Harmonium symphonique - La création originale

Harmonium symphonique à la salle Wilfrid-Pelletier | Quand la musique se suffit

Dire que ce spectacle était attendu serait un euphémisme. À voir l’impressionnante file à 15 minutes du début officiel de la soirée, on ne pouvait qu’en conclure que « La création originale », l’un des volets de la trilogie Histoires sans paroles – Harmonium symphonique, d’abord distribué en format disque, avait déjà fait un bout de chemin dans le cœur du public. Serge Fiori y en est sans doute pour beaucoup. On ne peut nier la magie de ses compositions et la douce nostalgie qui émane de son œuvre. Et c’est bien en ce sens que l’adaptation scénique s’est faite : sublimer la musique et laisser la place à une formidable orchestration. En revanche, impossible de ne pas s’interroger sur la mise en scène et même… sur le choix de la salle.

Un autre titre pour cette critique aurait pu être « Tout pour la musique ». Du charisme de la cheffe d’orchestre Dina Gilbert à la présence discrète et puissante du chœur en passant par la nonchalance du guitariste Sylvain Quesnel et, bien sûr, par l’impeccable Orchestre symphonique de Montréal, tout était réuni pour que chaque note atteigne son paroxysme. Que de beaux moments entre recueillement et communion sont nés de ces collaborations!

Quelques (re)découvertes ont certainement ponctué la soirée de bien des personnes présentes dans la salle, mais ce sont indéniablement les grands classiques qui ont rallié toutes ces dernières, provoquant des exclamations, des applaudissements marqués et des soupirs de gratitude. On note Un musicien parmi tant d’autres ou encore Comme un fou, pour ne citer qu’eux.

La palette d’émotions vécue par le public est très large. Aux moments de grâce pure se succèdent des instants d’introspection plus sentis. On écoute, on se laisse porter par la proposition qui, bien que belle, est livrée à un rythme soutenu. À peine a-t-on le temps de recevoir l’aura d’un numéro que le second arrive! Est-ce que l’on perd une qualité d’écoute ou du moins une attention? Probablement. Si la scène donne un côté majestueux au spectacle, certaines transitions auraient mérité d’être plus tranquilles, question d’avoir la chance de s’imprégner de l’atmosphère, d’interpréter ou de reconnaître le morceau… Comme on pourrait le faire avec un disque, chez soi.

L’autre écueil qui ne peut malheureusement pas être passé sous silence, c’est la mise en scène. Relecture de « Alice au pays des merveilles », essai fantaisiste ou transcription en images de l’univers Harmonium, une chose est sûre : l’histoire qu’elle nous présente n’apporte rien, ou presque. Certes, elle offre un décor, habille une scène qui aurait peut-être été un peu froide autrement. Mais les éléments scénographiques sont disparates, les projections sont naïves sans être charmantes et les personnages vont et viennent au gré de quelques embûches techniques, indépendantes de leur volonté, c’est évident. Conséquence? Une distraction non souhaitée et non souhaitable. À force de vouloir absolument chercher un fil conducteur dans ce récit diffus, on se surprend à décrocher de ce qui compose l’essence du spectacle : la musique. Et que dire de ces lapins tantôt drôles, tantôt louches qui entrent sans crier gare – sans lien clair non plus – et qui repartent en laissant un gros point d’interrogation sur nos visages?

La mise en scène explore différentes tactiques d’incursion métaphorique, mais il appert qu’elle ne semble jamais aller au bout de ses idées. Pour preuve : l’entrée et la sortie plus que discrètes des deux chanteuses, Kim Richardson et Luce Dufault qui, à l’image des lapins, interviennent de façon plutôt énigmatique. Était-il nécessaire de les faire monter sur scène pour quelques minutes, si sublimes soient-elles?

Se pose alors une question : pourquoi avoir absolument voulu enrichir du matériel qui se suffit à lui-même? Si la mise en scène est obscure et que la musique est solide, n’aurait-il pas été plus pertinent de présenter « La création originale » à la Maison symphonique?

Les autres volets au programme de cette trilogie, « La pure symphonie » et « La grand-messe », seront respectivement à l’affiche de la Maison symphonique justement, en janvier 2023, et de l’église Saint-Jean-Baptiste, en novembre 2023.

En espérant que les intentions visuelles et scéniques servent davantage le propos d’un spectacle au succès couru d’avance.

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