Critique théâtre | Pervers à La Licorne

La semaine dernière avait lieu à la Licorne la première de Pervers, une pièce d’une jeune irlandaise, Stacey Gregg, traduite pour la première fois dans la langue de Molière. Dans la lignée des titres d’un mot qui choquent mais ne révèlent pas trop en même temps, Pervers s’inscrit dans le contexte théâtrale que défend le Théâtre de la Manufacture, en étant accessible, actuel, dénonciateur et en interrogeant les nouvelles données qui interfèrent dans notre société.

Avec Mikhaïl Ahooja, Micheline Bernard, Stéphanie Labbé, Sarah Laurendeau, Frédéric Lemay, Christiane Proulx et Marie-Hélène Thibault, une mise en scène de Philippe Lambert, présentée du 15 janvier au 23 février.

Photo par Suzanne O'Neill

Photo par Suzanne O’Neill

C’est une corde sensible et délicate, une préoccupation coriace et infinie que celle de la perversion, et Stacey Gregg a bien atteint sa cible en s’attaquant une parcelle du problème, quand l’intimidation prend le dessus sur l’intimité et que les gestes deviennent condamnables par la multitude. Sujet très chaud en ce moment, les questions proposées dans la pièce visent évidemment les jeunes et leurs cellulaires, ces ados dans leur désinformation massive et leur désinvolture naïve. Dans le personnage de Gethin, très habilement joué par Mikhaïl Ahooja, on retrouve l’humain dans toute sa splendeur, celui qui agit par instinct et qui désire pousser plus loin sa « luck » malgré qu’il soit raisonnable et équilibré. Et quand il tombe dans son propre piège, sa défense chambranle et de vieilles blessures entravent son plan si gauchement élaboré. Ce plan consistant à prouver que « le monde capote pour rien », qu’une rumeur suffit pour enflammer les langues et faire boule de neige concernant les déviations des gens.

Photo par Suzanne O'Neill

Photo par Suzanne O’Neill

Beaucoup d’adolescents auraient avantage à assister à ce spectacle, tout comme les adultes qui évoluent autour d’eux, juste pour être témoin d’un exemple tout à fait réaliste de ce qui peut arriver lorsqu’on franchit une certaine limite quand il s’agit d’actes répressibles et pas tout à fait catholiques. Pervers agit comme un bon épisode de télésérie; l’anecdote résolue, on est heureux que notre héros s’en soit sorti indemne.

À l’instar d’une télésérie, le cadre de l’action nous garde dans la réalité, dans le salon, la cuisine, la ruelle, chez la voisine. Et le jeu suit cette direction, dans laquelle Micheline Bernard excelle particulièrement, campant la mère inquiète et concernée, attachante et vraie. Marie-Hélène Thibault aussi nous convainc facilement du personnage de la justicière chargée de l’enquête, réussissant à nous emmerder royalement avec ses questions « objectives ». Un personnage tout de fois apparait pratiquement superflu, celui de Leila, pourtant bien incarné par Sarah Laurendeau. Après un changement de décor qui pourrait facilement marquer le début du deuxième acte, elle déballe son histoire pour ne plus revenir du tout. Les informations de ce monologue aurait pu être amené par un autre personnage que l’on aurait pas vu la différence.

Une pièce nécessaire, absolument d’actualité et qui amène une bonne réflexion sur la paranoïa du 21e siècle et le sens de justice parfois bancal de notre époque, où l’on poursuit des incidents mineurs en justice, et où on laisse échapper sous nos yeux clos de vrais pervers.

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