crédit photo: Marie-Mike
Calamine

Entrevue avec Calamine | Une joyeuse révolte

Calamine sortait son troisième album vendredi dernier, DÉCROISSANCE PERSONNELLE, dans lequel elle n’épargne pas la société. Sors-tu? en a discuté avec elle, sous les rayons du soleil du parc Sir-Wilfrid-Laurier.

Quelle est la recette d’un album de Calamine ? Au départ, c’est un premier jet de textes et d’instrumentales sombres, voire « glauques », où l’artiste déverse ses déceptions, constats et frustrations envers la société. Tout y passe, de la mobilité durable (La 34) au racisme systémique (J’PAS RACISTE MAIS) jusqu’à la crise du logement (GENTRIFORNICATION) en passant par les féminicides (BACKLASH).

Il faut ensuite rendre le projet attrayant. « Parce que la V1 de l’album, je pense que personne n’aurait survécu à ça. Moi, la première », admet-elle. Les instrumentales sont retravaillées pour une ambiance plus légère et dansante et permettre ainsi de rendre les textes plus accessibles.

Calamine veut dire des choses, certes, mais elle veut surtout « faire de la musique qu’on a envie d’écouter » en se démarquant du registre des chansons engagées où « tu l’écoutes une fois, t’es genre « Wow, le message est super! » Puis après ça, tu l’écoutes plus parce que c’est lourd ».

C’est souvent le pari que je prends, d’arriver à parler des choses un peu impopulaires… de manière catchy.

Pour ça, elle collabore depuis 2018 avec Kèthe Magané, et ce de façon indépendante, comme elle le dit dans CE GAME-LÀ : « Ça vaut pas la peine, non, j’ai dit non à trois label ». Donner les droits de ses chansons à quelqu’un d’autre ? Loin d’elle cette idée. « Je suis quelqu’un d’assez radical dans mes principes. Si je sentais qu’on prend des décisions de nature plus capitaliste en mon nom, ça me ferait tout lâcher. » Le chemin de croix vers l’indépendance est cependant semé d’embûches. « C’est fait pour que les artistes indépendants ne comprennent pas, pour que tu sois obligé de passer par l’industrie pour comprendre. »

Cette liberté, elle l’exploite pleinement, en critiquant par exemple la STM et les vélos BIXI dans le morceau LA 34, qui réfère à la ligne de bus qui relie la station de métro Viau à Papineau. Entre les bus qui ne passent pas et les stations de vélos défaillantes, Calamine aborde la difficulté de pratiquer la mobilité durable. « [Cette chanson, c’est dire que] c’est vrai que c’est de la merde. C’est de reconnaître les efforts qu’on fait pour continuer. Ça reste un défi de tous les jours. C’était aussi de dire : améliorons le service, ne coupons pas là-dedans. »

Avec DÉCROISSANCE PERSONNELLE, Calamine « essaye d’être et de faire de la politique dans la culture populaire » en trouvant d’autres chemins que les canaux standards de politisation. Même si on pourrait la croire pessimiste, elle préfère le terme « cynique ». « Il y a presque un fond de pessimisme. Mais en même temps, faire des chansons là-dessus, c’est prendre quand même acte dans le débat. »

L’album comporte trois invitées, les rappeuses Sensei H (demi-finaliste des Francouvertes 2024) et Sloan Lucas, qu’on retrouve sur LE SECRET DE LA JEUNESSE, et Naomi sur BOXERS DE GARS, un morceau sensuel avec une pointe d’irrévérence.

Y’a pas de top/bottom, non madame, dans nos boxers de gars,
Les jouets on les partage comme à crèche, on est sœurs de godes,
Baby take it real slow, ride ma p’louse comme un char de golf,
J’sors du lit pis juste j’fly comme un Airbus à Charles-de-Gaulle. (extrait de BOXERS DE GARS)

Le prochain projet de la rappeuse pourrait prendre la forme d’un EP plus « badass » et sans « aucun compromis esthétique », selon ce qu’elle rapporte. « Il m’est arrivé plein d’affaires d’un point de vue plus personnel qui ont heurté mes valeurs féministes. On dirait qu’il y a une partie de moi qui a envie de faire un truc vraiment dark. »

Avec pour leitmotiv la volonté de s’exprimer librement, l’artiste pense aussi mettre de côté les punchlines et les rimes pour se lancer dans l’écriture d’un essai autour de l’identité de genre, qui, selon elle, manque de représentation dans la littérature québécoise. « Je ne sais pas dans ma timeline de carrière où ça va se placer, mais j’y pense » , confie-t-elle.

D’ici là, cinq dates sont prévues un peu partout au Québec pour célébrer le lancement de DÉCROISSANCE PERSONNELLE, dont une à la Maison de la culture Maisonneuve, dans le quartier de Hochelaga. Un lieu rempli de sens pour Calamine, elle-même étant une « hochelagurl » (Boulette Proof, 2020). Les billets sont gratuits, mais il faut réserver sa place juste ici ou bien directement sur place.

Mais à quoi s’attendre ? « Je pense que cet album est révolté en étant joyeux. Le show, ça va être ça. »

Dates de lancement

  • 12 avril Gatineau – Pub À la Dérive
  • 19 avril Montréal – Maison de la culture Maisonneuve
  • 26 avril Québec – Le Pantoum
  • 27 avril Rimouski – Les Bains Publics
  • 25 mai Ste-Hyacinthe – Le Zaricot

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