Festival.

 

Jour 3 : Sabbath, Gainsbourg et Phair relus par des filles qui rockent

La populaire rue Bedford, qui fait la joie des résidents avides de bars branchés et de restos créatifs hors-Manhattan, prend des airs de parc à jeu en ce samedi après-midi. Bienvenue aux piétons, on installe même une scène au coin Bedford et 7th Street, et on tapisse l’asphalte de tourbe, pour inciter à flâner. Des artistes s’adonnent aux arts visuels en plein air, d’autres jouent aux poches (!), pendant que les doux effluves de la paresse émanent des terrasses. Ça sent la bouffe et l’été. Il n’y a pas à dire : Montréal n’est pas le nombril de la joie de vivre.

Sur la scène extérieure, un sympathique groupe nommé Pity Sex fait résonner son indie rock bien envoyé devant une foule de curieux.

Coin Bedford et 7th street.

Coin Bedford et 7th street.

Plus tard, au McCarren Park, le leader de Bright Eyes, Conor Oberst, et l’artiste pop-folk-country Kacey Musgraves attirent une grosse foule, mais la pièce de résistance se tient plutôt du côté du disquaire-café-salle de spectacles Rough Trade, où les gens derrière la série de livres 33 1/3 proposent un spectacle au concept fort intéressant : 3 artistes ayant des liens étroits avec l’underground brooklynois reprennent des albums classiques qui contrastent pourtant avec leur genre habituel.

Angel Deradoorian, dite simplement Deradoorian, est une ancienne membre pilier du groupe Dirty Projectors. Maintenant en projet solo (et relocalisée à L.A.), elle cultive un rock indé surprenant, raffiné. Et en ce samedi soir tout spécial, elle et son groupe reprenne… Master of Reality de Black Sabbath !  Relecture assez by-the-book, comme disent les Anglais, mais quand même : on savait Deradoorian capable d’une grande adaptabilité vocale, mais bien malin celui qui aurait imaginé qu’elle ferait une bonne Ozzy. (Et oui, elle fait une très bonne Ozzy).

Beaucoup de plaisir heavy métal, suivi d’un tout autre ton alors que Ava Luna réinterprète la théâtrale Histoire de Mélodie Nelson, de Serge Gainsbourg. On comprend rapidement que la chanteuse ne maîtrise pas tout à fait le français, mais l’esprit y est, et les arrangements sont assez ingénieux merci. Le groupe a d’ailleurs fait appel à un quatuor à cordes, mené par un chef enthousiaste, alors que l’une des membres du groupe interprète Mélodie de manière tout à fait tordue. Délicieux. Ce vieux Gainsbourg aurait probablement bien aimé.

Finalement, Frankie Cosmos, groupe mené de front par la timide Greta Kline (fille des acteurs Phoebe Cates et Kevin Kline) reprend en formule trio « les chansons les plus faciles à jouer » de l’excellent album indie rock féministe Exile in Guyville, de Liz Phair. Un peu tiède après la flamboyante relecture de Gainsbourg qui précédait, mais bon. Le coeur y était.

On retrouve VRAIMENT de tout au Northside Festival.

Et ça se poursuivait pour une dernière journée dimanche, avec Brian Wilson (qui reprenait l’album Pet Sounds des Beach Boys en intégral) ainsi qu’une multitude d’autres prestations dans divers lieux.

Belle découverte new-yorkaise que ce festival à la SXSW, qui permet non seulement de scruter ce que Brooklyn a de mieux à offrir en terme d’artistes, mais aussi la richesse de son réseau de bars, salles et clubs musicaux.

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