Entretien avec Pussy Riot | «Tout le monde peut être une Pussy Riot!»

La grandeur du Théâtre Maisonneuve n’a rien ôté au caractère intime de la discussion tenue avec Sasha Bogino et Maria Alyokhina le 9 novembre dernier, toutes deux membres du très médiatisé groupe activiste Pussy Riot.

Avec Georges Stromboulopoulos aux commandes, la soirée a été savamment entamée par une projection résumée du plus récent documentaire du cinéaste russe Evgeny Mitta, Act & Punishment ; un projet dédié à l’histoire et aux idéaux prônés par les activistes aux balaklavas colorées.

Alexander « Sasha » Cheparukhin, activiste politique, directeur artistique et musicien russe, a toujours donné son appui au mouvement créé par les Pussy Riot. Il s’est joint à la discussion au fil de la soirée afin de mettre les mots sur la vision d’un acteur extérieur au mouvement, commentant la projection et accompagnant Sasha Bogino et Maria Alyokhina lors du panel.

 

Vers les médias

La création des Pussy Riot date de 2011, quand Nadezhda « Nadya » Tolokonnikova et Ekaterina Samutsevich se séparent d’un autre groupe d’activistes et d’artistes de performance, Voina.  Créant un mouvement d’art de performance inspiré des groupes punk et y mêlant activisme politique féministe, les deux femmes se lancent, performant des compositions de leur cru dans des endroits publics.

Maria Alyokhina se joindra au mouvement peu après le début de sa création.

À l’aube de la réélection de Vladimir Putin en 2012, les femmes ont dénoncé les agissements et les idéologies controversées de ce dernier par le biais de performances artistiques engagées.

La prière punk dans la Cathédrale du Christ-Sauveur en 2012 sera le point culminant de ces manifestations artistiques, faisant connaître le mouvement partout à travers le monde. Les arrestations qui suivent marqueront largement le paysage médiatique : Maria, Nadya et Yekaterina sont toutes trois arrêtées et condamnées à deux ans d’emprisonnement.

Après leur libération en 2014, le mouvement a perduré et le groupe a, entre autres, mis sur pied une agence de presse indépendante, chose rare en Russie vu le contrôle de la liberté de presse, nommé Media Zona.

 

La presse

Sasha Bogino, jeune journaliste travaillant pour Media Zona a tout de suite manifesté ses inquiétudes face à la présidence et possible réélection de M. Putin en 2018, mais aussi face à l’élection récente du candidat républicain Donald Trump.

«La propagande a changé en Russie depuis l’arrivée de M. Trump, on faisait passer les Américains pour les méchants, mais maintenant c’est tout le contraire», ajoute-t-elle après avoir soulevé l’idée que, ceux qui se ressemblent s’assemblent, pourrait être juste dans ce cas-ci.

La jeune femme de 21 ans est à l’antipode de ce que la société russe voudrait d’une personne de son sexe et de son âge, décrivant son parcours scolaire comme une série d’étonnements face aux intérêts de ses consoeurs. Journalisme cosmétique et chroniques beauté foisonnaient, alors qu’elle rêvait d’aller sur le terrain pour montrer la face caché du système carcéral et judiciaire russe.

La journaliste se spécialise maintenant dans la couverture des problèmes et de la situation générale en milieu carcéral, décrivant les prisonniers comme de vrais « esclaves ».

 

Le dire haut et fort

L’activisme tel que fait par les Pussy Riot mêle art de performance et engagement politique, perpétuant ainsi une tradition remontant à l’époque des Tsars. Les fous sacrés, comme ils étaient surnommés à l’époque, étaient des opposants au gouvernement qui ne se gênaient pas pour dire haut et fort leur désaccord, et ce, même à la royauté.  Plusieurs liens ont été tissés entre leurs pratiques et la manière de procéder des Pussy Riot.

La discussion s’est soldée sur une série de questions posées par l’auditoire.  Une femme dans l’audience a demandé comment il est possible de devenir membre, d’adhérer pleinement à l’idéologie promue par le groupe.  Masha Alyokhina a tout simplement répondu : « Tout le monde peut être une Pussy Riot ».

C’est en adoptant cette empreinte de féminisme, d’engagement politique et d’expression artistique, que l’on s’identifie au groupe. Selon les deux activistes, l’unité qui joint ces femmes n’a pas de frontières.

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