crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin
De la beauté

De la beauté d’Alex Nevsky au Gesù | Douceur et résilience

Alex Nevsky présentait samedi soir son projet néo-classique intitulé De la beauté, au Gesù. L’artiste semble encore quelque peu rouillé sur scène, bien que les pièces présentées et la démarche créative derrière elles se tiennent.

Quelques minutes après 20h, les musiciens se placent sur scène dans la pénombre, sans un mot si ce n’est qu’un modeste salut lancé par Alex Nevsky au public d’un Gesù rempli à la moitié de sa capacité.

Nevsky, en mode pianiste, et ses quatre musiciennes entament sans tarder De la douceur, avant de présenter Aux aurores, toutes deux tirées du premier et pour l’instant unique album de De la beauté, Même l’impossible fleurit. Le quatuor accompagnateur est composé d’un alto, d’un violoncelle, d’une flûte traversière et d’un cor français.

Après les deux premières pièces, Nevsky prend enfin la parole au micro.

« Est-ce qu’il y a des gens qui ont pris un moment pour respirer aujourd’hui? », dit-il, avant de recevoir des oui timides de la part du public. « Ça scrappe un peu mon show alors », répond Nevsky sous quelques rires. L’artiste suggère tout de même à l’auditoire un exercice, qu’il répétera une poignée de fois : cinq secondes d’inspiration, pour sept secondes d’expiration.

Voilà l’essence du spectacle, et simplement de son projet d’une manière plus globale : prendre le temps, faire la paix avec soi, prendre un pas de recul et apprécier chaque cadeau de la vie, aussi petit soit-il. Impossible de ne pas lier ces humbles caractéristiques à la volonté d’Alex Nevsky de revenir tranquillement sur les planches après avoir reconnu des actes d’inconduite sexuelle, durant la vague de dénonciations #MoiAussi à l’été 2020. Est-ce que le fait de revenir sous un autre nom, avec une musique douce et souvent instrumentale complètement à l’opposé de ce qu’Alex Nevsky a pu proposer par avant légitime le fond du projet? On en revient à l’éternel débat : séparer l’homme de l’artiste. Éternel, vraiment.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

 

Son jardin comme refuge

Même l’impossible fleurit ne contient que neuf pièces distinctes, pour une durée totale de 24 minutes. L’artiste présente naturellement le disque en entier, mais également des pièces qui devraient se trouver sur d’autres parutions. Dont certaines chantées. Les mêmes thèmes peuvent être retrouvés : l’amour, le réconfort du quotidien. Alex Nevsky n’est pourtant pas toujours éclairé, il chante parfois dans le noir complet et ne prend pas une place prépondérante.

La scénographie entière est en soi discrète, mais plutôt efficace : seule une modeste composition florale trouve sa place entre les musiciens sur scène. Des vidéos filmées par Nevsky cet été sont également diffusées sur une toile blanche. On y voit des fleurs, des insectes, des paysages inertes. Le projet est parfaitement cohérent dans son ensemble, et les étapes de rédemption entreprises par le musicien, artistiques comme sociales, méritent de l’attention de la part de ceux qui ne se disent pas partisans absolus de la cancel culture.

Qu’en est-il des compositions? De la beauté s’inscrit dans le grand mouvement néo-classique québécois mené par des compositeurs comme Alexandra Stréliski et Jean-Michel Blais. Où se situe le problème, alors? Le carrefour semble déjà bouché.

Même l’impossible fleurit ressemble grandement à l’album aubades de Jean-Michel Blais, surtout de par la combinaison entre un piano et un petit orchestre, mais, d’un point de vue personnel, les compositions de Nevsky n’atteignent certainement pas le grandiose de celles de Blais. De la beauté ne présente pas de mauvaises pièces, mais d’une certaine manière, le concert semble parfois tourner en rond.

Pour contrer un peu le dernier propos, Alex Nevsky se permet la lecture de deux poèmes de l’Américaine Mary Oliver traduits, Un jour d’été puis Les oies sauvages, un bel ajout qui apporte une certaine variété.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

On ressent tout de même grandement que l’artiste a reconnecté avec un public depuis peu de temps : les interactions entre Nevsky et l’auditoire du Gesù n’aboutissent souvent pas à grand-chose, et on n’arrive pas à savoir si l’attitude trop décontractée, à la dangereuse limite de la gêne, du musicien est voulue ou plutôt causée par une trop longue retraite entreprise par Nevsky.

Difficile de croire que le pianiste timide qui s’adresse ce samedi au Gesù est le même homme assuré derrière les « pa-pa-pa-pa » du refrain de On leur a fait croire.

Nevsky clôture justement sa performance sur son vieux succès Les coloriés, lui qui avait affirmé dans les pages de La Presse il y a presque exactement un an qu’il « se sentirait incapable à court terme de [la] chanter en spectacle ». Les volontés évoluent.

Le public, nostalgique du grand Nevsky pop de l’époque, chante en chœur le morceau avec l’artiste.

Un concert correct, sans être mémorable pour autant, dont le processus artistique mérite toutefois le détour.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

 

Grille de chansons

  1. De la douceur
  2. Aux aurores
  3. Arvo
  4. Bal
  5. Aronde
  6. La saison des amours
  7. De la beauté
  8. Si tu restes
  9. 4e avenue
  10. Mamie
  11. Murakamie
  12. La lumière qui brûle et qui brille
  13. J’aurai des mains
  14. On dérobera
  15. Pour la suite
  16. La espera
  17. Céleste
  18. Même l’impossible fleurit
  19. L’influence de la lune
  20. Poem
  21. Tout est à retenter
  22. Les coloriés

 

Photos en vrac

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

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