Bon Iver

Critique album: Bon Iver – Bon Iver

Bon Iver - Bon Iver Bon Iver Bon Iver

Décidément, Justin Vernon n’a pas fini d’être adulé. Près de 4 ans après avoir épaté la galerie avec le premier album de son projet Bon Iver, For Emma, Forever Ago, Vernon et ses collaborateurs lancent un digne successeur à celui-ci, simplement intitulé Bon Iver.

Lorsque Bon Iver avait lancé For Emma, Forever Ago, un mythe était né : critiques et mélomanes aux sensibilités folk et indie s’étaient ralliés pour encenser cet album « conçu dans une cabane perdue dans le nord du Wisconsin ». C’est à se demander si l’idée romantique de fuir la civilisation dans les bois n’a pas pris plus de valeur que le contenu du disque lui-même…

En s’y arrêtant, on comprend toutefois que la fin justifie les moyens. Avec Bon Iver (l’album), Justin Vernon confirme qu’il est à la recherche d’un moyen d’évasion de soi-même et des autres, et que l’éloignement volontaire – Bon Iver a été enregistré, cette fois, dans une clinique vétérinaire et sa piscine avoisinante, reconverties par Vernon lui-même, toujours dans le Wisconsin – joue un grand rôle dans cette quête Quichottesque.

Qui plus est, ce 3e item à la discographie de Bon Iver comporte 10 pistes presque toutes nommées en l’honneur de lieux existants ou inventés, comme une carte géographique des états d’âme d’un artiste qui – attention au pléonasme – se cherche.

Certes, les textes empruntent quelques détours qui les rendent difficiles à déchiffrer, laissant un peu libre cours aux multiples interprétations. Il n’en demeure pas moins que le champ lexical tourne autour de l’idée de la fuite, de la libération, de liberté en quelque sorte.

 

La voix de Vernon d’abord, les fins arrangements ensuite

De toute façon, ce qui charme de prime abord, c’est ce timbre vocal si singulier : voix de tête vaguement soul qui navigue sur diverses octaves, avec encore plus de maîtrise que sur les précédentes parutions. En partie en raison de sa prononciation un peu molle, le chant de Vernon est porteur de mélodies empoignantes sans trop verser dans la mélancolie.

C’est toutefois à partir de la deuxième écoute que l’évolution de Bon Iver se manifeste : dans les subtils arrangements qui rehaussent l’album et soutiennent l’attention à travers ce voyage au rythme généralement modéré. La cadence renversée de Holocene, le lapsteel de Towers, les accents de guitare électrique et les élans presque heavy metal (vers la finale) de Perth, les synthés et les saxophones qui tapissent subtilement la vaste majorité de l’album : ces détails conspirent tous à enrichir l’ensemble avec beaucoup de finesse, sans qu’on s’en aperçoive trop. À ce chapitre, le mérite revient aux musiciens Michael Noyce, Sean Carey et Matthew McCaughan, mais également au travail méticuleux effectué au mixage.

Certains voudront sans doute s’en tenir aux 9 premiers titres, la 10e, Beth / Rest, proposant une esthétique de type « ballade soft rock » des années 1980 sans le moindre signe d’ironie ou de parodie. Le plus sérieusement du monde, Vernon et sa bande livrent cette étrange pièce de clôture de plus de 5 minutes avec l’abandon d’un Richard Marx.

Que l’on apprécie ou non cette finale « fromagée », Beth / Rest n’est pas suffisamment offensante pour amoindrir le charme de cette courte (tout juste 40 minutes) et délicate œuvre à fleur de peau.

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