Critique théâtre | Le NoShow à l’Espace Libre
Une coproduction du Collectif Nous sommes ici et du Théâtre DuBunker, Le NoShow est un spectacle vibrant, dont il est impossible de ressortir indemne. Cette intelligente et cynique mise en scène d’Alexandre Fecteau est présentée à l’Espace Libre, jusqu’au 13 septembre.
Un résumé ne saurait rendre justice au NoShow : les variables sont multiples et de nombreux rebondissements surviennent.
C’est une œuvre hors-normes, qui joue énormément avec la barrière entre la réalité et la fiction, et qui suscite autant de rires que de moments de grand malaise.
Le ton donné par les anecdotes intimes, parallèlement à la perception des acteurs par [le reste des] contribuables est que le personnel est le politique.
L’assistance est appelée à intervenir fréquemment au cours du spectacle, et ce, dès le départ, c’est-à-dire par le prix qui est choisi pour assister à la représentation.
Les choix fait par le public ont des conséquences directes sur la conduite du spectacle, ce qu’on lui fait sentir et qu’on lui explique avec force détails et anecdotes.
Le NoShow est une expérience culturelle, de même qu’un défi citoyen: on force littéralement le public à réfléchir… et à faire part de son cheminement et de ses conclusions.
Contrairement à la tendance culturelle de masse, qui nous offre tout ce que l’on pourrait vouloir à portée de clic, ce spectacle ne nous laisse pas l’option de la paresse.
Grâce à cette démarche inclusive, on comprend mieux l’impact de nos choix en tant que consommateurs sur l’industrie du spectacle.
On apprend les conditions précaires et absurdes dans lesquelles vivent les acteurs de théâtre.
On décortique les préjugés sur les dits « b.s. de luxe ».
On s’étonne des compromis et des vexations que doivent faire et subir les comédiens afin de survivre.
Pourquoi être acteur ? Pourquoi jouer ? Pour combien ?
À travers les clins d’œil à la téléréalité, les références aux vedettes au parcours un peu douteux, le découragement devant les subventions publiques faibles ou inexistantes, les pratiques douteuses de personnages influents, le décalage entre la télévision et le théâtre et la passion pour l’art, les acteurs du NoShow nous font bien comprendre que la vie d’acteur de théâtre, malgré l’amour qu’il peuvent éprouver pour elle, est parsemée d’embuches.
Ils se questionnent, par conséquent, sur la nécessité de leur art. Cette question n’obtient pas de réponse finie ; c’est au public autant qu’aux artistes de se la poser et de tenter d’y répondre.
Pied de nez à une société théâtrale et québécoise où l’argent est tabou, dans ce spectacle, les cachets touchés par les artistes sont dévoilés, les effets des coupures budgétaires sont démontrés, une grève est déclarée et la réalité n’est plus joliment masquée.
Les cartes sont sur la table, des questions sont posées, et la balle est dans le camp du public.
Que pense-t-il du théâtre et de ses artisans ? Que choisira-t-il d’en faire ?
Le NoShow est une expérience inconfortable, drôle, touchante et réflexive, où chaque acteur offre une performance remarquable de sincérité et attire inévitablement la sympathie autant que l’embarras du spectateur.
Cette oeuvre devrait figurer à l’agenda de chaque citoyen québécois, afin de propager la compréhension réelle de la dynamique de l’industrie théâtrale de notre province, et afin de nous pencher collectivement sur notre gestion boiteuse de cette précieuse ressource culturelle.
* Crédit photo : David Ospina
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