Cannibales

Critique théâtre: Cannibales à l’Espace go

Pour pleinement apprécier sept Français qui, pendant 1h40, déblatèrent sur les enjeux politiques et sociaux de la France, leur vision du monde moderne et leur désillusion face au capitalisme de notre société, il faut soit être un Français engagé, soit être bien préparé mentalement et avoir son guide du langage des cousins à la main. C’est un avertissement qui aurait dû être donné par la troupe de la Compagnie Rictus avant la représentation de la pièce Cannibales, présentée à l’Espace go jusqu’au 7 avril 2012.

Le texte de Ronan Chéneau est souvent brillant. Les images qui se créent devant nous sont maintes fois poétiques et vibrantes. Les acteurs, cohérents et vrais. On rigole même, d’un humour intelligent comme on retrouve trop peu souvent. Mais…

Parce qu’il y a un mais. Cannibales est présenté comme une multitude de tableaux qui se croisent et se superposent, comme des dizaines de petites scènes qui, séparément, sont souvent délicieuses, mais mises ensemble, forment une espèce de longue pièce un peu interminable et répétitive.

L’histoire : un couple décide de commettre l’irréparable en s’immolant avec un bidon d’essence, en plein cœur de leur loft parisien. Puis, on revit leur vie, leur rencontre, leur discussion, dans une espèce de cabaret rétrospectif où cinq autres personnes viennent s’y mêler, sans qu’on ne comprenne jamais vraiment s’il y a un lien entre eux ou non.

 

Quand amour, questionnement social et acrobaties se mêlent

S’entrecoupe, dans cette histoire d’amour passionnel, des questionnements de vie, des récapitulatifs politico-social des 30 dernières années, des poèmes, des acrobaties, des projections vidéos, des discours sur la désillusion, un brin moralisateur, des corps à moitié nus qui se frôlent et se touchent, des rires, des cris, de la musique, et Spiderman. Oui, Spiderman.

On s’y perd, et à force de se faire répéter le même discours pendant près de deux heures, on se tanne. Surtout que, par certain moment, ce discours est tellement rattaché à la société française qu’on nous perd complètement, avec des termes de formulaires administratifs et expressions sociales jamais utilisés au Québec.

Ceci étant dit, comme mentionné plus haut, plusieurs « numéros » de la pièce méritent de forts applaudissements. On pense à cette déclaration d’amour faite par la comédienne Clarisse Texier, ou à ce monologue probablement titré « On se bouffe à Canne », interprété et lu avec une énergie et une montée stupéfiante par Yohann Allex. Ou encore, cette magnifique scène lorsque le couple est sous les draps et où Éric Fouchet tient une caméra à vision nocturne, nous dévoilant sensuellement et avec tendresse le corps de Séverine Ragaigne.

Bref, une pièce qui vaut la peine d’être vue pour certaines scènes, mais où l’ensemble devient lourd si on n’a jamais eu envie de scander des slogans et surtout, que l’on ne se soit jamais vraiment intéressé aux enjeux sociaux de la France… ou qu’on n’a simplement pas envie de se les faire répéter durant toute une soirée.

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