Arion Orchestre Baroque

Arion Orchestre Baroque | Nouvelle lecture de Haydn et Mozart

Le chef et soliste invité Lorenzo Coppola offrait, la semaine dernière, un voyage dans le temps avec l’orchestre baroque Arion, en proposant une redécouverte de la musique de l’époque du Prince Esterházy. Tout au long du concert, Coppola nous explique en quoi ce répertoire centré autour de Mozart et Haydn apparait comme un « opéra sans paroles… ou presque ».

Cet orchestre, créé en 1981 à Montréal, ne cesse de redécouvrir les œuvres des compositeurs baroques en les éclairant d’une lumière nouvelle, à travers entre autres le regard expérimenté et clairvoyant de sa directrice artistique Claire Guimond. En terme de nouveauté justement, ce concert marque le coup d’envoi du dernier CD de l’orchestre Bach : Magnificat, enregistré en décembre dernier, à découvrir au plus vite.

Après un rappel sociologique par Lorenzo Coppola sur la musique du XVIIIe comme véritable miroir de la vie quotidienne, la belle Lucilla (Andréanne Brisson Paquin) fait son entrée sur scène pour y interpréter l’air « Vado, ma dove ? » de Mozart, accompagné par l’orchestre. Bien qu’elle aurait pu s’imposer davantage, sa voix chatoyante et expressive illustre à merveille l’ambiguïté et les défauts amplifiés du personnage en quête d’un riche époux.

La soprano abandonne l’orchestre, le temps de la symphonie N°73 de Haydn, surnommée La Chasse, en référence à la finale, inspirée d’ailleurs de l’ouverture de La fedelità premiata, le 21e opéra de Haydn. Les chanteurs ici sont remplacés par les instruments, et les textes apparaissent à travers les gestes musicaux. Il s’agit donc bel est bien d’un « opéra sans parole », écrit avec beaucoup d’humour et d’imagination, au point de faire « pleurer de rire » le prince Esterházy lorsque le compositeur la lui présenta en 1782. Les musiciens s’en amusent beaucoup à leur tour, en se mettant dans la peau des personnages à jouer, à l’instar de l’altiste ou du contrebassiste qui font tout pour se faire remarquer en provoquant l’hilarité du groupe (et du public).

Après cette symphonie peu connue mais apparaissant parmi les plus belles selon Lorenzo Coppola, la soprano revient sur scène pour y interpréter un second air de Mozart « Chi sà, chi sà qual sia ». Chaque mot est souligné par un geste amplifié de l’orchestre en une fraction de seconde. Notons d’ailleurs la forte cohésion du groupe, à la fois au sein même des instrumentistes et avec la chanteuse.

Lorenzo Coppola revient après une courte pause pour interpréter le concerto pour clarinette de Mozart, sur instrument d’époque afin de renouer avec les « émotions authentiques » et la spontanéité du théâtre populaire de la Comedia dell’Arte. Cette œuvre a été composée pour « le nouveau modèle de clarinette d’amour » qu’Anton Stadler, clarinettiste et ami du compositeur, avait fait fabriquer en 1788. Cet instrument couvrant plus de quatre octaves offre une sonorité très douce et chantante grâce à son pavillon globulaire, caractère dont a très bien su rendre compte Lorenzo Coppola, à travers ses entrées très feutrées et ses longues tenues vibrantes. On appréciera son jeu très musical, aéré, et très (trop ?) théâtral.

Devant le succès du concert et pour clore avec une dernière note d’humour, l’orchestre offre un dernier hommage à Mozart en soutenant un dialogue entre chanteuse et clarinette. Aussi beau à voir qu’à entendre, cet orchestre fait preuve d’une grande jeunesse, d’une forte cohésion et d’une écoute attentive. Le fait qu’il n’y ait pas de chef face au groupe vise à accentuer l’attention entre les musiciens, tout en offrant une plus grande spontanéité. Au vu de la réactivité du public, de ses éclats de rire et de son intérêt lors de la causerie post-concert, la distance entre musicien et spectateur semble donc s’être amoindrie, ce que cherche à obtenir Lorenzo Coppola, puisque selon lui, la musique doit représenter la « vraie vie » et chercher l’approbation continuelle de l’auditeur, et non sa méfiance.

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