crédit photo: Antoine Saito
Orchestre Symphonique de Montréal

La maestro Barbara Hannigan dirige l’OSM sans baguette ni trompette

L’Orchestre symphonique de Montréal accueille ces jours-ci comme cheffe invitée Barbara Hannigan, dans un programme pour le moins hétéroclite unissant Strauss et Poulenc. Je cherche encore à comprendre ce qui motive ce choix de pièces qui a, par ailleurs, su ravir le public, qui a offert de multiples ovations à la fin du spectacle.

La première œuvre, Métamorphoses de Richard Strauss, a commencé tout doucement, presque en filigrane. J’ai cru que cette douceur extrême existait par choix, afin de rendre grâce plus tard dans une espèce de crescendo aux magnifiques lignes mélodiques de cette partition pour 23 instruments à cordes. Mais non, malheureusement, l’ensemble de l’œuvre est demeuré somme toute « flat », terme que je ne saurais traduire autrement pour indiquer cette absence totale de verve des musiciens. Malgré une gestuelle enveloppante de la cheffe Hannigan, l’orchestre semblait assis bien confortablement et aucunement animé par la trame musicale. L’histoire de la pièce se veut dramatique. Strauss y esquisse une Complainte sur Munich en mémoire de la destruction par la guerre du Théâtre national de sa ville natale.

* Photo par Antoine Saito.

La catastrophe qui en découle n’était aucunement traduite dans l’interprétation à laquelle j’ai assisté. Des altistes plus ou moins affirmés, qui pourtant avaient à eux seuls le plancher de la Maison symphonique, cette première partie n’impliquant que les cordes, avaient l’air gênés de jouer. On entendait à peine les violoncelles timides, alors que dans cette œuvre, ils ont les plus belles lignes mélodiques. Vraiment, le seul qui semblait super enthousiaste et qui mettait tout l’effort attendu était le premier violon. Andrew Wan a offert une excellente performance et, somme toute, son ardeur a su donner l’exemple à ses acolytes violonistes (exclusivement). À propos de la direction de Hannigan, elle a bien su isoler les différents thèmes mélodiques qui s’entremêlent au milieu de la pièce, qui aurait pu être un véritable champ de bataille cacophonique. Vers la fin, dans l’espèce de cadence agonisante, elle a su réveiller les troupes afin de donner un peu de « oumpf » à la performance musicale. Les applaudissements furent polis pour cette portion du spectacle.

Sans entracte, après l’installation du reste de l’orchestre et de quelques caméras sur pied, le clou du spectacle se devait d’être la version Hannigan de La Voix Humaine, une tragédie lyrique de Poulenc avec des textes de Jean Cocteau. Cette œuvre musicalement répétitive raconte l’histoire d’une relation toxique entre deux amants et celle d’une protagoniste suicidaire et passablement affectée par les enjeux de communication téléphonique constamment interrompue dans les années 1930. Disons que ces enjeux ne sont plus trop du moment. Plutôt que la sonnerie, il aurait fallu un bruit de texto pour actualiser le tout.

* Photo par Antoine Saito.

Ceux qui ont déjà visionné des vidéos de la cheffe Hannigan qui dirige et chante en même temps la partition pour soprano d’une pièce savent que cet exercice est extrêmement impressionnant. Barbara Hannigan est une interprète soprano formidable qui possède une voix claire et précise. On avait, pour cette portion du spectacle, subtilement amplifié sa voix, puisque Hannigan a passé une majorité de l’œuvre dos au public pour exercer sa direction musicale. L’utilisation des projections en ce sens était judicieuse, puisque les images prises en temps réel du visage de la soprano ont permis de partager aux spectateurs son interprétation très investie du texte de Cocteau. Dans cette portion du spectacle, Hannigan a dirigé l’orchestre de toutes les façons : en faisant danser ses mains devant les caméras, en équilibre sur un pied, les poings en l’air, accroupie sur le podium, ou encore en mimant des coups de poignard. Dans tout ce cirque, les musiciens arrivaient très bien à suivre. L’orchestre, faisant davantage office d’« accompagnateur » et de ponctuation dans les phrases de la soprano, a très bien joué ce rôle.

Le spectacle se répète à la Maison symphonique le 22 février. Les personnes qui souhaitent voir un spectacle de musique classique non conventionnel pourront y trouver leur compte.

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