crédit photo: Normand Trudel
Jorane

Jorane présente Hemenetset Duo | Mandala musical

Ceux qui attendaient Jorane hier soir, le 22 mars 2025, au Théâtre Petit Champlain de Québec étaient des fidèles de la première heure, venus retrouver une voix qui les accompagne depuis longtemps.

Dès les premières notes, un voyage s’amorce. Une musique qui s’étire, s’aventure, flâne et se pose. Ces longues formes aux allures de paysages sont traversées de climats multiples, comme autant d’états d’âme. Le violoncelle devient un prolongement d’elle-même, un double animé par la musique. Chaque geste est gracieux, chaque mouvement s’inscrit dans la ligne mélodique.

Un fil invisible relie chaque pièce, chaque mouvement, chaque souffle. Jorane tisse un mandala musical où l’émotion circule en spirale, se concentre, puis s’évapore à la fin de chaque œuvre, laissant dans l’air une trace presque palpable.

La voix, tantôt pure et douce, tantôt rude et altérée par des effets, explore une vaste tessiture. Elle puise dans un petit bassin de phonèmes les matières sonores nécessaires pour déployer des textures et des nuances. Les mots sont rares, mais lorsqu’ils surgissent, ils tombent avec le poids d’une révélation.

Avec Martin Lizotte au piano, elle revisite Hemenetset, œuvre d’abord pensée pour dix musiciens, aujourd’hui ramenée à l’essentiel. Ce duo intime offre un moment propice à l’intériorité. Légèreté dans l’interprétation, profondeur dans les intentions.

Le pianiste, complice attentif, accompagne avec une discrétion admirable. Il joue avec des élastiques posés sur les cordes de son piano à queue, générant des textures inusitées. Il répond à Jorane avec délicatesse, s’effaçant juste assez pour soutenir, sans jamais détourner.

Pianiste, claviériste et compositeur, Martin Lizotte a accompagné de nombreux artistes au cours des vingt dernières années, avant de revenir à son premier amour : la composition. Depuis 2014, il a signé plusieurs albums salués par la critique, récompensés par des prix et des nominations. Son plus récent opus, Sfumato, paru en février, déploie une palette musicale élargie où se croisent musique classique, jazz et ambiances cinématographiques. L’ensemble, tissé avec une grande finesse et porté par une maîtrise instrumentale remarquable, offre une expérience d’écoute enveloppante, presque méditative — une échappée sonore vers des paysages intérieurs apaisants.

Cela fait déjà vingt-cinq ans que Jorane a ouvert cette voie, entre chant et violoncelle, entre onomatopées et émotions pures. Certes, les textures vocales se ressemblent, mais cette continuité fait partie de son langage. Tout est lisse, glissé, comme un long trait d’archet sur le silence.

Avec ce spectacle, elle fait un retour sur scène, sa première tournée depuis dix-huit ans. Ces dernières années, elle a composé pour divers médiums artistiques, notamment pour la scène. Elle partage ici l’une de ces œuvres, issue d’une collaboration autour de Le roman de Monsieur Molière. Ce moment particulier évoque le passage où l’on prend conscience d’avoir cessé de grandir. Jorane semble en être là : non dans un arrêt, mais dans une floraison.

Plus tard, dans Quand les champs brûlent, une reprise du groupe Nirvana, la voix effleure la mélodie comme un archet glisse sur la corde. La ligne vocale, douce, caressante, s’élance et retombe sans jamais rompre le fil.

Une pièce tirée de l’album 16mm s’invite au passage. Elle rappelle les débuts, les premières explorations, l’origine du chemin.

Puis, un moment suspendu survient avec la version française de Suzanne de Leonard Cohen. L’instant brille d’un dépouillement presque sacré.

Ce spectacle est un voyage. Pas une série de chansons, mais un enchaînement de tableaux sonores. Il cherche à réveiller une liberté intérieure. Et c’est là, dans cette intention douce, que réside toute sa force.

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