Festival de la chanson de Tadoussac 2025 – Jour 2 | Kayak et coups de soleil

Après une convaincante première soirée avant-hier, le Festival de la chanson de Tadoussac se poursuivait hier, le 13 juin 2025, avec un programme alléchant beaucoup plus chargé.

Matiu

Dans sa région d’origine (c’est grand la Côte-Nord!), le natif de Maliotenam s’en est donné à cœur joie, jouant devant un public déjà conquis d’avance. Avec ses trois musiciens, dont un excellent guitariste qui s’est gâté comme pas un même s’il n’était que 13h, Matiu s’est présenté sur le toit du Mixbus avec sa bonne humeur et son humour habituel, s’interrompant lui-même constamment pour saluer des membres du public, amis et famille inclus. Drôle et souriant, le chanteur innu aborde un paquet de sujets, allant du colonialisme au Paris Pâté, au milieu de mouvements de danse improvisés et à moitié incarnés. Musicalement, ça se donne aussi. Rien qui réinvente la roue, mais tout est honnête et vient du cœur. Difficile de chialer contre ça! Très bon spectacle, surtout sur la plage avec une aussi belle température, et une excellente mise en bouche pour le reste de la journée.

* Photo par Chloé Gagné

Less Toches

Là, on s’embarque (littéralement) dans un programme dont ma collègue Juliette de Atuvu et moi avions drastiquement sous-estimé l’intensité. Le festival nous avait gentiment offert une sortie en kayak pour aller assister à l’une de deux représentations du groupe de cumbia montréalais Less Toches. Les deux heures de préparation et les deux décharges à signer auraient dû nous mettre la puce à l’oreille, mais qu’à cela ne tienne. Manquer Foisy, Kinkead et Hauterive faisait de la peine, mais l’opportunité de s’aventurer sur le fjord avec les baleines semblait particulièrement prometteuse.

Et ce l’était, mais… ouf! Trois couches de wetsuits plus tard, les kayaks sont enfin à l’eau et le départ est donné. Il faut savoir que les courants près de la Pointe-de-l’Islet de Tadoussac sont déjà particulièrement forts à la base, mais avec le vent, la personne très en forme que je suis aura vécu une toute nouvelle expérience d’efforts physiques. Qu’à cela ne tienne : 45 minutes plus tard, la flotte arrive enfin dans la petite baie où se produira un groupe exceptionellement généreux.

Visiblement heureux d’avoir l’occasion de jouer devant un public attentif, les gars de Less Toches parlent beaucoup. De leurs régions natives, l’Argentine et le Mexique notamment, de leur vie à Montréal, de l’identité québécoise et de souveraineté, tout ça sur fond de hautes montagnes en plein golden hour avec des cris d’oiseaux et de petits pingouins. Avec un solide jeu de percussions et des séquences inventives à l’accordéon, le résultat final est charmant et aura certainement valu la dépense énergétique et l’énorme coup de soleil au visage.

Les Deuxluxes

Bon timing, nos kayaks retrouvent la terre ferme quelques secondes seulement après le coup d’envoi du spectacle des Deuxluxes sur la scène principale de festival, qui s’entendra donc très bien de la plage. Bonne musique pour laver des wetsuits en calant une Red Bull, si jamais vous vous demandiez. Le duo est visiblement heureux de lancer son été à Tadoussac, se montrant affable avec le public malgré l’heure de la journée et le placement sur la programmation. On les aurait pris plus tard, peut-être même à la place de oui merci la veille en mode after, suivant Québec Redneck Bluegrass Project. La foule présente sera tout de même impressionnée par les talents de flûtiste d’Anna Frances Mayer, alors qu’Etienne Barry restera tout sourire derrière sa batterie pour offrir une performance sympathique et efficace. à l’image de la musique du duo.

* Photo par Jay Kearney

Ariane Moffatt

Celle qui se révèlera peut-être au final être la réelle headliner du festival jouait devant une salle plus que comble. Même le balcon déborde, avec des bénévoles et des employés du festival qui se seront accordé une pause bienvenue pour aller célébrer aux côtés de la diva, qui s’est dernièrement réinventée stylistiquement et ça aura paru tout au long de son spectacle.

Ariane Moffatt a toujours eu une très belle sensibilité pop et n’a jamais craché sur des ambiances électroniques, Miami en est un bon exemple, mais depuis la parution de Aquanaute 2022, avec lequel elle aura dévoilé un bel intérêt à s’ouvrir aux nouvelles tendances en musique francophone, la musicienne trempe français dans l’electropop et c’est très bien! Les chansons s’enchaînent bien, mais la fin du spectacle vire au party, alors que la chanteuse « remixe » en quelque sorte ses propres morceaux, leur donnant un nouveau souffle très dansant, alors que le public au complet sera debout pour la majeure partie de l’heure et quelques de la prestation. Ajoutant sporadiquement même des samples de musique house des années 80 et 90, Ariane Moffatt se paye réellement un trip et le plaisir est contagieux.

* Photo par Chloé Gagné

zouz

Si vous ne le saviez pas, le rock est bel et bien toujours vivant, alors que les gars de zouz auront encore une fois prouvé qu’ils ont réellement le meilleur groupe du genre au Québec, point barre. Ça et que le hardcore peut encore rejoindre les jeunes, tout comme pour Turnstile sur le reste du globe actuellement.

Dès les premières notes, la guitare de David Marchand donne le ton au reste de la performance : les chansons jouées seront techniques et recherchées, mais avec un côté rassembleur prépondérant même si ça crie. La plus grande qualité du groupe, c’est qu’aucune chanson ne se ressemble, même si tout reste cohérent. Les élans hardcore flirtent avec le math-rock, le sludge avec la pop-punk, tout ça en gardant un mosh-pit bien vivant malgré l’heure relative jeune pour un concert du genre (21:30). Tous sur scène sont solides, Etienne Dupré faisant paraître les sections les plus complexes de basse de certaines chansons si faciles que tous pourraient les jouer, alors que plusieurs musiciens dans la salle confirmeront que c’est loin d’être le cas. Une véritable leçon de rock, comme en témoignera également la présence de Vincent Peake dans la salle, à quelques minutes seulement du début de son propre spectacle avec Grimskunk sur la scène extérieure.

* Photo par Jay Kearney

Les Flambettes 2

Les deux options suivant zouz étaient donc lesdits Grimskunk ou la seconde moitié du spectacle collectif Les Flambettes, deuxième mouture d’un projet lancé en 2023. La deuxième option était la meilleure pour se calmer un peu le pompon. Le concept de la soirée est simple : quatre artistes se rencontrent sur scène pour partager leurs univers artistiques et sociaux avant de se lancer dans une tournée québécoise. La première édition accueillait Belle Grand Fille, Dan-Georges Mckenzie, Mathieu Villeneuve et Velours Velours, l’actuelle Simon Boisseau, Lauriane Charbonneau, Héron et Sandrine Masse.

Cette dernière, artiste wendat à découvrir absolument, brille sur scène avec un jeu de violon fort adéquat et des chansons bien écrites, y infusant notamment quelques paroles dans sa langue traditionnelle, pourtant en dormance comme elle l’expliquera au public. Henri Kinkead, Héron, à son deuxième spectacle de la journée, offrira aussi une solide performance, vêtu d’une très belle jupe florale. Le spectacle parle de nos racines québécoises, d’identité de genre et sexuelle, de patrimoine et de la nécessité de garder nos langues minoritaires en santé dans un ensemble bien ficelé par la metteure en scène Brigitte Saint-Aubin et le directeur musical Francis D’Octobre, accessoirement batteur de la formation également. Belle façon de conclure la soirée dans une ambiance beaucoup plus intimiste.

Le Festival de la chanson de Tadoussac se poursuit pour deux jours encore. Au programme aujourd’hui : Jeanne Côté, Stéphanie Boulay, les Hay Babies, Klô Pelgag et Virginie B, entre autres.