crédit photo: Morgane Dambacher
Gala GAMIQ

Le GAMIQ 2023 | « Moi, j’aime pas ça la musique québécoise »

Comme des entremets à déguster, un décathlon de prestations musicales est venu agrémenter le GAMIQ 2023 de courts intermèdes éclectiques des scènes indépendantes. « Éclectique », c’est le mot-clé. Combien de fois a-t-on entendu « Moi, j’aime pas ça la musique québécoise », comme si celle-ci était homogène et qu’elle devait être aimée, ou détestée, en bloc.

Cette phrase assassine manque certainement de sophistication. Si vous avez déjà prononcé ces mots, on vous lance un défi. Agrémenter le dictionnaire de votre propre définition de la « musique québécoise » après avoir écouté quelques-uns des lauréats d’un Lucien de la 18e édition du GAMIQ. La musique québécoise a plusieurs couleurs et textures, elle est riche et variée, à l’image de notre société. Difficile de ne rien trouver à son goût.

Comme on l’écrivait hier, le réel intérêt du GAMIQ 2023 pour quiconque n’est pas en nomination est d’avoir l’occasion d’assister aux performances d’une sélection éclectique soigneusement choisie d’artistes locaux. Un menu-dégustation en quelque sorte. Retour donc sur les performances de la soirée.

Des frissons sataniques, aux douceurs de l’âme

Si nous avions été au cinéma, on aurait tout de suite déduit que la soirée allait terminer dans un carnage sanguinaire. Pendant que le groupe maison Margaret Tracteur lançait tout bonnement des gazous dans la salle, treize démons en soutane se sont installés derrière et attendaient patiemment leurs tours. Ce n’était pas la scène d’ouverture d’un film d’horreur de série B, mais bien le GAMIQ qui nous présentait Growlers Choir, un chœur de chanteurs de métal.

En nomination pour l’Album/EP expérimental, Growlers Choir mélange différentes techniques de chant guttural à de la musique métal, électronique et expérimentale. Aux cris caverneux se mêlent de stridents cris de porc et même (a-t-on bien entendu) du beatboxing. D’abord ébahie, les frissons m’ont vite envahi. Juste pour cette performance, la soirée en valait la peine. C’est la performance musicale la plus sidérante qu’il m’ait été de voir.

Pour faire contrepoids à une première performance démoniaque, la douce voix de l’artiste soul Naïma Frank suivait après la remise de quelques récompenses. On dit du soul que c’est la musique de l’âme et, pour connecter avec cette âme, il faut pouvoir s’en imprégner sans retenue. Fort malheureusement, on y reviendra, le silence ne régnait pas du tout dans la salle et on a eu peine à apprécier à sa juste valeur la performance de celle qui a gagné l’Album/EP soul/R&B pour son album Petite fille deviendra grande. On devra se reprendre.

Un peu plus tard dans la soirée, c’est à coup de décibels et d’entrain que l’artiste innu Shauit a su habiter la salle avec ka utapanashkutshet, une reprise de feu Cyrille Fontaine. Tiré de l’album Natukun, récompensé de l’Album/EP trad, ce titre est un bel exemple d’un mariage harmonieux entre musique traditionnelle innue et québécoise. D’ailleurs, Yves Lambert figure parmi les collaborateurs de l’album.

Le folk porté par des auteures-compositrices-interprètes

Ce fût plus difficile pour l’auteure-compositrice-interprète folk Belle grand fille, qui a osé arrivée seule sur scène avec sa guitare dans un gala réputé pour être bruyant. D’où on était, malheureusement, on n’entendait pas assez bien pour se faire un quelconque avis sur sa performance. Maintes fois en nomination au GAMIQ et Gala de l’ADISQ, nul doute que la performance devait être excellente.

Le ALICE band a eu plus de veine, le nombre de musiciens et musiciennes étant un facteur important pour générer les décibels nécessaires à capter l’attention. Connue comme accordéoniste de la troupe folk Canailles, c’est derrière son piano Wurlitzer que l’auteure-compositrice-interprète Alice Tougas s’est présentée avec sa bande pour nous offrir une très belle et convaincante performance. Le Wurlitzer confère à la musique de de ALICE un son blues des années 70, nous rappelant même parfois les lignes de piano hypnotisantes des The Doors.

Du rock, du rock, du rock … pis du rap !

Ce sont ensuite les gagnants du vidéoclip ($5000 et moins), DVTR, qui sont entrés sur scène nous faire une courte performance. Ceux qui n’ont même pas encore lancé officiellement leur EP font déjà des ravages irréparables partout où ils passent. Prenant d’abord la pose comme pour une photo officielle de bal de finissants, les deux se sont rapidement dévergondés pour nous offrir une autre de leur prestation charismatique et démentielle.

Cure-Pipe, en nomination pour révélation 2023 et album indie-rock, nous a également fait part d’un échantillon de ce qu’ils peuvent nous offrir sur scène.  L’auteur-compositeur-interprète Jonquiérois Thomas Dakin Perron a monté un projet de rock psychélique de sept musiciens, en maîtrise de leurs moyens. Ils ont offerts une intéressante et énergique prestation.

C’était ensuite au gagnant ex aquo de la révélation 2023 de venir nous montrer de quel bois il se chauffe. Population II y est allé d’une solide performance rock psychédélique, un genre définitivement en santé parmi la relève musicale. On a eu un malin plaisir à regarder le jeu de pied extrêmement précis du guitariste Tristan Lacombe avec ses pédales.

Celle que votre rédactrice se plait à appeler la perle noire locale, Laura Krieg, a offert tout juste avant le dessert de la soirée, une de ses compositions efficaces et dénuées d’artifices, qu’elle qualifie de « pop-synth-punk-brutaliste”. Laura surf sur le darkwave et on aime surfer avec elle.

Finalement, Calamine est apparue fièrement représenter à elle-seule la scène rap/hip hop québécoise. Repartie hier avec le Lucien de l’album/EP rap/hip hop, elle a roulé sa bosse en masse la rappeuse féministe et anticapitaliste d’Hochelag’ dans la dernière année. C’est donc bien confiante de son talent qu’elle est venue clore cette soirée de performances toutes les plus intéressantes les unes que les autres, chacune à leur manière.

L’ironique coup de gueule

Avec raison, lorsque le grand manitou du GAMIQ, Patrice Caron, est monté sur scène présenter les finalistes de la catégorie Médias indépendants de l’année, il s’en est pris aux géants numériques de ce monde et à un peu tout le monde qui ne supporte pas les scènes indépendantes.

Or, j’ai rarement vu un public aussi peu respectueux de ce qui se passe sur scène. C’est vrai que le GAMIQ est l’occasion de revoir des connaissances et de rattraper le temps perdu par de la jasette. Ça a laissé tout de même un goût amer.

Comment appeler au respect de la scène indépendante, alors que celle-ci se manque ainsi de respect?

Quoiqu’il en soit, vu la réputation bruyante, et semble-t-il incontournable, de ce gala, on a cette suggestion pour l’année prochaine.  Programmez en début de soirée les prestations les plus bruyantes et abrasives et gardez celles plus douces et délicates pour la fin de soirée, alors que les bavards et fêtards ont déjà quitté. Le public de fin de soirée était beaucoup plus attentif. À suivre.

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