Tanya Tagaq – Retribution (****½) | Évocateur, puissant, chargé, et tout simple à la fois

Tanya Tagaq - Retribution Tanya Tagaq Retribution

Rédiger un texte à propos d’un album de Tanya Tagaq n’est pas chose facile. Comment rendre à l’écrit des sensations qui doivent absolument être ressenties, vécues ? La musique créée par la chanteuse inuit est quelque chose qui, si l’on y est sensible, vient nous chercher dans les tripes. Elle défie toute description, aussi précise cette dernière soit-elle.

Retribution, le quatrième album studio de Tagaq, voit une fois de plus l’artiste se servir de sa gorge, de sa langue, de sa féminité, de sa sensibilité et la combinaison de sa force et sa fragilité pour créer un ensemble de pièces musicales qui émeuvent, choquent, secouent et surtout, ne laissent personne indifférent.

Dans une entrevue accordée récemment à la CBC, Tanya Tagaq a affirmé que tout le monde peut interpréter le sens de ses chansons comme ils le désirent. Par exemple, lorsqu’on écoute une pièce telle que Nacreous, qui ouvre sur un chant de gorge quelque peu menaçant, on peut rapidement ressentir une sorte d’inquiétude.

Au cours des quatre minutes de la pièce, la voix de Tagaq, qui semble être modifiée électroniquement par moments, se multiplie. On entend la douce et mélodique Tanya qui est brillamment juxtaposée aux bruits de gorge inquiétants, puis il y a sa voix plaintive en arrière, suivie d’une série de sons cadencés. Tout ceci est posé sur un fond musical très aéré, donnant l’impression que l’on se retrouve dans un étrange rêve.

Sur Centre, la douce voix chantée de Tagaq entre en opposition avec le rap de son invité, Shad. La musique est très « groovy », la batterie et la basse étant très présentes. On retrouve aussi en arrière plan du chant de gorge et autres types de vocalises. La chanson est très entraînante (ce qui est plutôt inhabituel sur un album de Tagaq !).

Dans l’ensemble, l’album est plus sombre que son prédécesseur, Animism, gagnant du prix Polaris de 2014. Il y a quelque chose de ténébreux et de dramatique qui survole l’ensemble des pièces. Aorta, avec ses sons tordus de guitare électrique et le chant de gorge très énergique, au bord de l’essoufflement, a quelque chose de dérangeant.

Tanya Tagaq est souvent comparée à Björk, mais on pourrait également, dépendamment de la personne qui écoute, y déceler des similitudes avec King Crimson, lorsque la formation est à son plus discordant. Le travail de Tagaq peut également rappeler celui de Yoko Ono, qui mélange cris stridents et sons divers avec musique rock (ou autres genres). En ce sens, la démarche artistique de Tagaq évoque celle de la célèbre artiste japonaise.

Tagaq reprend à la toute fin du disque la classique Rape Me de Nirvana, avec un chant voilé appuyé d’une guitare et d’un battement de tambour, ainsi que des voix chuchotées en accompagnement. Une version plutôt douce qui, avec son chant invitant, à la limite de la voix d’enfant, crée un contraste puissant et très dérangeant.  Ceci donne plus de poids au message de la pièce que sur la version originale.

Ce n’est certainement pas tout le monde qui peut apprécier la musique de Tanya Tagaq. On ne peut faire jouer ses disques dans une soirée entre amis, ou un souper, et ne pas s’attendre à voir de la confusion dans les regards des convives. Il faut écouter ses chansons dans le noir, ou du moins avec une certaine concentration. Il faut ressentir cette musique, il faut la vivre, il faut la goûter.

Retribution offre à quiconque décide de l’écouter une expérience viscérale, chargée, qui fera passer l’auditeur par plusieurs émotions, et même certains questionnements. Ces dix nouvelles pièces de Tanya Tagaq invitent à l’introspection, mais également à poser un regard différent sur le monde qui nous entoure. Et n’est-ce pas là toute la force de l’art ?

Tanya Tagag propose un disque dense, riche, complexe, et tout simple à la fois, car avec des pièces majoritairement sans paroles, on peut donner le sens de notre choix à cette musique. Bref, c’est simple et complexe comme nous le sommes tous, comme chaque être humain.


* À voir au Centre National des Arts d’Ottawa le 26 novembre prochain ! Détails par ici.

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