crédit photo: Pierre Langlois
Klô Pelgag

Le Festival Triste | Le Spectacle triste (et mémorable) de Klô Pelgag

Le Festival Triste s’est donné comme mission de normaliser les œuvres artistiques tristes. Pourtant, d’ordinaire, on repousse la tristesse, on fait tout pour s’en enfuir. Elle est encombrante et dérangeante, rarement accueillie et glorifiée. On la dissimule souvent derrière un sourire. La tristesse est-elle si laide?

Et si l’art, en l’exprimant avec beauté, nous permettait de normaliser ou même d’apprécier la tristesse? C’est le pari que fait depuis deux ans Le Festival Triste: faire de la tristesse et de la mélancolie les vedettes de quelques soirées de performances musicales, de projections, de danse et de poésie.

Hier, c’est donc en véritable missionnaire que la singulière autrice-compositrice-interprète Klô Pelgag a remporté ce pari en nous donnant l’envie par sa pittoresque poésie de prendre la tristesse pour épouse sous le son du carillon à cinq cloches de l’Église Saint-Denis.

Une brillante interprète capable d’excentricité et de simplicité

La dernière fois que j’ai vu Klô Pelgag fouler les planches, elle entrait sur scène par l’orifice d’un vagin géant. Elle présentait, accompagnée de dix musiciens et musiciennes tout aussi colorés, une version impressionniste et éclatée du spectacle de son troisième album, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, paru en 2020.

La fois d’avant c’était plutôt au petit écran, pandémie oblige, pour nous présenter en grande première ce même album nommé d’après une municipalité du Bas-Saint-Laurent. Vivre – Le spectacle spectral est une expérience télévisuelle fortement imprégnée de l’univers dadaïsme qu’elle affectionne et dans laquelle elle a réalisé plusieurs fantasmes de scène, notamment celui de sauter à pieds joints dans un gros gâteau.

Et la fois d’avant-avant? Elle entrait sur scène faire deux ou trois chansons dans le cadre d’un spectacle-bénéfice, une boîte de carton sur la tête!

Preuve qu’elle est probablement l’interprète ayant la palette artistique la plus complète de sa génération, Le Spectacle triste qu’elle a présenté à l’Église Saint-Denis est aux antipodes de la sophistication et de l’excentricité dont elle seule est capable.

La Gaspésienne d’origine nous a même avertis: « Ça va être le spectacle le moins rodé de votre vie, j’ai même pas de setlist ».

Soit.

La tristesse ne doit pas être formatée, elle doit être libre et spontanée. C’est donc seule au piano qu’elle est venue présenter des versions épurées de ses chansons et de quelques reprises, tout en égayant le tout d’anecdotes touchantes et souvent comiques.

Vulnérable et grandiose Klô

Le spectacle est à guichet fermé, la nef de l’Église Saint-Denis est comble. L’endroit invite à la confidence, au recueillement. Une bande sonore joue une longue introduction au piano. Klô Pelgag entre sur scène sans flafla et se dirige vers son piano.Elle est munie d’un casque d’écoute de DJ, un accessoire qui, dit-elle, la protège de la peur de jouer seule sur scène. Elle superpose son jeu de piano à la bande sonore pour interpréter Au bonheur d’Édelweiss, de l’album L’étoile thoracique. Une version épurée de la saveur orchestrale que lui confèrent normalement les cordes, mais tout de même très proche de la version originale.

Dès lors qu’elle entame Mélamine, un titre qui sur l’album Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est dynamique et enrichi de musique électronique, on est à même de constater que cette soirée sera mémorable. Klô osera tout au long de la soirée des versions épurées de ses titres les plus riches musicalement. La version piano solo de Mélamine la dépouille de ses multicouches et met les textes à nu. Derrière ce titre, qui normalement se danse, se cachent des paroles sombres, mais d’une très grande richesse.

C’est d’ailleurs le constat de la soirée : Klô est une excellente parolière.

Klô Pelgag nous a habitués à jouer le rôle de la maîtresse d’œuvre des images que projettent ses chansons par des scénographies riches et éclatées. D’ordinaire, elle nous partage son imagination et laisse peu de place à la nôtre. Hier, les rôles se sont inversés. Seule au piano, sans artifices, les textes se sont révélés et ont pris de la hauteur. Il en revenait qu’à nous de créer les paysages qu’évoquent sa poésie hautement créative, dans la monumentalité de l’église.

Une soirée gravée dans le granite de l’Église Saint-Denis

C’est d’ailleurs l’immense cadeau que le Festival Triste nous a offert : nous permettre d’apprécier pleinement la finesse de la voix et la richesse des textes de Klô Pelgag.

Un coup de cœur bien spécial pour les interprétations de Mélamine, Umami, J’aurai les cheveux longs et La Fonte, cinq titres de son excellent dernier album mis à nu par la formule piano solo et profondément touchant. On a ainsi pu les apprécier différemment, en découvrant leur essence.

C’est cependant deux reprises qui ont suscité les plus chauds applaudissements.

La première était la reprise de Voyage Voyage de Desireless, que Klô Pelgag a magnifiquement interprétée. L’acoustique de l’église et la tonalité de la voix de Klô ont conféré une dimension surprenante et solennelle à ce grand succès de la musique pop française.

La deuxième reprise chaudement appréciée, car chargée en émotion, était Trente en hommage à Karim Ouellet. C’était en quelque sorte la délicate réponse de Klô à un hommage de l’ADISQ qu’elle a trouvé beaucoup trop timide.

Au final, chaque titre joué a été un petit trésor à chérir.

Il y a les concerts mémorables, et ceux qu’on oublie aussi rapidement qu’un feu de paille. Cette soirée de tristesse et de bienveillance, magnifiquement réussie, restera longtemps gravée dans le granite de l’Église Saint-Denis et dans l’esprit des 300 personnes présentes.

Merveilleuses douceurs chantées

1. Au bonheur d’Édelweiss
2. Mélamine
3. Les animaux
4. Je suis loin déjà
5. Sentier de neige (reprise des Classels)
6. Titre inédit (qui ne sera pas sur le prochain album)
7. Umami
8. ?
9. Voyage Voyage (reprise de Desireless)
10. J’aurai les cheveux longs
11. La fonte.
12. Trente (en hommage à Karim Ouellet)
13. J’arrive en retard

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